CSSS-22.10.2008

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Etat pathologique préexistant
Mot(s) clef(s)
Aggravation par accident  | Indemnisation  | Conditions

Référence

  • CSSS-22.10.2008
  • Aff. M. c/ AAI
  • No. du reg. : G 2007/0203
  • No. 2008/0163
  • U200325376

Base légale

  • Art0097-CSS

Sommaire

Lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'occasionnant pas lui-même d'incapacité, la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Lorsque l'on se trouve, au contraire, en présence d'une victime atteinte avant l'accident d'un état pathologique occasionnant une incapacité de travail, le taux d'incapacité à prendre en considération pour le calcul de la rente est seulement celui qui est afférent à l'incapacité résultant de l'accident.

L'incapacité préexistante peut être prise en considération après l'accident du travail sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée et mesurée avant. Encore faut-il pour que l'on puisse évoquer une incapacité de travail préexistante pour en soustraire le taux de celui de l'incapacité globale que l'état de la victime se soit stabilisé avant l'accident du travail: la notion d'incapacité de travail est liée à celle de stabilisation ou de consolidation.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. reg. G 2007/0203
No.: 2008/0163

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
Audience publique du vingt-deux octobre deux mille huit

Composition:  
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, président
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Camille Hoffmann, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Henri Goedert, docteur en droit, Luxembourg, assesseur-employeur
M. Marcel Kraus, ouvrier de l'Etat, Leudelange, assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

 

ENTRE:

M. , né le ..., demeurant à ...,

appelant,

comparant par Monsieur Roger Fohl, secrétaire syndical, demeurant à Dudelange, mandataire de l'appelant suivant procuration spéciale sous seing privé en date du 1er juin 2006;

ET:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
intimée,
comparant par Madame Pascale Speltz, attaché de direction, demeurant à Luxembourg.

Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 4 décembre 2007, M. P. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 10 octobre 2007, dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, reçoit le recours en la forme; réformant, dit que le requérant a droit à une rente transitoire de 5% pour les périodes du 1er janvier 2004 au 12 janvier 2004 ainsi que du 1er septembre 2004 au 26 mars 2006 et à une rente viagère de 5% à partir du 27 mars 2006.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 8 octobre 2008, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Marc Kerschen, fit l'exposé de l'affaire.

Monsieur Roger Fohl, pour l'appelant, conclut en ordre principal à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 10 octobre 2007 et à l'octroi d'un taux de rente partielle de 15%; en ordre subsidiaire, il conclut à l'institution d'une expertise médicale.

Madame Pascale Speltz, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 10 octobre 2007 et se rapporta à prudence de justice quant à l'institution d'une expertise médicale.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par décision du 17 novembre 2005 le comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a alloué à P. M. une rente transitoire de 4% pour les périodes du 1er janvier 2004 au 12 janvier 2004 ainsi que du 1er septembre 2004 au 30 septembre 2004 et une rente viagère de 4% à partir du 1er octobre 2004 du chef d'un accident du travail dont il fut victime le 10 septembre 2003.

Statuant sur le recours formé par P. M. contre cette décision, le Conseil arbitral des assurances sociales a par jugement contradictoire du 10 octobre 2007 dit que le requérant avait droit à une rente transitoire de 5% pour les périodes du 1er janvier 2004 au 12 janvier 2004 ainsi que du 1er septembre 2004 au 26 mars 2006 et à une rente viagère de 5% à partir du 27 mars 2006.

Pour statuer comme ils l'ont fait les juges de première instance ont entériné les conclusions de leur médecin-conseil qui est arrivé à la conclusion qu'il y a lieu d'attribuer un taux de rente de 5% dès lors que l'accident du travail du 10 septembre 2003 a provoqué une contusion du poignet droit avec fracture de la corne postérieure du semi-lunaire, le tout survenant sur un grave état pathologique antérieur du type maladie de Kienbock favorisée par une variance ulnaire négative et que l'examen radio-clinique évalue l'impotence globale du poignet droit à 15%, 1/3 revenant aux séquelles de l'accident du travail et 2/3 au grave état pathologique.

P. M. a relevé appel de ce jugement par requête entrée le 4 décembre 2007 au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales.

Il demande au Conseil supérieur des assurances sociales de lui allouer en ordre principal une rente accident de 15% sinon d'instituer en ordre subsidiaire une expertise médicale.

L'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Le médecin-conseil du Conseil arbitral sur les conclusions duquel les premiers juges se sont basés pour fixer le taux de la rente transitoire et celui de la lente viagère à 5% a estimé que l'accident du travail a provoqué une contusion du poignet droit avec fracture de la corne postérieure du semi-lunaire, le tout survenant sur un grave état pathologique antérieur du type maladie de Kienbock (ostéonécrose aseptique du semi-lunaire) favorisée par une variance ulnaire négative.

Lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'occasionnant pas lui-même d'incapacité, la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Lorsque l'on se trouve, au contraire, en présence d'une victime atteinte avant l'accident d'un état pathologique occasionnant une incapacité de travail, le taux d'incapacité à prendre en considération pour le calcul de la rente est seulement celui qui est afférent à l'incapacité résultant de l'accident.

L'incapacité préexistante peut être prise en considération après l'accident du travail sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée et mesurée avant. Encore faut-il pour que l'on puisse évoquer une incapacité de travail préexistante pour en soustraire le taux de celui de l'incapacité globale que l'état de la victime se soit stabilisé avant l'accident du travail: la notion d'incapacité de travail est liée à celle de stabilisation ou de consolidation.

Les conclusions du médecin-conseil du Conseil arbitral ne permettent pas de dire si l'état pathologique préexistant relevé par le médecin-conseil entraînait ou non avant l'accident une incapacité susceptible d'être déduite de l'I.P.P. ni, à supposer que cet état n'entraînât pas d'incapacité avant l'accident, s'il aurait évolué pour son propre compte.

Il y a dès lors lieu de nommer avant tout autre progrès en cause un expert avec la mission plus amplement détaillée au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,
reçoit l'appel en la forme, avant tout autre progrès en cause,
nomme expert le docteur René KONSBRUCK, médecin spécialiste en orthopédie, pratiquant à l' Hôpital Princesse Marie-Astrid à Niederkorn,
avec la mission de décrire dans un rapport motivé et détaillé les séquelles dont souffre P. M. suite à l'accident du travail du 10 septembre 2003 et d'évaluer le taux de la rente transitoire et le taux de la rente viagère à allouer compte tenu de ses constatations personnelles et des éléments du dossier administratif,

- de dire si les lésions préexistantes relevées par le médecin-conseil du Conseil arbitral des assurances sociales dans ses conclusions entraînaient une incapacité de travail avant l'accident,
dans l'affirmative de tenir compte dans l'évaluation des taux d'incapacité uniquement de l'incapacité supplémentaire résultant de l'accident du travail, à l'exclusion de celle due à l'état pathologique préexistant du requérant,

- au cas où les lésions préexistantes n'ont eu aucune incidence sur la capacité de travail de P. M. avant l'accident de dire si ces lésions auraient évolué pour leur propre compte et dans l'affirmative de dire à partir de quand elles auraient entraîné une incapacité de travail,

au cas où les lésions préexistantes n'ont eu aucune incidence sur la capacité avant l'accident du travail ni n'auraient évolué pour leur propre compte d'évaluer les taux d'incapacité en tenant compte de l'incapacité globale sans en réduire le taux en raison de l'état pathologique préexistant,

autorise l'expert à s'entourer de tous renseignements utiles et nécessaires à l'accomplissement de la mission lui confiée et même à entendre de tierces personnes et l'invite à déposer son rapport dans les meilleurs délais au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales à Luxembourg,

fixe l'affaire au rôle général.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 22 octobre 2008 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président, Le Secrétaire,
signé: Conzémius signé: Spagnolo

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