CJS-19.06.1985

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Domaine(s)
Immunités
Mot(s) clef(s)
Recours par CPAM contre autre entrepreneur  | Immunité  | Conditions  | Travail connexe  | Notion  | Pluralité d'entreprises  | Même chantier et objet  | Direction unique

Référence

  • CJS-19.06.1985
  • N.Rôle 6811

Base légale

  • Art0115-al01-CSS
  • Art1382-CCIV
  • Art1384-CCIV
  • Art1384-al03-CCIV

Sommaire

Le recours de droit commun de la caisse de sécurité sociale ayant fait des prestations au profit de son assuré social ne peut être exercé que contre les personnes étrangères au travail c'est-à-dire contre les tiers responsables.

'il résulte de l'ensemble de ces faits que les préposés de plusieurs entreprises, bien que se livrant à des tâches différentes, travaillaient simultanément sur un même chantier, pour un objet et dans un intérêt commun, à savoir l'agrandissement du train de laminoir A de l'usine MMRA, et sous une direction unique, à savoir le service " Nouvelles constructions " de MMRA.

Dans les circonstances de l'espèce tout se passait comme si l'accident s'était produit dans le cadre de la même entreprise;

que n'est dès lors pas recevable l'action de la Caisse primaire, légalement tenue de verser des prestations à la victime de l'accident de travail, contre l'un des entrepreneurs qui n'est pas considéré comme "tiers" vis-à-vis d'elle.

Corps

La Cour d'Appel:

Attendu que le 23 septembre 1974 L., chef d'équipe auprès de l'entreprise D., a été gravement blessé au cours d'un accident de travail qu'il a subi sur le chantier des entreprises D. et S., chargées par la société anonyme Minière et Métallurgique Rodange Athus, dite MMRA, d'exécuter des travaux d'agrandissement de son usine à Rodange;

Attendu que par exploit du 21 février 1980 la Caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de Valenciennes, dite Caisse primaire, exposant avoir effectué des prestations en faveur de son assuré L., a assigné la société anonyme S.:

1. pour s'entendre dire qu'elle est tenue d'intervenir dans l'instance en dédommagement intentée par la Caisse primaire à MMRA sur base des articles 1384, alinéa 1er, subsidiairement 1382 et 1383 et plus subsidiairement 1384, alinéa 3, du Code civil;

2. pour voir dire que la responsabilité de S. est engagée, pour le tout ou pour partie, sur le fondement des articles 1384, alinéa 1er, subsidiairement des articles 1382 et 1383 et plus subsidiairement de l'article 1384, alinéa 3, du Code civil et pour faire condamner S. à rembourser à MMRA, en totalité ou en partie, le montant de 46.870, 30 francs francais;

Attendu que par jugement rendu le 13 mai 1982, après avoir:

retenu la demande de la Caisse primaire à titre de demande principale,

donné acte à la Caisse primaire de l'augmentation de sa demande à 293.970, francs francais, et

écarté le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 115 du code des assurances sociales,

le tribunal a, avant tout autre progrès en cause, admis la Caisse primaire à prouver par témoins: "que la manoeuvre du pont roulant au moment de l'accident était effectuée dans l'intérêt et sous l'autorité de S. dans la zone du chantier où travaillaient S. et D."

que pour décider ainsi le tribunal, après avoir relevé

que S. contestait avoir eu la garde juridique du pont roulant impliqué dans l'accident en cause,

que l'article 8.1 des consignes de sécurité de MMRA, acceptées par S. énoncait que: "dans le cas où la société met à la disposition du fournisseur des engins de levage lui appartenant avec ses machinistes ou pontiers, la garde en est transférée au fournisseur pendant toute la durée de l'utilisation",

a considéré qu'à "supposer établi qu'au moment de l'accident le pont roulant fonctionnait pour la réalisation de travaux dont S. était chargée, celle-ci aurait assumé la garde de sorte que le premier point de l'offre de preuve formulée par la demanderesse et contenant articulation des faits ci-dessus énoncés, était pertinent et concluant;

Attendu que contre ce jugement S. a régulièrement relevé appel;

que l'appelante soulève en ordre principal le moyen d'irrecevabilité de l'action, tirée du fait que l'accident de travail en litige s'est produit au cours de travaux exécutés par plusieurs entreprises en commun sous une direction unique; qu'en ordre subsidiaire l'appelante conteste avoir été gardienne du pont roulant ayant blessé L. et offre pour autant que de besoin de prouver par témoins les faits suivants:

"1.que la MMRA ayant décidé au courant de l'année 1973, sans préjudice de date exacte, d'agrandir, à l'intérieur de l'enceinte de son usine, le train de laminoir A, a fait établir le projet afférent par son service " Nouvelles Constructions ";

2.qu'après adjudication des travaux aux différentes firmes qui devaient collaborer à l'exécution du projet, le même service a organisé, dirigé et surveillé dans la suite et de façon constante les travaux, coordinant surtout sur place les activités de toutes les entreprises avec les services de production de MMRA, que les travaux en effet étaient organisés et programmés de telle façon que la production normale du laminoir Train A, sur le site duquel les travaux d'agrandissement en question se faisaient, ne devaient pas être interrompues;

3.Qu'il y a eu simultanément et dans le même grand hall:

a) la fabrication de produits laminés par MMRA;

b) des travaux de béton armé, confiés à S.;

c) des travaux de charpente métalliques, confiés à D. et L., employeur de la victime;

d) des travaux de modification et de démontage mécanique par les équipes MMRA;

e) des travaux de mécanique confiés à H. et K.de Saarbrucken;

f) des travaux de modification aux installations électriques.

4. Que d'autre part le chantier n'était pas directement accessible aux camions des firmes qui y travaillaient, mais que cet approvisionnement était effectué par les soins de MMRA, à l'aide des ponts roulants installés dans le bâtiment en cours de transformation.

5.Que dans ce contexte, les grutiers de ces ponts roulants, tous ouvriers aux services de MMRA n'étaient pas détachés auprès de l'une ou de l'autre des autres entreprises, mais restaient sous les ordres et sous la surveillance de leur employeur si bien que chaque fois qu'une des entreprises prémentionnées avaient besoin d'un pont roulant, elle devait en faire la demande au service compétent de la MMRA qui dès lors était appelé à coordonner l'usage des ponts roulants par les différentes entreprises, fixant pour elles le temps d'utilisation;

6.Que les grutiers desdits ponts ont été rémunérés par MMRA qui n'a mis en compte, aux entreprises utilisant les ponts roulants, ni le salaire des grutiers, ni une indemnité pour l'utilisation de la grue.

7.Que du fait que la production de MMRA continuait dans le hall, les ponts roulants installés à l'intérieur de ce hall travaillaient en priorité pour cette production."

Attendu que l'intimée soutient que le pont roulant avait été mis à la disposition de S. par MMRA et que le pontier exécutait les directives d'un préposé de S.; que dès lors cette entreprise doit assumer la responsabilité de l'accident occasionné par cet appareil; que l'offre de preuve de l'appelante, n'étant pas concluante, devra être écartée et que le jugement entrepris est à confirmer;

Sur le moyen d'irrecevabilité:

Attendu que l'appelante prétend que le recours de droit commun de la caisse de sécurité sociale ayant fait des prestations au profit de son assuré social, ne peut être exercé que contre les personnes étrangères au travail c'est-à-dire contre les tiers responsables;

qu'en cas de travaux exécutés en commun par plusieurs entreprises sous une direction unique, ces entrepreneurs ne sont pas considérés comme des tiers par rapport aux préposés des autres entrepreneurs;

Attendu que pour justifier son moyen d'irrecevabilité l'appelante soutient qu'au cours de l'année 1973 MMRA a fait élaborer par son service " Nouvelles Constructions " un projet en vue d'agrandir le train de laminoir A dans l'enceinte de son usine à Rodange; que MMRA a ensuite adjugé à différentes entreprises, notamment à S., à D., à H. et K. les travaux envisagés; que lesdits travaux à savoir: travaux de béton armé, de charpentes métalliques, de mécanique, de modification et de démontage mécanique et de modification aux installations électriques ont été exécutés simultanément dans le même grand hall dans lequel la fabrication de ses (grands) produits laminés a été continué par MMRA; que le service " Nouvelles Constructions " de MMRA a été chargé de la supervision de tous ces travaux organisant, dirigeant et coordonnant l'ensemble des activités;

que les différentes entreprises ont collaboré dans l'exécution des travaux; qu'ainsi par exemple, le chantier n'étant pas directement accessible aux camions des firmes qui y travaillaient, MMRA a effectué l'approvisionnement du chantier à l'aide de ses ponts roulants desservis par ses propres pontiers;

Attendu que l'intimée ne conteste pas les faits ci-avant exposés;

Attendu qu'il n'est pas non plus contesté en cause que la victime L., chef d'équipe de l'entreprise D., qui a reçu des prestations de la part de l'intimée, a été occupée à boulonner des poutrelles métalliques lorsqu'elle fut blessée par un pont roulant de MMRA conduit par son pontier;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces faits que les préposés de plusieurs entreprises, bien que se livrant à des tâches différentes, travaillaient simultanément sur un même chantier, pour un objet et dans un intérêt commun, à savoir l'agrandissement du train de laminoir A de l'usine MMRA, et sous une direction unique, à savoir le service " Nouvelles constructions " de MMRA;

que d'autre part l'accident de travail dont fut victime l'assuré social de l'intimée a été occasionné par un pont roulant de MMRA placé sous la supervision du susdit organe de direction unique;

qu'il est sans relevance à cet égard que le pontier de MMRA ait suivi les directives d'un préposé de S., entreprise pour laquelle le pont roulant a été manoeuvré au moment de l'accident, ainsi que le soutient l'intimée;

Attendu que dans les circonstances de l'espèce ci-dessus décrites tout se passait comme si l'accident s'était produit dans le cadre de la même entreprise;

que n'est dès lors pas recevable l'action de la Caisse primaire, légalement tenue de verser des prestations à la victime de l'accident de travail, contre l'un des entrepreneurs qui n'est pas considéré comme "tiers" vis-à-vis d'elle (Danièle Durin, Des Recours des Caisses de sécurité sociale en matière d'accidents, éd. 1962, p. 26 et ss.; Jacques Doublet, Sécurité sociale, éd. 1964, p.186; Bull.crim.20.2.1973 ch. 9 no. 85; Bull. civ. 9.4.1973, ch.5 no. 252; Bull. civ. 17 nov. 1977, ch. 5 no. 633;G.P.1978.2. Somm. p. 357, Cass. soc. 29.6.1978);

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