N°45/04. du 28.10.2004.
Numéro 2102 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit octobre deux mille quatre.
Composition |
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Marc THILL, |
président de la Cour, |
Marc SCHLUNGS, | conseiller à la Cour de cassation, |
Jean JENTGEN, | conseiller à la Cour de cassation, |
Irène FOLSCHEID, | premier conseiller à la Cour d'appel, |
Monique BETZ, | premier conseiller à la Cour d'appel, |
John PETRY, | avocat général, |
Marie-Paule KURT, | greffier à la Cour. |
Entre
l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, établie et ayant son siège social à L-1471 Luxembourg, 125, route d'Esch, représentée par le président de son comité directeur,
demanderesse en cassation,
comparant par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
et
1)M., ouvrier communal, demeurant à ...,
défendeur en cassation,
comparant par Maître Rita REICHLING, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu,
2) l'association sans but lucratif BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D'AUTOMOBILES, établie et ayant son siège social à L-8081 Bertrange, 75, rue de Marner, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions,
défenderesse en cassation,
comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.
LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le conseiller JENTGEN en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le procureur général d'Etat ;
Vu l'arrêt rendu le 26 novembre 2003 par la Cour d'appel, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié les deux et trois février 2004 par l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS et déposé le 9 février 2004 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 20 février 2004 par l'association sans but lucratif BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D'AUTOMOBILES et déposé le premier mars 2004 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 29 mars 2004 par M. et déposé le 31 mars 2004 au greffe de la Cour ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que saisi par M., victime sans part de responsabilité d'un accident de la circulation reconnu comme accident professionnel à la suite duquel il touche de la part de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS une rente du chef d'une incapacité de travail, d'une demande en indemnisation dirigée contre le BUREAU LUXEMBOURGEOIS DES ASSUREURS CONTRE LES ACCIDENTS D'AUTOMOBILES, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg avait alloué à M. entre autres du chef de la perte de revenus découlant de l'impossibilité de continuer à prester des heures supplémentaires un montant déterminé sur lequel s'exerçait le recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS ; que sur appel, la juridiction du second degré décida par réformation que la rente servie a pour fonction d'indemniser la victime de l'effort supplémentaire qu'elle doit fournir dans l'accomplissement de son travail et qu'elle ne constitue pas une perte de revenus pour heures supplémentaires, de sorte que le recours de l'organisme social ne s'exerce pas sur cet élément de préjudice ;
Quant au premier moyen pris en sa première branche :
tiré « de la violation des alinéas 3 et 4 de l'article 118 du Code des assurances sociales, en ce que l'arrêt attaqué a interprété les textes susvisés en ce sens qu 'à défaut par l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS de produire la moindre pièce dont il résulterait que la rente définitive partielle qu'elle est obligée de verser à M. d'un montant capitalisé de 3.228.290 francs couvre également la perte de revenus inhérente à l'impossibilité par son affilié de prester des heures supplémentaires depuis l'accident, cette rente indemnise exclusivement l'atteinte à l'intégrité physique de la victime et plus précisément l'effort accru de 12% qu 'elle doit fournir dans l'accomplissement de son travail, alors que la Cour aurait dû constater et dire que la victime ayant effectivement subi un dommage matériel consistant dans une perte de salaire résultant pour elle de l'impossibilité d'effectuer à l'avenir des heures de travail supplémentaires et que la perte en question était assurée auprès de la sécurité sociale d'une part et, d'autre part, que l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS a payé et payera à l'avenir une rente-accident à l'intéressé, le dommage assuré et indemnisé était de même nature et le recours légal devait s'exercer, et qu'en imposant à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS une preuve supplémentaire que les prestations effectuées à son assuré avaient effectivement pour objet d'indemniser le susdit dommage matériel, elle a exigé de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS une preuve qu'il résultait d'ores et déjà des faits et qui comme telle n 'est pas prévue par l'article susvisé » ;
Vu le troisième alinéa de l'article 118 du Code des assurances sociales disposant que «toutefois, les droits du créancier de l'indemnité passent à l'association d'assurance jusqu'à concurrence de ses prestations et pour autant qu'ils concernent des éléments de préjudice couverts par cette association » ;
Attendu cependant qu'en écartant le recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS sur la perte de revenus résultant de l'abandon suite à l'accident de travail d'une activité, consistant en des heures supplémentaires, exercée dans le cadre de l'emploi professionnel de la victime couvert par l'assurance-accident au motif « qu'à défaut par l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS d'établir que le dommage découlant de la perte des heures supplémentaires est également - en tout ou en partie - couvert par la rente partielle litigieuse, il y a lieu de retenir que celle-ci indemnise exclusivement l'atteinte à l'intégrité physique accrue à M. et plus précisément l'effort accru de 12% qu'il doit fournir dans l'accomplissement de son travail », les juges d'appel ont violé le troisième alinéa du texte légal visé ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué encourt la cassation ;
Par ces motifs
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen et sur le second moyen,
casse et annule dans ses dispositions attaquées l'arrêt rendu le 26 novembre 2003 par la Cour d'appel, septième chambre, sous le numéro 27087 du rôle ;
déclare nuls et de nul effet dans la même mesure ladite décision judiciaire et les actes qui s'en sont suivis et remet les parties en l'état où elles se sont trouvées avant l'arrêt cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel autrement composée ;
condamne M. aux frais tant de l'instance en cassation que de la décision annulée, dont distraction au profit de Maître Edmond LORANG et de Maître Jean MINDEN, avocats à la Cour, sur leurs affirmations de droit ;
ordonne qu'à la diligence du procureur général d'Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d'appel et qu'une mention renvoyant à la transcription de l'arrêt sera consignée en marge de la minute de l'arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Monsieur John PETRY, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.