Audience publique du vingt-cinq février mil neuf cent quatre-vingt-sept.
Faits
Attendu qu'il résulte des renseignements fournis et des pièces versées aux débats que pour l'exploitation de son installation de traitement par incinération de résidus urbains, avec récupération de chaleur, Sidor a conclu le 18 juin 1976 un contrat avec les sociétés Compagnie générale de chauffe, société anonyme belge, et Compagnie générale de chauffe, société anonyme française, constituées à cette fin en société anonyme de droit luxembourgeois, Socom;
qu'aux termes dudit contrat S. assure sous sa responsabilité l'exploitation de l'installation (article 6, alinéa 1: "l'exploitant assure sous sa responsabilité et à ses frais risques et périls, le fonctionnement et l'entretien de l'installation.") Sidor, reste propriétaire de l'installation (article 1, 1" ... cette installation appartient au syndicat intercommunal pour la destruction des ordures des communes des cantons de Luxembourg, Esch et Capellen... ") et garde un droit de contrôle (article 6 alinéa 5:" Les agents dûment accrédités par Sidor peuvent procéder à toutes vérifications utiles pour s'assurer que l'installation est exploitée dans les conditions du présent contrat ... alinéa 7: "L'exploitant tiendra à jour, à la disposition du Sidor, un journal de marche sur lequel seront consignés tous les renseignements caractéristiques concernant la marche de l'installation ..."; article 1, 3 alinéa 2: "Pour assurer le respect des clauses du présent contrat l'exploitant se déclare d'accord pour accepter sur les lieux de l'exploitation un représentant permanent du Sidor à la disposition duquel sera mis l'étage ... ").
Sidor assume également l'obligation de livrer et décharger des ordures et déchets (Article 7: "La livraison et le déchargement à l'usine d'incinération des ordures et autres déchets prévus à l'article 4 seront faits par les soins et aux frais de Sidor, des particuliers ou des entreprises privées ou publiques agréées par lui.");
Attendu qu'à l'époque de l'accident P., chef de service et seul employé de Sidor, s'occupait de l'administration-gérance et de la surveillance ainsi que de la comptabilité de Sidor;
Attendu que le 20 juin 1983, R., âgé de 21 ans, employé en qualité de chauffeur-livreur près de la firme Comptoir pharmaceutique luxembourgeois S.A. reçut de son préposé C. l'ordre d'amener des déchets à l'installation d'incinération Sidor; que R. s'y rendit en camionnette; qu'il amena la camionnette en marche arrière à environ un mètre du bord de la décharge; que cette décharge est protégée sur toute longueur par un rebord d'une hauteur de 21 cm et d'une largeur de 27 cm; que R. avait déjà déchargé plusieurs caisses dans la fosse à déchets lorsqu'il saisit une grande caisse en carton remplie de déchets qui était particulièrement lourde, et tira jusqu'à ce que le carton céda et qu'il perdit l'équilibre et chuta par-dessus le rebord dans la fosse; que R. subit des lésions sérieuses nécessitant son hospitalisation;
Recevabilité de la demande
1. Attendu que l'appelante soulève à titre de moyen d'irrecevabilité de la demande le "défaut de qualité dans le chef de Sidor"; qu'elle développe ce moyen dans ses conclusions du 29 septembre 1986, en se référant au contrat d'exploitation du 18 juin 1976, ci-dessus dénommé contrat qu'elle interprète dans le sens que Sidor ayant confié l'exploitation de ladite installation à S., celle-ci doit être considérée comme gardien de l'installation et non pas Sidor;
Attendu que ce raisonnement est identique à celui soutenu par l'appelante lorsqu'en ordre subsidiaire elle conclut à l'inapplicabilité de l'article 1384 alinéa 1er du code civil pour défaut de qualité de gardien juridique dans le chef de Sidor, assuré des "Assurances de 1030"; qu'il convient d'y répondre ci après;
2.- Attendu que l'article 115 du code des assurances sociales met obstacle à l'action judiciaire en dommages et intérêts en raison d'un accident, contre l'entrepreneur ou contre tout autre membre de l'association d'assurance contre les accidents en cas de travail connexe et même en cas de travail non connexe mais exécuté en même temps et sur le même lieu;
Attendu qu'il résulte de la description des faits ci-dessus que le travail de déchargement (ci-dessus que le travail de déchargement) lisez: de R. et celui d'administration-gérance de surveillance et de comptabilité de l'employé P. de Sidor ne sont pas connexes étant donné que leurs tâches étaient différentes et n'avaient pas des rapports étroits l'une avec l'autre; qu'elles n'étaient notamment ni exécutées en commun, ni sous une direction unique, R. recevant ses ordres du Comptoir pharmaceutique luxembouregois et P. de Sidor;
Attendu que même si l'on considère que lesdits travaux étaient exécutés en même temps et sur le même lieu, le travail de déchargement de déchets de R. était entièrement indépendant du travail à caractère essentiellement administratif de P.; qu'il en suit que les deux espèces de travaux n'ont pas pu créer un risque d'accident unique et que dès lors les premiers juges ont à juste titre déclaré l'article 115 du code des assurances sociales non applicable au présent litige;
Au fond
1.- Attendu que l'appelante conteste la qualité de gardien dans le chef de son assuré Sidor;
Attendu qu'il résulte cependant du contrat d'exploitation ci-dessus cité, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, que l'usage des installations d'incinération n'avait été concédé à S. que sous le contrôle du propriétaire Sidor, qui conservait un pouvoir général de direction et restait dès lors gardien au sens de l'article 1384 alinéa premier du code civil;
2.- Attendu que l'appelante soutient que l'installation d'incinération ne présentait pas d'anomalies ayant joué un rôle actif et causal dans la réalisation du nommage;
Attendu ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits ci-dessus, que le quai de déchargement près de la fosse à déchets de l'installation d'incinération est muni d'un rebord de protection pour arrêter les véhicules qui y sont conduits aux fins déchargement;
Attendu qu'il en suit que ladite installation n'était pas, au moment de l'accident, dans un état susceptible de causer normalement un dommage;
que l'existence de la fosse a déchets et son aménagement, apparents et connus de la victime R., n'étaient pas de nature à la surprendre;
que R., comme tout homme normalement prudent, était tenu d'adapter son travail de déchargement au véhicule qu'il utilisait et qui en l'occurrence n'était pas muni d'un système mécanique de déchargement;
Attendu qu'il en suit que l'installation dont question n'a pas joué un rôle actif dans la production du dommage parce qu'aucune anomalie dans son aménagement ne peut être retenue;
que l'installation critiquée n'ayant dès lors pas été l'instrument du dommage subi par R., l'article 1384 alinéa 1er du code civil ne peut être appliqué en l'espèce;
Attendu qu'il n'est pas établi non plus que Sidor ait commis une faute ayant contribué à la production de l'accident.