Par déclarations des 13 et 16 juin 1989 au greffe du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, N. et W., respectivement demanderesse et défendeur au civil, ont régulièrement relevé appel d'un jugement correctionnel du 12 mai 1989 dont le dispositif est reproduit aux qualités du présent arrêt.
W. a formellement limité son recours aux dispositions concernant les frais de funérailles et de deuil réclamés par N. ainsi qu'à celles relatives à l'action récursoire de l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière.
De la perte de revenus:
En totalisant les pertes de rentes additionnées et capitalisées et en retranchant la part de besoin du mari, l'expert judiciaire commis en première instance arrive à un montant indemnitaire de 7.367.144.- francs avant déduction de la valeur actuarielle de la rente de veuve allouée par l'Association d'assurance contre les accidents. Il n'a pas pris en considération à titre de compensation le paiement au profit de N. d'une pension de survivant à charge de l'Etat.
A cet effet, il s'est référé à une série de décisions aux termes desquelles le préjudice éprouvé par le créancier est fixé sans tenir compte des prestations effectuées par un organisme de la sécurité sociale à la suite de l'événement dommageable ni de l'origine des ressources dont la victime est privée.
Ce faisant, il a perdu de vue que le système instauré par la jurisprudence luxembourgeoise ne se justifie que dans la mesure où il s'agit de préserver au recours des Assurances sociales la masse d'exercice constituée par l'ensemble des pertes en relation aves les revenus provenant du travail assuré, c'est-à-dire des indemnités de cette nature qui reviendraient en définitive à la partie lésée si elle n'était pas affiliée.
Il en découle que la méthode adoptée est une conséquence inhérente au mécanisme de la cession légale instituée en faveur des établissements de sécurité sociale de régime contributif.
A contrario les mêmes principes ne peuvent valoir dans les cas où la loi n'a pas prévu de recours-cession à l'instar de ceux contenus dans les articles 78, 118 ou 232 du code des assurances sociales.
Il en est ainsi, comme en l'espèce, des pensions payées par l'Etat aux fonctionnaires en retraite. Dans ce cas, la détermination du préjudice et l'étendue de l'obligation de réparer telles qu'elles sont définies dans le droit commun de la responsabilité aquilienne sont calculées en tenant compte de la pension de survie qui est appelée à neutraliser en tout ou en partie le dommage subi.
C'est partant à bon droit que le tribunal d'arrondissement a dit non fondée la demande pour autant qu'elle a trait à la perte de revenus, ceci après avoir constaté que par le décès de son mari, N. est placée dans une situation financière plus avantageuse qu'auparavant, la part des besoins personnels du défunt fixée à 40 % des ressources du ménage n'étant pas sérieusement contestée et se trouvant justifiée par le train de vie des époux en question.
Des frais funéraires:
W. fait grief aux premiers juges de ne pas avoir englobé dans le calcul de l'anticipation le montant de 34.965.- francs représentant la différence entre la facture PLATZ et le remboursement du droit d'entrée à la societé pour la propagation de l'incinération et ce au motif qu'il n'est nullement acquis en cause que même sans l'accident, N. ait encore été en vie à la fin de la période de stage. Ce raisonnement est cependant erroné, alors que la probabilité du contraire est de très loin plus grande que celle du décès hypothétique de la victime endéans le mois et demi qui lui manquaient pour parfaire ses droits. Il échet partant de suivre tant l'expert que la juridiction inférieure en ce qu'à partir du 28 novembre 1984, les frais funéraires n'auraient plus été à charge de la famille et ce moyennant la cotisation modique de 300.- francs par an (cf. lettre du 5 décembre 1984 de la societé pour la propagation de l'incinération). La partie afférente du dispositif du jugement entrepris n'étant d'autre part pas querellée par la demanderesse, il y a lieu de la confirmer.
Du recours de l'Association d'assurance contre les accidents:
Le tribunal d'arrondissement a condamné le défendeur à payer à l'Association d'assurance contre les accidents outre le montant de 8.755.- francs relatif à l'indemnité funéraire celui de 1.617.116.- francs représentant la rente de veuve transitoire ainsi que la valeur en capital de la rente de veuve majorée.
D'après l'article 118 alinéa 3 code des assurances sociales, les droits du créancier de l'indemnité passent à l'association d'assurance jusqu'à concurrence de ses prestations et pour autant qu'ils concernent des éléments de préjudice couverts par cette association.
Il ressort des renseignements recueillis par l'expert que N., à part quelques fruits reçus en cadeau, n'étaient pas rémunéré de son travail dans le verger de son ami H. qu'il aidait bénévolement.
Comme il n'y a donc eu aucun préjudice de revenu provenant de l'occupation agricole, la masse d'exercice sur laquelle le recours de l'association pourrait s'opérer est réduit à zéro. Il ne peut théoriquement pas non plus se faire sur la perte de gain constituée par le remplacement de la pension de retraite par celle de veuve en ce que cette rente procède d'un revenu antérieur couvert l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, abstraction faite de ce qu'il n'y a pas eu de préjudice de ce chef comme exposé ci-dessus. Le jugement attaqué est partant à réformer sous ce rapport .
Par ces motifs,
la Cour d'appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les parties entendues en leurs explications et conclusions le ministère public en son réquisitoire,
reçoit les appels en la forme;
dit partiellement fondé celui relevé par W.;
en conséquence, reformant:
dit que le montant et les intérêts de 1.617.116.- francs adjugés par la décision entreprise à l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, du chef de recours relatif à le rente de veuve ne sont pas dus;
partant en décharge le défendeur W.;
impose les frais d'expertise pour 3/6 à N., pour 2/6 à l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, et pour 1/6 à W.;
condamne W. aux autres dépens des deux instances, liquidés à 517.- francs;
confirme pour le surplus.
Par application des articles 194 et 211 du code d'instruction criminelle.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Cour d'appel du Grand- Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, où étaient présents:
- Roger PUTZ, président de chambre,
- Guy REILAND, premier conseiller,
- Marc SCHLUNGS, conseiller,
- Claude NICOLAY, avocat général,
- Edmond BRUCKS, greffier,
qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.