LA COUR
prit ensuite l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique de ce jour à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
Par déclarations des 10 et 11 juillet 1986 au greffe du tribunal d'arrondissement de Luxembourg les parties civiles S. et G. respectivement le procureur d'Etat ont régulièrement fait relever appel d'un jugement correctionnel du 3 juillet 1986 dont le dispositif est reproduit dans les qualités du présent arrêt.
Au pénal le prévenu fait soutenir que sa responsabilité ne saurait être engagée en raison du cas fortuit qu'aurait constitué l'état anachronique de la voiture qu'il devait piloter combiné à la survenue inopinée du verglas. Ce raisonnement tombe à faux alors qu'il résulte de la rubrique 15 du procès verbal dressé par la gendarmerie que la "Jeep" accidentée était dans un état technique sans faille. Il était partant du devoir du conducteur d'adapter sa vitesse à la circonstance que le véhicule en question était de construction ancienne et ne présentait pas les facteurs de sécurité dont sont investies les automobiles modernes.
D'autre part le chauffeur est mal venu à invoquer la surprise de la chaussée glissante, le sinistre s'étant produit par temps de gel et de brouillard.
Finalement les premiers juges ont appliqué une peine légale, juste et équitable eu égard aux circonstances atténuantes militant en faveur du condamné de sorte que l'appel du ministère public est sans fondement.
Les demandeurs au civil reprochent à la juridication de base d'avoir déclaré leur action irrecevable sur pied de l'article 115 du code des assurances sociales.
Aux termes de l'article 23 de la loi modifiée du 29 juin 1967 sur l'organisation militaire les dispositions légales réglementaires régissant l'assurance obligatoire contre les accidents du travail, section industrielle, sont applicables aux militaires de l'armée.
D'après l'article 115 alinéa 1er du code des assurances sociales ni les vicitimes assurées en vertu de cette loi ni leurs ayants droit et héritiers ne peuvent en raison de l'accident agir judiciairement en dommages-intérêts contre l'entrepreneur.
L'alinéa 2 du même article énonce cependant que les conducteurs ou propriétaires de véhicules assujettis à l'assurance prescrite par les règlements de la circulation sur toutes les voies publiques, ainsi que leurs assureurs ou cautions sont responsables, sous les restrictions qui précèdent toutes les fois qu'il s'agit d'un accident de trajet.
Les parties civiles s'emparent de ce texte pour conclure à la condamnation aux dommages-intérêts du défendeur C.. L'article 92 du code des assurances sociales considère comme fait du travail le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir et l'article 23 alinéa 3 de la susdite loi du 29 juin 1967 de préciser que dans la notion de "service militaire" en la présente matière est compris sub d) le trajet effectué dans l'un ou l'autre sens, soit du domicile ou de la résidence habituelle au lieu de service, soit de ce dernier au lieu imposé ou autorisé par l'autorité militaire.
Il résulte de la combinaison des prédites dispositions légales que sur le plan de la force armée le concept "trajet" est plus large que celui admis en droit social commmun, même en y englobant le règlement d'administration publique du 22 août 1936 pris en exécution de l'alinéa final de l'article 92 du code des assurances sociales, ce qui n'empêche pas pour autant qu'en vertu du terme non restrictif d'"accident de trajet" employé à l'alinéa 2 de l'article 115 du même code les principes généraux de la responsabilité civile renaissent, alors que l'exception exonératoire prévue à l'alinéa 1er de cet article est de son côté à interpréter limitativement.
Or il se dégage des éléments du dossier répressif qu'à la date de l'événement dommageable les deux soldats impliqués étaient passagèrement stationnés à Waldhof pour assurer la garde à l'aéroport de sorte que lors de leur déplacement ils se trouvaient en route entre leur lieu de service et celui imposé par l'autorité militaire.
Il suit des développements qui précèdent que le conducteur C. n'est pas couvert par l'immunité judiciaire prévue à l'alinéa 1er de l'article 115 du code des assurances sociales, ce qui entraîne la recevabilité des actions en réparation portées contre lui devant la juridiction répressive.
Les demandes sont également fondées en principe du fait que le prévenu est entièrement responsable de la genèse et des suites de l'accident du 12 novembre 1985.
Elles sont finalement justifiées jusqu'à concurrence des montants réclamés, ces derniers correspondant à l'ampleur du préjudice moral encouru et depuis un certain temps alloués dans cet ordre de grandeur par la jurisprudence.
Les intérêts compensatoires postulés sont cependant à réduire au taux légal suffisamment élevé pour valoir indemnisation équitable.