CSSS-18.02.2011

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Etat pathologique préexistant
Mot(s) clef(s)
Aggravation par accident  | Indemnisation  | Conditions

Référence

  • CSSS-18.02.2011
  • No. du reg.: G 2010/0021
  • No.: 2011/0058
  • Aff. A. c/ AAI
  • U200725261

Base légale

  • Art0097-CSS

Sommaire

En cas d'accident du travail, l'assuré bénéficie d'une présomption d'imputabilité entre la lésion et le fait accidentel lorsque la lésion s'est manifestée immédiatement ou dans un temps voisin après l'accident du travail ou en cas de continuité des soins ou persistance des symptômes depuis le fait accidentel et cette présomption demeure lorsque l'accident aggrave un état pathologique préexistant. Ainsi, lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'occasionnant pas lui-même d'incapacité, la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Il ne suffit cependant pas que l'affection préexistante soit simplement révélée par l'accident, il faut encore qu'elle en soit aggravée.

La totalité des frais de traitement d'un accident du travail doit ainsi être prise en charge au titre de législation sur les accidents du travail lorsque les suites pathologiques de l'accident survenu au travail sont imputables à l'accident et cette présomption n'est renversée que lorsque l'on se trouve en présence d'une victime atteinte avant l'accident d'un état pathologique ayant, avant l'accident, occasionnée une incapacité de travail.

L'incapacité préexistante peut être prise en considération après l'accident de travail sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée et mesurée avant. Encore faut-il pour que l'on puisse évoquer une incapacité globale que l'état de la victime se soit stabilisé avant l'accident du travail : la notion d'incapacité de travail est liée à celle de stabilisation ou de consolidation.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. du reg.: G 2010/0021 No.: 201110058

CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE

Audience publique du dix-huit février deux mille onze

 

Composition:  
M. Julien Lucas, président de chambre à la Cour d'appel, président ff.
Mme Joséane Schroeder, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Roger Linden, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Claude Witry, juriste, Luxembourg, assesseur-employeur
M. Nico Walentiny, préretraité, Mensdorf, assesseur-salarié
Mme Iris Klaren, secrétaire

 

ENTRE:

A., né le ..., demeurant à ..., appelant,

comparant par Maître Olivier Unsen, avocat, Luxembourg, en remplacement de Maître François Moyse, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;

ET:

l'Association d'assurance accident, établie à Luxembourg,

représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,

intimée,

comparant par Madame Linda Schumacher, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg.

Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales (actuellement Conseil supérieur de la sécurité sociale) le 26 février 2010, A. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 18 janvier 2010, dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle (actuellement Association d'assurance accident), et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, rejette la demande en institution d'une expertise médicale supplémentaire; déclare les recours non fondés et confirme les décisions entreprises.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 4 février 2011, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Roger Linden, fit l'exposé de l'affaire.

Maître Olivier Unsen, pour l'appelant, maintint les moyens et conclusions de la requête d'appel entrée au siège du Conseil supérieur le 26 février 2010.

Madame Linda Schumacher, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 18 janvier 2010 et s'opposa à l'institution d'une expertise médicale.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

A. a été victime le 1er septembre 2007 d'un accident du travail au cours duquel il a subi une lombosciatalgie aiguë.

1. Par décision présidentielle du 27 mai 2008, confirmée sur opposition par le comité directeur de l'Association d'assurance contre les accidents en sa séance du 25 septembre 2008, l'assuré est informé de la fin de l'indemnisation avec effet à partir du 27 mai 2008 au motif que suivant l'avis de l'Administration du contrôle médical de la sécurité sociale du 11 mars 2008, les lésions en relation causale avec l'accident sont consolidées.

L'assuré a déposé le 22 octobre 2008 un recours contre la décision du comité-directeur devant le Conseil arbitral des assurances sociales.

2. Par décision présidentielle du 1er septembre 2008, confirmée sur opposition par le comité directeur de l'Association d'assurance contre les accidents en sa séance du 20 novembre 2008, l'assuré se voit allouer sur base du prédit avis du contrôle médical du 11 mars 2008 une rente viagère de 8%.
L'assuré a déposé le 17 décembre 2008 un recours contre la décision du comité-directeur devant le Conseil arbitral des assurances sociales.

3. Par jugement avant dire droit du 19 juin 2009, le Conseil arbitral des assurances sociales a demandé à son médecin-conseil de donner son avis sur la question de savoir si les séquelles fonctionnelles résiduelles de l'accident du travail sont consolidées et dans ce cas, de se prononcer sur le taux partiel de la réduction définitive de la capacité ouvrière en relation avec lesdites séquelles.

4. Par jugement du 18 janvier 2010, le Conseil arbitral, après avoir joint les deux recours, les a déclarés non fondés. Il s'est à cet effet basé sur les conclusions du rapport dressé par son médecin·conseil.

5. Par requête entrée le 26 février 2010 auprès du Conseil supérieur des assurances sociales, A. a relevé appel dudit jugement et il conclut, par réformation, à voir dire que l'Association d'assurance contre les accidents est tenue de prendre en charge les prestations en nature et en espèces au-delà du 27 mai 2008 et qu'il a droit à un taux d'I.P.P. de 30%. Il réclame en ordre subsidiaire l'institution d'une expertise médicale.

Il fait notamment valoir à l'appui de son appel qu'il a dû se soumettre aux mois de mars et août 2008 à deux lourdes interventions chirurgicales et qu'il doit suivre des séances de rééducation quotidiennes et des hospitalisations de longue durée. Il conteste les conclusions du médecin-conseil qui seraient contredites par les avis des médecins traitants.

En ce qui concerne le taux retenu, il fait valoir que ledit médecin-conseil a admis une « aggravation durable d'un état antérieur dégénératif discopathique préexistant » de sorte qu'il soutient, jurisprudence à l'appui, que «si le requérant a été victime d'un accident du travail ayant au moins entraîné l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'ayant pas causé lui-même d'incapacité de travail, l'incapacité de travail en résultant est à présumer comme ayant sa source dans l'accident en question».

Discussion:

Le rapport médical du docteur BROUTCHOUX n'est pas critiqué par l'appelant en ce qui concerne l'historique du patient et les conclusions médicales qu'il en a tirées. Le Conseil supérieur des assurances sociales s'y réfère partant utilement.

Le médecin-conseil relate que l'accident du 1er septembre 2007 a occasionné dans le chef de l'assuré, par effort de torsion/soulèvement, une contusion para vertébrale de type lumbago. Il relève que les examens effectués les 5 septembre (CT lombaire) et 1er octobre 2007 (certificat médical du docteur FRIES) ne retiennent pas de lésions post traumatiques, ni post accidentelles. En particulier, n'est pas décrite l'existence d'une hernie discale post traumatique, mais un état dégénératif de type affaissement discal protusif L4/L5, sans conflit disco radiculaire sur spondolyse, multi-étagée, arthrose articulaire postérieure et étroitesse constitutionnelle du canal rachidien. Aucune indication chirurgicale n'est posée.

Il retient que face aux affirmations de l'assuré quant à la persistance de sciatalgies du membre inférieur gauche, le docteur MOSER a pratiqué le 12 mars 2008 un geste minimal au niveau L4/L5 par introduction d'un cathéder au niveau discal, opération qui ne conduit pas à une amélioration de l'état du patient. Le même chirurgien a pratiqué le 31 juillet 2008 une seconde intervention en réalisant une nucléotomie partielle du disque L4/L5 et une exérèse du fragment protusif au contact de 15.

Le médecin-conseil retient que l'intervention du 12 mars 2008 effectuée plus de sept mois après l'accident du travail est une intervention-type réalisée sur les discopathies dégénératives algiques, tandis que celle du 31 juillet 2008 a été effectuée en l'absence de résultats concrets quant aux thérapies suivies entre temps et qui se sont révélées inefficaces.

Il relève que l'ensemble des médecins intervenants ont décrit un contexte psychoémotionnel pathologique de type sinistrosique et une discordance entre l'absence de diagnostique traumatique, l'existence d'une discopathie dégénérative L4/L5 et la symptomatologie et la présentation de l'assuré dont les plaintes ne sont pas confirmées par des données cliniques objectives.

Il insiste sur le fait que n'est pas en cause une pathologie traumatique secondaire à un évènement accidentel, mais à une pathologie dégénérative, centrée autour d'un contexte psychoémotionnel défavorable, aucune autre lésion au niveau lombaire n'existant à part la discopathie sans aucune relation avec l'accident du premier septembre 2007.

Il propose de fixer de 5 à 6% l'l.P.P. qui résulte de l'aggravation durable d'un état antérieur préexistant discopathique dégénératif dans un contexte sinistrosique, neurologique non déficitaire et clinique objectif non déficitaire.

En cas d'accident du travail, l'assuré bénéficie d'une présomption d'imputabilité entre la lésion et le fait accidentel lorsque la lésion s'est manifestée immédiatement ou dans un temps voisin après l'accident du travail ou en cas de continuité des soins ou persistance des symptômes depuis le fait accidentel et cette présomption demeure lorsque l'accident aggrave un état pathologique préexistant. Ainsi, lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'occasionnant pas lui-même d'incapacité, la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail (Cass. soc., 6 juillet 1961: Bull.civ. IV, no 739 - 5 mars 1964: Bull. civ. IV, no 208- 14 avrill976: -13 janvier 1977-2 novembre 1989: Bull. civ. V, no 643).

Il ne suffit cependant pas que l'affection préexistante soit simplement révélée par l'accident, il faut encore qu'elle en soit aggravée.

La totalité des frais de traitement d'un accident du travail doit ainsi être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail lorsque les suites pathologiques de l'accident survenu au travail sont imputables à l'accident et cette présomption n'est renversée que lorsque l'on se trouve en présence d'une victime atteinte avant l'accident d'un état pathologique ayant, avant l'accident, occasionné une incapacité de travail.

L'incapacité préexistante peut être prise en considération après l'accident de travail sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée et mesurée avant. Encore faut-il pour que l'on puisse évoquer une incapacité de travail préexistante pour en soustraire le taux de celui de l'incapacité globale que l'état de la victime se soit stabilisé avant l'accident du travail: la notion d'incapacité de travail est liée à celle de stabilisation ou de consolidation.

Le Conseil supérieur des assurances sociales note que l'assuré s'est vu accorder le 27 janvier 2010 le statut de travailleur handicapé.

Le rapport médical du docteur BROUTCHOUX, aussi complet qu'il soit, ne se prononce pas sur la question de savoir si l'état pathologique préexistant à l'accident était déjà invalidant avant que ne se produise l'accident du travail.

L'intimée soutient que l'assuré a déjà été incapable de travailler notamment en raison dudit état alors qu'il ressort du relevé dont question au jugement du Conseil arbitral renseignant des incapacités de travail qu'il était porté malade pour les périodes du 1er au 2 mars et 16 au 21 mai 2007 pour cause " d'arthrose du rachis".

S'il est certes vrai que l'assuré a souffert durant ces deux périodes très limitées d'arthrose à la colonne vertébrale, il n'est cependant pas établi si les souffrances dont il a été fait état après l'accident du travail trouvent leur cause dans ledit accident qui aurait aggravé l'état pathologique antérieur.

Il convient avant tout autre progrès en cause de recourir aux lumières d'un homme de l'art.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur de la sécurité sociale,

statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions des parties à 1'audience,

reçoit l'appel,

avant tout autre progrès en cause,

nomme expert le docteur Robert HUBERTY, médecin spécialiste en orthopédie, chirurgie orthopédique et traumatologie, demeurant à Strassen,

avec la mission de procéder à une étude approfondie du dossier médical, d'examiner A. et de déterminer dans un rapport motivé et détaillé les séquelles dont souffre A. suite à l'accident du travail du 1er septembre 2007,

de dire si l'état pathologique préexistant relevé par le médecin-conseil du Conseil arbitral dans ses conclusions entraînait une incapacité de travail avant l'accident et d'en déterminer l'incidence par rapport aux prestations en nature dont la prise en charge est demandée,
de dire si cet état pathologique antérieur a été révélé par l'accident ou s'il a été aggravé par ce dernier,
de fixer le cas échéant les pourcentages respectifs des diverses incapacités de travail,

invite l'expert à déposer son rapport au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale à Luxembourg dans les meilleurs délais, fixe l'affaire au rôle général.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 18 février 2011 par le Président du siège, Monsieur Julien Lucas, en présence de Madame Iris Klaren, secrétaire.
Le Président ff,
signé: Lucas
Le Secrétaire, signé: Klaren

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