GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
No. du reg.: G 2008/0098
No.: 2009/0143
CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
Audience publique du trente octobre deux mille neuf
Composition: | |
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, | président |
M. Roger Linden, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme Odette Pauly, 1er vice-prés, du tribunal d'arrondissement de Luxbg. | assesseur-magistrat |
M. Marc Kieffer, conseiller juridique, Wintrange, | assesseur-employeur |
M. Fernand Schott, retraité, Dudelange, | assesseur-salarié |
M. Francesco Spagnolo, | secrétaire |
ENTRE:
R. ., né le ..., demeurant à ...,
appelant,
comparant en personne;
ET:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, établie à Luxembourg,
représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,
intimée,
comparant par Monsieur Marion Frisch, inspecteur principal, demeurant à Luxembourg.
Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 29 avril 2008, R. P. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 25 mars 2008, dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit:
Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, rejette la demande en institution d'une expertise médicale supplémentaire, déclare les recours non fondés et confirme les décisions entreprises.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 21 octobre 2009, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Roger Linden, fit l'exposé de l'affaire.
Monsieur R. conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 25 mars 2008.
Monsieur Marion Frisch, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 25 mars 2008.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
R. a subi le 31 août 2005 un accident du travail au cours duquel il a été heurté au cou par la fourche d'un engin mécanique.
Par décision présidentielle du 13 juin 2006, confirmée sur opposition de l'assuré par le comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 27 juillet 2006, une rente viagère de 8% lui a été allouée.
R. a introduit par requête du 7 août 2006 un recours contre cette décision devant le Conseil arbitral des assurances sociales tendant à se voir allouer un taux plus élevé.
Saisi d'une demande en révision de la rente viagère introduite par l'assuré le 1er juin 2007, le président de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, l'a informé que selon l'avis du Contrôle médical de la sécurité sociale du 25 juin 2007, l'augmentation du taux d'incapacité en relation avec l'accident du travail du 31 août 2005 n'atteignait pas 10%, de sorte que par application de l'article 149, alinéa 3 du code des assurances sociales, le recours était rejeté, décision confirmée, sur opposition de l'assuré, par le comité-directeur de ladite association en sa séance du 15 novembre 2007.
Contre cette décision, l'assuré a introduit le 14 décembre 2007 un recours devant le Conseil arbitral des assurances sociales.
Par jugement du 25 mars 2008, le Conseil arbitral, après avoir joint les deux recours, les a déclarés non fondés.
Il s'est à cet effet basé sur les conclusions de son médecin-conseil, nommé par jugement avant dire droit du 11 décembre 2007, consignées dans un rapport du 24 janvier 2008, dans lequel il est retenu que l'accident du travail du 31 août 2005 avait aggravé un état pathologique préexistant (discopathie dégénérative à un stade avancé au niveau C6-C7) et contribué à l'apparition d'une hernie discale au niveau de cette discopathie. Ledit médecin-conseil a, de même que le Contrôle médical de la sécurité sociale, fixé le taux d'incapacité partielle permanente à 8%. Le Conseil arbitral a écarté les avis médicaux des médecins traitants de l'assuré au motif que ces derniers n'avaient pas tenu compte, dans la fixation du taux d'incapacité permanente de travail qu'ils proposaient, de l'état pathologique préexistant de leur patient.
Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 29 avril 2008, R. a régulièrement interjeté appel contre le jugement et il conclut, par réformation, à voir dire qu'il est atteint d'une I.P.P. de 25%, subsidiairement conclut-il à l'institution d'une expertise médicale spécialisée.
La partie intimée conclut à la confirmation du jugement.
Il ressort du rapport dressé par le médecin-conseil que ce dernier a examiné le rapport du docteur Franz SCHILTZ dressé suite à l'accident du travail du 31 août 2005 de même que celui du docteur LEDESCH du 31 janvier 2006 et réfuté les conclusions contenues dans ce dernier certificat au regard d'examens effectués au CHL au courant de l'année 2006.
L'assuré a cependant versé tant au Conseil arbitral qu'à la juridiction d'appel un certificat du docteur LEDESCH du 1er février 2008 de même qu'un certificat de la spécialiste en orthopédie docteur MOELLER-EGGERT du 5 février 2008 qui prennent exhaustivement position point par point à l'égard du rapport du docteur BROUTCHOUX.
La fixation du taux de l'incapacité partielle permanente à 8%, contesté par l'appelant, a été motivée tant par le médecin-conseil du Conseil arbitral que par celui du Contrôle médical de la sécurité sociale par un état pathologique préexistant de l'assuré dont il y aurait lieu de tenir compte dans la fixation du taux en ce qu'il devrait être porté en déduction du taux global, seule l'incapacité partielle permanente se trouvant en relation causale avec l'accident du travail devant être indemnisée.
Dans son certificat du 5 février 2008, le docteur MOELLER-EGGERT évalue le taux d'incapacité de travail permanente de son patient à au moins 25% et à 20% si tant est qu'il fallut tenir compte de l'état pathologique préexistant.
Lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant n'occasionnant pas lui-même d'incapacité, la totalité de l'incapacité de travail résultant de cette aggravation doit être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail (Cour de Cassation française, chambre sociale, 6 juillet 1961: Bull.civ. IV, no 739 - 5 mars 1964: Bull, civil. IV, no 208 - 14 avril 1976: - 13 janvier 1977-2 novembre 1989: Bull, civil. V, no 643).
Lorsque l'on se trouve, au contraire, en présence d'une victime atteinte avant l'accident d'un état pathologique occasionnant une incapacité de travail, le taux d'incapacité à prendre en considération pour le calcul de la rente est seulement celui qui est afférent à l'incapacité résultant de l'accident (Cour de Cassation française, chambre sociale, 13 janvier 1996: Bull. civil. IV, no 44).
L'incapacité préexistante peut être prise en considération après l'accident du travail sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été constatée et mesurée avant. Encore faut-il pour que l'on puisse évoquer une incapacité de travail préexistante pour en soustraire le taux de celui de l'incapacité globale que l'état de la victime se soit stabilisé avant l'accident du travail: la notion d'incapacité de travail est liée à celle de stabilisation ou de consolidation (voir entre autres CSAS 27 mai 1998, Walck-AAI).
Ni le médecin-conseil de la juridiction du premier degré dans son rapport du 24 janvier 2008, ni le Contrôle médical de la sécurité sociale dans ses avis médicaux des 1er juin 2006, 25 juin 2007 et 20 juillet 2007 ne se sont prononcés sur le point de savoir si l'état pathologique préexistant entraînait ou non avant l'accident du travail une incapacité de travail.
Il convient dans ces conditions, avant tout autre progrès en cause, d'ordonner une expertise médicale.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué,
reçoit l'appel,
avant tout autre progrès en cause,
nomme expert le docteur Robert HUBERTY, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique, demeurant à Strassen, avec la mission, dans un rapport détaillé et motivé, compte tenu de ses constatations personnelles et des éléments du dossier:
- de déterminer le taux d'incapacité de travail permanente de l'assuré depuis sa consolidation,
- de dire si cette incapacité de travail est uniquement due aux séquelles dues à l'accident du travail du 31 août 2005,
- pour le cas où elle devait également être due à un état pathologique préexistant audit accident du travail, de se prononcer sur la question de savoir si cet état préexistant a causé au salarié une incapacité de travail et dans l'affirmative, d'en fixer les taux respectifs,
invite l'expert à déposer son rapport au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales à Luxembourg jusqu'au 28 février 2010 au plus tard,
fixe l'affaire au rôle général.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 30 octobre 2009 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président, Le Secrétaire,
signé: Conzémius signé: Spagnolo