TAL-05.06.2013

Thème(s)
Actions récusoires
Domaine(s)
Recours contre tiers responsable
Mot(s) clef(s)
Masse d'exercice  | Assiette du recours  | Cession légale  | Absence de demande de rente

Référence

  • TAL-05.06.2013
  • Numéros 108175, 122939, 127558 et 138231 du rôle (jonction)
  • U200511230

Base légale

  • Art0118-CSS

Sommaire

Il est admis par une jurisprudence constante que les droits qu'avait la victime contre un tiers passent, dès la réalisation du dommage, et indépendamment de toute prestation de la part de l'organisme de sécurité sociale concerné, à cet organisme, en vertu d'une cession légale. La qualification de cession légale du recours a comme conséquence que les droits qu'avait la victime contre le tiers responsable passent, dès la date de la réalisation du dommage et indépendamment de toute prestation de la part de l'organisme de sécurité sociale concerné, à cet organisme, de sorte que les droits auxquels ladite caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci. (G. RAVARANI : La responsabilité civile des personnes privées et publiques, ns° 1206-1208).

Corps

Jugement civil no. 1441 2013 ( XVIIe chambre )

Audience publique du mercredi, cinq juin deux mille treize.

Numéros 108175, 122939, 127558 et 138231 du rôle (jonction)

Composition:  
Marianne HARLES, vice-président,
Charles KIMMEL, premier juge,
Tessie LINSTER, juge
Marc KAYL, greffier


Entre

la société anonyme de droit étranger D., établie et ayant son siège social à ..., représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro...,
demanderesse aux termes d'un exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL de Luxembourg du 15 mars 2007,

défenderesse sur reconvention,

comparant par Maître Claude PAULY, avocat, demeurant à Luxembourg,

et

R., sans état connu, demeurant à ...,

défendeur aux fins du prédit exploit BIEL, demandeur par reconvention,

comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat, demeurant à Luxembourg,

En présence de

1. la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ, établie à L-1471 Luxembourg. 125, route d'Esch, représentée par son comité directeur,

défenderesse aux fins d'un exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL du 26 juin 2009,

ne comparant pas

2. l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, établie à L-2976 Luxembourg, 125, route d'Esch, représentée par le président de son comité directeur actuellement en fonctions,

défenderesse aux fins d'un exploit de l'huissier de justice Gilles HOFFMANN du 17 mai 2011,

ne comparant pas.

Le Tribunal

Vu l'ordonnance de clôture du 10 avril 2013.
Entendu le rapport fait en application de l'article 226 du Nouveau Code de procédure civile.
Entendu la société anonyme de droit étranger D. SA (ci-après "la société D.")
par l'organe de Maître Hugo JAEGER, avocat, en remplacement de Maître Claude Pauly, avocat constitué.

Entendu R. par l'organe de Maître Lara MOTA ARADA, avocat, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, avocat constitué,

Antécédents

Le 7 avril 2005, vers 9.10 heures, un accident de la circulation s'est produit à la jonction de la rue Antoine Meyer avec la route d'Esch entre le véhicule conduit par B.C. et appartenant à la société D. et le taxi conduit par R. et appartenant à la société B.T. SARL.

Par exploit d'huissier de justice du 15 mars 2007, la société D. a donné assignation à R., à la société B.T. SARL et à la compagnie d'assurances L.B SA., en sa qualité d'assureur du véhicule conduit par R., à comparaître devant le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour avoir réparation du préjudice matériel qu'elle a subi en relation avec cet accident. Elle a demandé la condamnation solidaire, sinon in solidum des assignés à lui payer la somme de 13.278,12 euros avec les intérêts au taux légal à partir du jour de l'accident, sinon à partir de la demande en justice, jusqu'à solde.

Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 108175.

Les trois parties défenderesses ont formulé des demandes reconventionnelles à l'égard de la société D. sur base de l'article 1384 alinéa 1er du code civil.

Ainsi, par conclusions notifiées le 10 juillet 2007, la société B.T. SARL a demandé la condamnation de la société D. à lui payer la somme de 9.030 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi suite à l'accident du 7 avril 2005, cette somme avec les intérêts au taux légal à partir du jour de l'accident jusqu'à solde.

Par conclusions notifiées le 11 juillet 2007, la compagnie d'assurances L.B S.A. a demandé la condamnation de la société D. à lui payer la somme de 1.061,30 euros qu'elle a déboursée pour le compte de son assurée, la société B.T. SARL, au profit de l'Administration des Ponts et Chaussées en réparation des dégâts matériels à l'installation de l'éclairage public causés par le véhicule conduit par R., cette somme avec les intérêts au taux légal à partir du 26 juillet 2005, date du paiement, jusqu'à solde.

Par conclusions notifiées le 3 mars 2009, R. a demandé la condamnation de la société D. à lui payer la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi en relation avec l'accident du 7 avril 2005, cette somme avec les intérêts au taux légal à partir du jour de l'accident jusqu'à solde.
Par exploit d'huissier de justice du 26 juin 2009, R. et la compagnie d'assurances L.B S.A. ont donné assignation à la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ à comparaître devant le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour la voir condamner à intervenir dans le litige se mouvant entre eux, la société B.T. SARL et la société D.. Ils demandent que le jugement à intervenir dans l'affaire principale soit déclaré commun à la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ.

Bien que régulièrement assignée à personne, la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ n'a pas comparu. En application de l'article 79 du nouveau code de procédure civile, il y a lieu de statuer par un jugement réputé contradictoire à son égard.

Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 122939.

Par jugement du 28 octobre 2009, le tribunal a joint les rôles inscrits sous les numéros 108175 et 122939, a enjoint R. de mettre en intervention l'organisme de sécurité sociale concerné (en l'espèce l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS) et a avant tout autre progrès en cause admis d'une part la société D. et d'autre part R. et la compagnie d'assurances L.B S.A. à prouver par l'audition de témoins leur version des faits.

Par exploit d'huissier de justice du 11 janvier 2010, la société B.T. SARL a donné assignation à B.C. à comparaître devant le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour le voir condamner à lui payer la somme de 10.780 euros avec les intérêts au taux légal à partir du jour de l'accident, sinon à partir de la demande en justice, jusqu'à solde.

La société B.T. SARL recherche la responsabilité de B.C. principalement sur base de l'article 1384 alinéa 1er du code civil et, subsidiairement, sur base des articles 1382 et 1383 du code civil.

Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 127558.

Par exploit d'huissier de justice du 17 mai 2011, R. et la compagnie d'assurances L.B ont donné assignation à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS à comparaître devant le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour la voir condamner à intervenir dans le litige se mouvant entre eux, la société B.T. SARL et la société D.. Ils demandent que le jugement à intervenir dans l'affaire principale soit déclaré commun à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS.

L'ASSOCIATION DASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, quoique régulièrement assignée à domicile, n'ayant pas comparu, il y a lieu de statuer à son égard par défaut, conformément à l'article 79 du nouveau code de procédure civile.

Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 138231.

Par jugement du 13 juillet 2011, la jonction des actions inscrites sous les numéros 108175, 122939, 127558 et 138231 a été prononcée.

Par le même jugement, la société B.T. SARL a été déboutée de sa demande principale et il a été fait droit à la demande principale de la société D. à l'égard de !a société B.T. SARL et de la compagnie d'assurances L.B S.A.. Ces dernières ont été condamnées in solidum à lui payer le montant total de 13.278,12 euros, avec les intérêts légaux à partir de l'accident du 7 avril 2005 jusqu'à solde.

Le même jugement a dit fondée la demande reconventionnelle de la société B.T. SARL à l'égard de la société D., et a condamné cette dernière à payer à la société B.T. SARL le montant de 9.030 euros, avec les intérêts légaux à partir du 7 avril 2005 jusqu'à solde.

Le même jugement a dit fondée la demande reconventionnelle de la compagnie d'assurances L.B S.A. à l'égard de la société D., et a condamné cette dernière à payer à la compagnie d'assurances L.B S.A. le montant de 1.061,30 euros, avec les intérêts légaux à partir du 26 juillet 2005 jusqu'à solde.

Le même jugement a dit fondée en principe la demande de R. à l'égard de la société D., et a, avant tout autre progrès en cause, nommé experts le Docteur Alfred DIEDERICH et Maître Luc OLINGER avec les missions suivantes :

  1. examiner R. et de décrire le préjudice corporel subi par lui suite à l'accident du 7 avril 2005, sur base des diverses pièces du dossier,
  2. décrire l'état de santé actuel de R. et de se prononcer sur les séquelles actuellement détectables suite aux traumatismes subis lors de l'accident,
  3. se prononcer sur l'évolution probable de l'état de santé de R.,
  4. fixer et d'évaluer les différents types et taux d'incapacités (incapacité temporaire partielle et incapacité permanente partielle) en fonction des constatations faites dans le cadre des points précédents de la présente mission,
  5. évaluer les différents chefs de préjudices, tant matériel que moral, subis par R. suite à l'accident, tout en tenant compte des recours des différents organismes de sécurité sociale,

Le Docteur Alfred DIEDERICH et Maître Luc OLINGER ont établi leur rapport en date du 22 novembre 2012.

Le tribunal constate au préalable que les demandes formulées entre la société D., la compagnie d'assurances L.B S.A., la société B.T. SARL et B.C. ont été tranchées par le jugement du 13 juillet 2011.

Ainsi, il convient à présent à toiser encore les demandes formulées entre les parties R. et la société D. suite au dépôt du rapport d'expertise.

Les experts évaluent les différents chefs de préjudice subis par R. comme suit :

  Victime AAA CNS
- Frais de traitement   2.398,65  
- Frais de déplacement 75 euros    
- Perte de revenu   4.984,11 1.840,29
- Atteinte à l'intégrité physique 4.930 euros (3.460)  
- Dommage moral 2.400 euros    
- Préjudice d'agrément 1.200 euros    
TOTAL 8.605 euros 7.382;76 (3.460) 1.840,29


Dans ses conclusions notifiées le 20 mars 2013, R. demande l'allocation d'un montant supplémentaire de 800 euros pour perte de pourboires avec les intérêts légaux à partir de la date de l'accident, soit du 7 avril 2005. Il conteste encore les conclusions de l'expert-calculateur en ce que celui-ci a réservé une part de 50% sur la somme devant lui revenir pour la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique au motif que cette part est susceptible de faire l'objet d'un recours de l'ASSOCIATION DASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS si R. devait obtenir une rente accident. Il demande l'entérinement du rapport d'expertise pour le surplus.

La société D. conteste l'existence d'une incapacité partielle permanente dans le chef de R.. Subsidiairement, elle demande à voir réduire le taux d'incapacité partielle permanente fixé par les experts. Elle conteste également l'existence de tout préjudice d'agrément dans le chef de R.. Elle conteste le préjudice supplémentaire invoqué par R. en ce qui concerne sa perte de pourboires.

Indemnisation pour perte de pourboires

R. demande l'allocation d'un montant de 800 euros pour perte de pourboires.
La société D. conteste l'existence d'un préjudice indemnisable pour perte de pourboires tant en son principe qu'en son quantum au motif qu'il s'agit d'un préjudice purement hypothétique et non établi. Elle soutient que dans le rapport d'expertise, il est clairement affirmé que les indemnités pécuniaires versées par l'ASSOClATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS et la CAISSE NATIONALE DE SANTE ont été équivalentes au salaire de R. lorsque celui-ci était chauffeur de taxi. Quant au quantum, elle invoque que le montant fixé unilatéralement par R. est manifestement surfait et documenté par aucune pièce.

Le tribunal constate qu'il est incontestable qu'un chauffeur de taxi qui est en contact régulier et direct avec la clientèle peut habituellement tirer profit de la générosité des clients satisfaits de sa prestation en recueillant des pourboires. C'est une des professions-type dans laquelle il est d'usage pour les clients de payer à côté du prix de la course une fraction plus ou moins importante du prix comme pourboire.

Dans le cas de l'espèce, la perte invoquée ne constitue donc pas une perte de revenu purement hypothétique.

Il appert en outre de la nature même des pourboires que leur perte n'est pas soumise à la cotisation sociale, le pourboire étant une somme remise à titre de gratification ou de récompense par le client à un travailleur salarié et ne fait pas partie du revenu que le salarié perçoit de la part de l'employeur. Ces pourboires constituent une source de revenu indépendante du salaire pour les chauffeurs de taxis. La perte des pourboires n'est partant pas compensée par les prestations de la sécurité sociale et son indemnisation ne fait pas partie de l'assiette du recours des organismes de Sécurité sociale. La société D. ne peut donc pas invoquer que la perte de pourboires a été réparée par les indemnités pécuniaires versées par l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS et la CAISSE NATIONALE DE SANTE.

Quant au montant à retenir, le tribunal constate que R. ne fournit aucune pièce ou explication ni sur les sommes habituellement perçues comme pourboire avant l'accident, ni sur la période de temps pendant laquelle il estime pouvoir prétendre à indemnisation sur ce point.

Le tribunal estime qu'une perte de revenu concrète, en relation avec l'accident subi est à retenir du 7 avril 2005 au 17 juillet 2005, période pendant laquelle R. était en arrêt de maladie. A défaut d'autres pièces fournies en cause et au vu du montant de 6.824,40 euros retenu par les experts comme perte de salaires sur cette même période, le tribunal considère que l'évaluation effectuée de façon unilatérale par R. à 800 euros est excessive et réduit ie montant à lui allouer à ce titre à 680 euros, soit environ 10% du salaire.

Quant à l'indemnisation pour atteinte à l'intégrité physique

La société D. conteste l'existence d'une incapacité partielle permanente au motif que le Docteur DIEDERICH a expressément retenu que R. ne souffre pas de déficit fonctionnel ni neurologique. Elle soutient également qu'il n'est pas à exclure que les douleurs cervicales se seraient manifestées en l'absence de l'accident. Subsidiairement, elle demande à voir réduire le taux d'incapacité permanente partielle, fixé actuellement à 4% et par conséquent, à voir réduire l'indemnisation relative à ce poste à de plus justes proportions.

R. demande l'entérinement du rapport d'expertise quant au taux d'incapacité permanente partielle fixé. Il conteste cependant les conclusions de l'expert calculateur en ce que celui-ci a réservé une part de 50% sur la somme devant lui revenir pour réparation de l'atteinte à l'intégrité physique au motif que cette part est susceptible de faire l'objet d'un recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS.

Il est donc nécessaire d'analyser les questions portant sur le lien de causalité entre l'accident de voiture du 7 avril 2005 et les séquelles constatées, sur l'existence d'une incapacité permanente partielle, sur la détermination du taux et finalement sur l'indemnisation due à R..

Lien de causalité entre l'accident et les séquelles constatées

La société D. soutient qu'il ressort de la discussion médicale retranscrite dans le rapport d'expertise que R. souffre uniquement de douleurs cervicales. Elle invoque que de telles douleurs sont assez communes et qu'il n'est pas à exclure qu'elles se seraient manifestées en l'absence de l'accident. Elle met ainsi en doute le lien de causalité entre les douleurs cervicales et l'accident de voiture du 7 avril 2005.

L'expert constate que
« Les seules séquelles de l'accident se situent donc au niveau du rachis :

  • au niveau cervical, elles consistent en douleurs espacées nécessitant la prise épisodique de médicaments (antalgiques, anti-inflammatoires et/ou myorelaxants), douleurs ayant entraîné l'abandon de la pratique du football et du karaté (sports-loisirs sans licence). Ces douleurs ne sont pas accompagnées de déficit fonctionnel ni neurologique.
  • au niveau lombaire, on peut admettre que le traumatisme a dolorisé l'arthrose et le trouble statique préexistants pendant un certain temps jusqu'à la consolidation. Nous en tiendrons donc compte lors de la fixation du préjudice douloureux. »

L'expert retient donc bien que les troubles au niveau du rachis lombaire et cervical constituent des séquelies de l'accident de voiture du 7 avril 2005.

L'existence de troubles préexistants ne permet pas de douter de l'existence d'un lien de causalité. En effet, dans le cas de l'espèce, il est clairement précisé que les aggravations ne concernent que le rachis lombaire et que les troubles au niveau du rachis lombaire ont été considérés lors de la détermination du préjudice douloureux qui ne fait pas objet de contestations. Les aggravations n'ont donc pas influé la détermination de l'existence ou du taux de l'incapacité permanente partielle.

Il est par ailleurs de doctrine et de jurisprudence que la prédisposition de la victime ne rompt pas le lien de causalité ; le lien de causalité n'existe qu'entre le nouveau fait et l'aggravation de la victime qui en résulte (cf. Droit de la Responsabilité par Philippe le Tourneau et Loïc Cadiet, édition 1998, n° 887).

En ce qui concerne l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et les troubles constatés au niveau du rachis cervical, l'expert a constaté que lors de l'accident du 7 avril 2005, R. a subi des contusions multiples intéressant en particulier la colonne cervicale et que les douleurs au niveau du rachis cervical constituent des séquelles de cet accident.

Le tribunal retient donc que l'expert établit clairement un lien de causalité entre l'accident subi et les séquelles dont souffre R. au niveau du rachis cervical.

Existence d'une incapacité permanente partielle

Le rapport, au titre de séquelles durables, donc après consolidation, mentionne des douleurs espacées au niveau cervical nécessitant la prise épisodique de médicaments. Il est précisé que ces douleurs ne sont pas accompagnées de déficit fonctionnel ni neurologique.

La société D. estime que des troubles espacées et contre lesquelles il existe des remèdes, sans déficit fonctionnel ni neurologique, ne sauraient justifier la fixation d'une incapacité permanente partielle.

Il est de jurisprudence unanime que les douleurs antérieures à la consolidation sont prises en considération dans le cadre de l'allocation d'un pretium doloris, tandis que les douleurs subsistantes se trouvent indemnisées par l'allocation des sommes versées à titre de réparation de l'incapacité permanente partielle, (cf. La Responsabilité civile, par Georges Ravarani, n° 1053 page 808).

Il est dès lors incontestable que la demanderesse a subi une incapacité permanente en raison des souffrances physiques qui perdurent après la consolidation.

Taux d'incapacité permanente partielle

La société D. demande à voir réduire le taux d'incapacité permanente partielle fixé par l'expert à 4%.

Le tribunal rappelle au préalable que le trouble au niveau lombaire n'a pas influé sur la détermination du taux d'incapacité partielle permanente contestée en l'espèce mais que seules les troubles concernant le rachis cervical ont servi de base aux experts afin de fixer ce taux.
Il est de principe que les tribunaux ne doivent s'écarter des conclusions de l'expert qu'avec la plus grande circonspection et uniquement dans le cas où il existe des éléments sérieux permettant de conclure qu'il n'a pas correctement analysé toutes les données qui lui ont été soumises (Cour d'appel, 8 avril 1998, Pas. 31, p. 28).

Pour apprécier la pertinence de l'argumentation du demandeur, il y a lieu de se reporter à l'analyse du rapport d'expertise.

En l'espèce il résulte du rapport qu'un examen clinique, de même que des examens d'imagerie médicale ont été effectués. L'expert s'est basé sur plusieurs documents dont notamment des comptes-rendus radiologiques, un compte rendu d'examen scintigraphique et un compte-rendu d'examen TDM cervicale pour formuler ses conclusions.

Le rapport, au titre de séquelles durables, donc après consolidation de l'accident, conclut à des douleurs espacées au niveau cervical nécessitant la prise épisodique de médicaments.

En l'espèce, aucun élément sérieux ne permet de conclure que l'expert n'a pas correctement analysé toutes les données qui lui ont été soumises. Au vu des constatations faites par l'expert, qui, après examen du patient, a pris en considération tous les éléments concrets de l'espèce, et comme les défendeurs n'apportent pas de contestations circonstanciées étayées par des pièces probantes de nature à ébranler les conclusions de l'expert, le tribunal retient que c'est à bon droit qu'il a fixé le taux du déficit à 4%.

Part réservée à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS

R. conteste les conclusions de l'expert calculateur en ce que celui-ci a réservé une part de 50% sur la somme devant lui revenir pour réparation de l'atteinte à l'intégrité physique au motif que cette part est susceptible de faire l'objet d'un recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS. Il soutient ne pas avoir introduit de demande pour obtenir une rente d'accident de sorte à avoir droit à l'intégralité du montant de 6.920 euros.

L'expert déclare que R. peut prétendre à réparation pour compenser les efforts accrus dans la vie professionnelle et la perte de la valeur sur le marché du travail. Au titre des incapacités transitoires, il retient le montant de 2.120 euros.

Il constate que l'incapacité définitive est à indemniser par le système du point et retient une valeur du point de 1.200. Compte tenu du taux de 4% retenu, il arrive à 4.800 euros.

Comme réparation des efforts accrus dans la vie professionnelle et de la perte sur le marché du travail, il retient donc un montant total de 2.120 + 4.800 = 6.920 euros.

Ces calculs et montants ne sont pas contestés. R. conteste uniquement le fait qu'une part de 50% de ce montant, susceptible de faire l'objet d'un recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS s'il devait demander et obtenir une rente d'accident, est réservée.

Il est admis par une jurisprudence constante que les droits qu'avait la victime contre un tiers passent, dès la réalisation du dommage, et indépendamment de toute prestation de la part de l'organisme de sécurité sociale concerné, à cet organisme, en vertu d'une cession légale. La qualification de cession légale du recours a comme conséquence que les droits qu'avait la victime contre le tiers responsable passent, dès la date de la réalisation du dommage et indépendamment de toute prestation de la part de l'organisme de sécurité sociale concerné, à cet organisme, de sorte que les droits auxquels ladite caisse peut prétendre ne se trouvent pas dans le patrimoine de la victime et ne peuvent pas être alloués à celle-ci. (G. RAVARANI : La responsabilité civile des personnes privées et publiques, ns° 1206-1208).

R. ne conteste pas le montant de la part susceptible de faire un recours de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, il soutient uniquement que comme il n'a pas fait de demande auprès de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, cette part doit lui revenir.
Or, comme on est en présence d'une cession légale, sa part litigieuse ne se trouve pas dans son patrimoine et elle ne peut lui être allouée, indépendamment de toute prestation effective de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS.

Sa demande est donc à rejeter sur ce point.

Quant au préjudice d'agrément

Les experts font état d'un léger préjudice d'agrément en ce sens que R. a dû limiter l'exercice d'activités sportives pratiquées à titre de loisirs tel que le judo, le karaté, la course à pieds et le football. R. a également précisé ne plus aimer rouler en voiture.

Les experts évaluent le préjudice d'agrément de R. à 1.200 euros.

La société D. soutient qu'il n'est pas établi que R. exerçait des activités sportives avant la survenance de l'accident. En outre, elle précise qu'il n'est pas rapporté en preuve que R. n'est plus apte à exercer de telles activités actuellement, vu qu'il ne souffre d'aucuns déficits fonctionnels.

Il ressort du rapport d'expertise que R. présente un bon état général apparent. Il en résulte également que R. souffre de douleurs cervicales, nécessitant la prise épisodique de médicaments.

Le préjudice d'agrément ne consiste pas exclusivement dans la privation des activités sportives, mais il consiste de façon générale dans la privation des agréments d'une vie normale. L'indemnisation de ce préjudice tend à dédommager la victime directe de l'accident qui, en raison des séquelles qu'elle a subi lors de l'accident, ne peut plus exercer les activités comme avant l'accident.

Les séquelles dont souffre R., qui est, aux termes du rapport d'expertise, un homme d'environ 45 ans d'une bonne constitution physique, impliquent manifestement une certaine privation des agréments d'une vie normale.

Il n'y a donc pas lieu de suivre les conclusions de la société D. excluant tout préjudice d'agrément.

Eu égard aux constats faits par les experts, le montant alloué par eux pour le préjudice d'agrément de R., à savoir 1.200 euros, est justifié.

Le rapport d'expertise est partant à entériner.

Quant aux indemnités réclamées sur base de l'article 240 du nouveau code de procédure civile

R. requiert l'allocation d'une indemnité de 2.000 euros sur base de l'article 240 du nouveau code de procédure civile.
L'application de l'article 240 du nouveau code de procédure civile relève du pouvoir discrétionnaire du juge (Cour de Cass. Française, 2ème chambre, arrêt du 10 octobre 2002, Bulletin 2002, II, n° 219, p. 172, arrêt du 6 mars 2003, Bulletin 2003, II. n° 54, p. 47).

R. n'établissant pas en quoi il est inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens, est à débouter de cette demande.

Par ces motifs :

le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, dix-septième section, siégeant en matière civile, statuant par défaut à l'égard de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, avec effet contradictoire à l'égard de la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ, et contradictoirement à l'égard des autres parties,

vu l'ordonnance de clôture du 10 avril 2013

entendu le rapport fait conformément à l'article 226 du nouveau code de procédure civile,

condamne la société anonyme de droit étranger D. à payer à R. la somme de 9.285 euros avec les intérêts légaux à partir du 7 avril 2005, jour de l'accident, jusqu'à solde,

déclare le présent jugement commun à la CAISSE NATIONALE DE SANTÉ et à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS,

dit non fondée la demande en allocation d'une indemnité de procédure de R.,

fait masse des frais de l'instance engagée à l'égard de R. et impose la moitié des frais à R., avec distraction au profit de Maître Claude PAULY qui la demande affirmant en avoir fait l'avance, et l'autre moitié à la société anonyme de droit étranger D., avec distraction au profit de Maître Nicky STOFFEL, qui la demande affirmant en avoir fait l'avance.

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