CSJ-29.03.2006

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Fraude  | Dégât matériel
Mot(s) clef(s)
Falsification de deux contrats d'achat  | Faux  | Usage de faux  | Escroquerie aux assurances sociales

Référence

  • CSJ-29.03.2006
  • arrêt n° 172/06 X. du 29 mars 2006
  • Ministère Public c/ F.
  • U199908985
  • U200108901

Base légale

  • Art0196-CPEN
  • Art0197-CPEN
  • Art0496-CPEN
  • Art0315-CSS

Sommaire

Le fait pour F. d'avoir modifié le prix initial de 70.000.-LUF à 165.000.-LUF sur le contrat d'achat du véhicule Seat Ibiza -fait d'ailleurs non contesté par le prévenu F. ni au cours de l'instruction, ni à l'audience du tribunal correctionne l- constitue une altération de la vérité.

L'avantage pour F. était de pouvoir tromper l'AAA et de se faire remettre une somme d'argent plus élevée. Il a donc agi avec intention frauduleuse.

En soumettant cette facture falsifiée à l'AAA, le prévenu F. faisait usage des pièces falsifiées.

En remettant en connaissance de cause la facture faussée du véhicule Seat Ibiza à l'AAA, le prévenu F. a usé de manœuvres frauduleuses en vue de se faire payer le montant de 126.944.-LUF alors que cette somme n'était pas due mais bien un montant inférieur.

Ce faisant il a commis le délit d'escroquerie prévu à l'article 496 du Code Pénal.

Corps

Cour d'appel

Arrêt N° 172/06 X.

du 29 mars 2006

La Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, a rendu en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille six l'arrêt qui suit dans la cause

entre:

le ministère public, exerçant l'action publique pour la répression des crimes et délits, appelant

et:

F. , né le ..., demeurant à ...,

prévenu, appelant

FAITS

Les faits et rétroactes de l'affaire résultent à suffisance de droit d'un jugement rendu contradictoirement par une chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg le 12 mai 2005 sous le numéro 1428/2005, dont les considérants et le dispositif sont conçus comme suit:

« Vu l'ordonnance de la Chambre du conseil du 8 octobre 2003 renvoyant par application de circonstances atténuantes, F. et P. devant une chambre correctionnelle du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

Vu la citation à prévenu du 9 décembre 2004 régulièrement notifiée à F. et P..

Vu l'instruction menée par le juge d'instruction.

Vu les pièces et la note de plaidoiries, remises par le mandataire du prévenu F. à l'audience du Tribunal correctionnel.

Le Ministère Public reproche à F. d'avoir en date du 27 mars 2001 et en date du 4 avril 2001 à Luxembourg, commis les infractions de faux et usage de faux en falsifiant le contrat d'achat du véhicule Seat Ibiza immatriculé QF 586(L) en modifiant le prix initial de 70.000.-LUF en 165.000.-LUF et d'avoir fait usage de ce contrat falsifié. Par ces agissements il aurait encore commis l'infraction d'escroquerie en s'étant fait remettre à l'aide de ce contrat falsifié la somme de 126.944.-LUF, de même que l'infraction à l'article 315 du Code des Assurances Sociales pour avoir amené l'Association d'Assurance contre les Accidents à payer le montant de 126.944.-LUF, alors que cette somme n'était pas due.

Le Ministère Public reproche à P. d'avoir, au cours de l'année 2001 à Luxembourg, commis l'infraction de faux en signant le contrat d'achat falsifié de la voiture Seat Ibiza en imitant la signature de son père G.

A l'audience du Tribunal correctionnel F. a conclu à son acquittement du faux en écriture au motif que V. aurait rédigé le faux en date du 18 mai 1998. Il soulève ensuite la prescription des infractions de faux en écriture et d'usage de faux acquise en date du 18 mai 2001.

Concernant les infractions d'escroqueries, il fait plaider que seule l'infraction d'escroquerie de l'article 315 du Codes des Assurances pourrait être retenue, de sorte qu'il y aurait lieu de l'acquitter de l'infraction d'escroquerie de droit commun, au motif que les deux infractions constitueraient une seule et même infraction et que la loi spéciale dérogerait à la loi générale. Si toutes les infractions seraient à retenir, F. conclut à l'application de l'article 65 du Code pénal.

P. a également conclu à son acquittement de l'infraction de faux en écriture au motif que deux éléments constitutifs de l'infraction, à savoir l'écrit protégé et l'intention frauduleuse, feraient défaut.

- les faits

L'instruction à l'audience du Tribunal correctionnel et notamment les dépositions sous la foi du serment du témoin V., ensemble les éléments de l'instruction judiciaire et les aveux des deux prévenus, permettent de retenir les faits suivants:

Le 29 août 2002, Paul HANSEN, Président du Comité-Directeur de l'Association d'Assurance contre les Accidents (ci-après l'AAA) a déposé une plainte auprès du Ministère Public contre F. du chef de l'infraction prévue à l'article 315 du Code des Assurances Sociales et subsidiairement pour faux et usage de faux.

Aux termes de cette plainte, l'employeur de F., la société à responsabilité limitée G. K., a, en date du 19 avril 1999, informé l'AAA, d'un accident de trajet dont a été victime son employé. F. a subi une entorse de la colonne cervicale et son véhicule de la marque VW Golf de 1986 a été réduit à l'état d'épave.

En vue de l'indemnisation du dommage matériel subi, F. a fait parvenir à l'AAA une copie de la facture d'achat du 5 novembre 1994 du véhicule accidenté. Sur base du prix de vente portant sur la somme de 140.000.LUF, tel que renseigné dans ce document, la somme de 84.000.-LUF a été versée à F..

Par déclaration du 4 avril 2001, l'employeur de F., la société à responsabilité limitée G.K., a informé l'AAA, d'un autre accident de trajet dont a été victime son employé en date du 27 mars 2001.
F. a, cette fois-ci, subi une contusion du bras droit et son véhicule Seat Ibiza de l'année 1990 a de nouveau été réduit à l'état d'épave.

En vue de l'indemnisation du dommage matériel subi, F. a fait parvenir à l'AAA une copie de la facture d'achat du véhicule accidenté, achat ayant eu lieu le 18 mai 1998. Le prix de vente renseigné sur cette copie était de 165.000.-LUF, de sorte que le montant de 129.944.-LUF a été versé au prévenu F..

En date du 8 mai 2002, l'ex-concubine de l'assuré F. a contacté l'AAA pour les informer que les factures d'achat des voitures VW Golf et Seat Ibiza seraient des faux. Après examen des dossiers, sur base des montants relativement élevés qui avaient été payés à F. et après une courte discussion, le prévenu F. a admis que les montants indiqués sur les factures ne correspondaient pas à la vérité.

Appelé à justifier les montants réellement payés pour acheter les deux véhicules, F. a pris contact avec la Société Nationale de Contrôle Technique, qui lui a fait parvenir les copies des factures présentées au moment de l'immatriculation. Il résultait de ces factures originales, que les prix d'achats réels étaient pour la VW Golf 40.000.-LUF respectivement pour la Seat Ibiza, 70.000.-LUF.

Sur base des factures réelles, le prévenu aurait eu droit à indemnisation de 52.500.-LUF pour la Seat Ibiza et à 24.000.LUF pour la VW Golf. Le prévenu F. a, sans délai, remboursé les différences de 74.444.-LUF pour la Seat Ibiza et de 60.000.-LUF pour la VW Golf.

Il ressort de la déposition du prévenu F. en date du 27 janvier 2003 devant les agents verbalisants, annexée au procès-verbal n° : 90019 du 16 janvier 2003, qu'il avait acheté la voiture VW Golf en date du 5 novembre 1994 pour le prix de 40.000.-LUF et que, suite à l'accident du 14 avril 1999, il a été remboursé par l'AAA d'un montant de 84.000.-LUF sur base d'une facture d'achat fausse.

En date du 10 mars 1998, le prévenu F. a acquis du vendeur G. le véhicule de la marque Seat Ibiza pour le prix de 70.000.-LUF. Le 27 mars 2001, F. a été victime d'un accident de trajet vers 17.15 heures à Kayl. Le prévenu a admis à l'audience publique du 12 avril 2005, que l'accident se serait réellement produit, mais qu'il ne s'agissait pas d'un accident de trajet, puisqu'il avait eu lieu en France et non pas sur le trajet de travail.

F. a encore déposé en date du 27 janvier 2003 que, sur demande de la part de l'AAA pour recevoir des factures de la voiture accidentée, il aurait insisté auprès de G. de signer la « facture» en lui précisant que, sur base de cette facture, l'AAA lui rembourserait un montant plus élevé.

Dans sa déposition du 3 février 2003, G. admet avoir vendu la voiture Seat Ibiza à F. pour le prix de 70.000.-LUF, mais conteste avoir été informé d'un quelconque accident de trajet de la part du prévenu F. et avoir signé une deuxième facture.

Son fils P. a déposé en date du 11 février 2003 devant les agents verbalisants qu'au courant de la deuxième moitié de l'année 2001, F. se serait présenté chez lui et aurait expliqué avoir perdu la facture originale de la voiture Seat Ibiza et avoir besoin d'une facture de remplacement afin d'immatriculer la voiture à Sandweiler.

Le père du prévenu P. a travaillé jusqu'au mois de juillet 2001 avec F. auprès du G. K., mais après avoir subi une opération, il a été interné au centre de rééducation de Hamm pour cause de paralysie totale. G. étant incapable de signer, son fils P. a falsifié la signature de son père sur la facture présentée par F..

Il ressort de la déposition du prévenu P., qu'il a apposé une fausse signature, imitant celle de son père sur la facture lui présentée par le prévenu F. au courant de la deuxième moitié de l'année 2001. Le prévenu P. se rappelait encore dans sa déposition du 11 février 2003 devant les agents verbalisants, qu'au moment de la signature du document, les coordonnées étaient remplis sur la facture, mais non pas la date ni le prix d'achat.

V. a déposé en date du 10 février 2003 devant les agents verbalisants qu'elle n'aurait eu connaissance de la facture de la voiture Seat Ibiza portant sur la somme de 70.000.-LUF qu'après avoir parlé à l'AAA. Elle avouait avoir écrit au courant de l'année 1998 une facture à hauteur de 165.000.-LUF sur demande et en présence de F.. A l'audience publique du 12 avril 2005, le témoin V. a précisé, sous la foi du serment, que ladite « facture» a été refaite au moins à trois reprises afin de changer et de rechanger le montant y indiqué. Elle insistait sur le fait que la facture établie par elle en 1998 portant sur le montant de 165.000.-LUF n'aurait jamais été présentée à quelqu'un.

Sur base des déclarations du témoin V. et du prévenu P., le tribunal a l'intime conviction que la facture a été falsifiée et datée en réalité le 27 mars 2001, date de l'accident de la voiture Seat Ibiza, respectivement du 4 avril 2001, date de la déclaration d'accident à l'AAA et non pas comme veut le faire croire le prévenu en 1998.

En effet il n'y a aucune raison pour falsifier 3 ans à l'avance et sans motif apparent une facture pour ne l'utiliser qu'en 2001. Les allégations du prévenu ne sont pas crédibles, d'autant plus que V. conteste que la facture faite en 1998 aurait été utilisée à ce moment respectivement plus tard.

Il en suit que l'action publique n'est partant pas prescrite.

Même à suivre le raisonnement du mandataire de F. sur le fait que pour le surplus le faux aurait été fabriqué en 1998, le faux a été signé par P. au courant de la deuxième moitié de l'année 2001, pour escroquer l'AAA également au courant de l'année 2001, ce dernier fait n'étant pas prescrit à l'heure actuelle.

Or lorsque l'agent commet plusieurs infractions uniques successives qui procèdent d'une intention délictueuse unique, mais dont chacune est punissable en soi, il y a « infractions collectives ». Ces infractions supposent en effet des actes successifs qui constituent eux-mêmes autant de faits punissables mais, qui en raison du but poursuivi par l'agent, ne tendent qu'à la consommation d'une seule et même intention délictueuse.

Dans ce cas il est admis qu'il y a lieu de ne prononcer qu'une seule peine, mais d'un autre côté, la prescription ne commencera à courir qu'à partir de la dernière infraction.

Il s'ensuit en l'espèce que les infractions de faux et d'usage de faux commis en 2001 ne sont pas prescrits à l'ouverture de l'enquête et de l'instruction en date du 14 mars 2003.

- en droit

a) L'infraction de faux suppose la réunion de quatre éléments constitutifs:

Une écriture prévue par la loi pénale
Une altération de la vérité
Une intention frauduleuse ou une intention de nuire
Un préjudice ou une possibilité de préjudice

1) une écriture prévue par la loi pénale

Le faux visé par l'article 196 du Code pénal suppose que l'écrit soit susceptible dans une certaine mesure, de faire preuve de la validité des faits y énoncés pour ou contre un tiers (Cass.belge 8 janvier 1940 P 1940 1 6). En d'autres termes il faut que les écritures, publiques ou privées, soient de nature à produire des effets juridiques c'est-à-dire qu'elles puissent par l'usage en vue duquel elles ont été rédigées porter préjudice aux tiers et tirer des conséquences à leur égards, et que la collectivité puisse les considérer comme véridiques en raison de leur contenu ou leur forme (Cass belge 9 février 1982 Pas. 1982 1721).

La facture d'achat du véhicule Seat Ibiza doit être considérée comme un écrit protégé au sens de l'article 196 du Code pénal.

2) une altération de la vérité:

Comme il a été exposé ci-avant, l'écrit dont question doit avoir une force probante vis-à-vis des tiers des faits y énoncés.
Une présomption de sincérité doit pouvoir être attachée à ce document.

Le fait pour F. d'avoir modifié le prix initial de 70.000.-LUF à 165.000.-LUF sur le contrat d'achat du véhicule Seat Ibiza -fait d'ailleurs non contesté par le prévenu F. ni au cours de l'instruction, ni à l'audience du tribunal correctionnel- constitue une altération de la vérité.

En l'espèce il y a partant altération de la vérité.

3) une intention frauduleuse ou une intention de nuire:

Il faut non seulement que le prévenu ait agi en sachant qu'il a altéré la vérité, mais il faut également qu'il ait eu connaissance que cette altération de la vérité était susceptible de porter préjudice à un intérêt public ou privé. Le dol spécial résulte de la fin, du but, du dessein que s'est fixé l'agent du crime ou du délit (Novelles de droit pénal T Il n01606),

L'élément moral est dès lors caractérisé si le prévenu "était au courant" et " ne pouvait en ignorer le caractère frauduleux" (Crim, fr. 27 novembre 1978). Suivant la jurisprudence et la doctrine, l'intention frauduleuse peut consister dans la recherche de n'importe quel avantage, même une commodité (Cour d'appel 22 décembre 1980 Ministère Public c/ KOLMESCH).

Le juge du fond apprécie souverainement l'intention frauduleuse des faits par lui constatés.

Il résulte de l'ensemble du dossier répressif et notamment des dépositions constantes de F. que son intention frauduleuse était manifeste.

Le document créé uniquement dans le but de procurer à son auteur la preuve des faits contestés constitue un faux au sens de l'article 196 du Code pénal (Cass 9 février 1980 Pas. 19821721, cité par G. SCHUIND, Traité pratique de droit pénal sous art 193).

En pratique l'intention frauduleuse se restreint à la seule volonté d'introduire dans les relations juridiques un document que l'on sait inauthentique ou mensonger, pour obtenir un avantage (même légitime en soi) que l'on n'aurait pas pu obtenir ou que l'on aurait obtenu plus malaisément en respectant la vérité ou l'intégralité de l'écrit. Le fait qu'on a altéré volontairement la vérité ou l'intégrité de l'écrit pour obtenir l'avantage escompté, constitue l'intention frauduleuse.
(RIGAUX et TROUSSE, op. cit. T III n° 240).

F. savait que la facture qui allait être continuée à l'AAA était fausse pour avoir lui-même modifié le prix d'achat du véhicule Seat Ibiza.

En l'espèce l'avantage pour F. était de pouvoir tromper l'AAA et de se faire remettre une somme d'argent plus élevée. Il a donc agi avec intention frauduleuse.

4) un préiudice ou une possibilité de préiudice:

Il suffit que l'écrit puisse induire en erreur les tiers auxquels il est présenté ou qu'il soit possible que des tiers, mis en présence de cet écrit, conforment leur attitude sur le contenu (Trib. arr. Lux n° 1543/86 du 6 novembre 1986).
L'éventualité d'un préjudice est suffisant.

Le préjudice qui peut résulter du faux est de deux sortes: le préjudice matériel et le préjudice moral. L'un et l'autre peut affecter soit un intérêt public et collectif, soit un intérêt privé ou individuel (cf. NYPELS, Code pénal interprété, art. 193s., p. 456).

En l'espèce il y a lésion de l'AAA résultant du fait que F. a amené l'AAA à lui payer le montant de 126.944.-LUF alors que cette somme n'était pas due mais une somme inférieure.

Les éléments constitutifs du faux en écritures privées sont partant donnés en l'espèce.

En soumettant cette facture falsifiée à l'AAA, le prévenu F. faisait usage des pièces falsifiées.

Le prévenu F. est partant convaincu par les éléments du dossier répressif, ensemble par les débats, menés à l'audience des infractions de faux et d'usage de faux lui reprochées.

Est considéré comme fausse signature au sens des articles 194 et suivants du Code pénal, la signature, lisible ou non, qui donne à croire au destinataire qu'elle émane d'une personne, réelle ou imaginaire, autre que celui qui l'a apposée.

Il y a fausse signature si le faussaire signe d'un nom imaginaire ou fantaisiste, la loi ne distinguant pas à cet égard. La fausse signature par contrefaçon d'une signature vraie ou par supposition de nom ne peut comprendre qu'un prénom ou simplement des initiales. Il importe même peu que le tracé de l'écriture consistât dans une succession de lignes et d'arabesques permettant de croire à une signature, réelle, mais indéchiffrable ou illisible (Rigaux et Trousse, Les Crimes et Délit du Code pénal, T III, n° 180 et suivi.

Les signatures contrefaites et les signatures fausses constituent à elles seules la matérialité du faux en écritures, abstraction faite de la nature et de la qualité de l'écrit altéré. Ainsi l'apposition d'une signature fausse suffit à elle seule à la perpétration du faux, sans qu'il soit nécessaire que l'écrit contienne une convention ou une disposition (Cour lux. 7 août 1897, P. 4, 410 et Trib. Lux. 16 novembre 1948, P. 14,464).

L'apposition d'une signature fausse en bas d'un texte constitue par elle-même, aux termes des articles 194 et 195 un mode de perpétration du faux. Il n'est pas nécessaire que la pièce revêtue de la fausse signature constitue une convention, une disposition, une obligation ou une décharge (Rigaux et Trousse, Les Crimes et Délits du Code Pénal, T III, n° 181 et 187)

En l'espèce le prévenu P. a apposé en connaissance de cause, la signature de son père G. sur le contrat d'achat de la voiture Seat Ibiza.
Il ne suffit cependant pas seulement que le prévenu ait agi en sachant qu'il a altéré la vérité, mais il faut également qu'il ait eu connaissance que cette altération de la vérité était susceptible de porter préjudice à un intérêt public ou privé. Le dol spécial résulte de la fin, du but, du dessein que s'est fixé l'agent du crime ou du délit (Novelles de droit pénal T Il n01606).

En matière de faux en écritures, les juges du fond apprécient souverainement l'intention frauduleuse des faits par eux constatés (Cass. crim. 13 mars 1986, Bull p. 24 n° 340).

Cette fin est constituée par la seule volonté d'introduire dans les relations juridiques un document que l'on sait inauthentique ou mensonger, pour obtenir un avantage que l'on n'aurait pas pu obtenir ou que l'on aurait obtenu plus malaisément en respectant la vérité ou l'intégralité de l'écrit.

En apposant une signature fausse sur une facture d'achat lui présentée en 2001, le prévenu P. a agi en connaissance de cause, mais n'avait pas l'intention de tirer un profit de ce faux en écriture. Il ne savait pas que l'altération de la vérité pouvait porter préjudice à l'AAA. En effet, il résulte de sa déposition devant les agents verbalisants, de même qu'à l'audience publique, que F. lui avait présenté la facture contenant les coordonnées des deux cocontractants en lui expliquant avoir besoin de cette pièce afin de faire immatriculer la voiture Seat Ibiza à Sandweiler.

L'intention frauduleuse faisant défaut, le prévenu P. est à acquitter de la prévention de faux.

b) l' escroquerie

L'escroquerie requiert trois éléments constitutifs:

a) l'emploi de faux noms, de fausses qualités ou de manœuvres frauduleuses,
b) la remise ou la délivrance de fonds, meubles, obligations, quittances ou décharges,
c) l'intention de s'approprier le bien d'autrui.

L'usage de faux constitue une manœuvre d'escroquerie au sens de l'article 496 du Code pénal (Cass. b. 20 décembre 1965, Pas. b. 1966, l, 542)

En remettant en connaissance de cause la facture faussée du véhicule Seat Ibiza à l'AAA, le prévenu F. a usé de manœuvres frauduleuses en vue de se faire payer le montant de 126.944.-LUF alors que cette somme n'était pas due mais bien un montant inférieur.

Ce faisant il a commis le délit d'escroquerie prévu à l'article 496 du Code Pénal.

Il n'y a toutefois pas lieu d'acquitter le prévenu de l'infraction d'escroquerie de l'article 315 du Code des Assurances sociales libellé également à sa charge et établi en vertu de ce que précède. En effet il est de doctrine et de jurisprudence constantes que les juridictions répressives sont saisies du fait mis à charge du prévenu et qu'il leur incombe d'examiner ce fait sous toutes les qualifications légales pouvant s'appliquer. Une décision d'acquittement équivaudrait en effet à la constatation de l'absence de toute charge pour le fait visé, et ce sous n'importe quelle qualification légale.

Il y a lieu de préciser que le concours idéal prévu à l'article 65 du code pénal est donné quand par un seul acte coupable l'auteur a commis plusieurs infractions (Cour d'Appel, 9.2.1987, n° 53/87, iD....: Pas. XXVII, sommaires, p. 93, n016).

Les infractions retenues à charge du prévenu F. se trouvent en concours idéal entre elles, de sorte qu'il y a lieu de statuer conformément à l'article 65 du Code pénal.

Une seule peine doit en effet être prononcée lorsque, comme en l'espèce, les infractions d'escroquerie de droit commun et d'escroquerie de l'article 315 du Code des Assurances sociales sont compris dans la même poursuite et quand les faits de la prévention procèdent de la même action coupable. Il n'y a partant pas lieu d'acquitter le prévenu de l'infraction d'escroquerie de l'article 315 du Code des Assurances sociales.

Le prévenu F. est convaincu par les débats à l'audience, les déclarations sous la foi du serment du témoin V., ensemble les éléments du dossier répressif:

« comme auteur ayant lui-même commis les infractions, en date du 27 mars 2001 et en date du 4 avril 2001 à Luxembourg,

1) dans une intention frauduleuse et à dessein de nuire, avoir commis un faux en écritures privées par fausses signatures et par fabrication de conventions par leurs insertions après coup dans les actes, en l'espèce,

d'avoir falsifié le contrat d'achat du véhicule Seat Ibiza immatriculé QF 586 (L) en modifiant le prix initial de 70.000.- Luf;

2) dans une intention frauduleuse et à dessein de nuire, avoir fait usage d'un faux en écritures privées par fausses signatures et par fabrication de conventions par leurs insertions après coup dans les actes, en l'espèce,

d'avoir fait usage du contrat d'achat falsifié préqualifié;

II) a) dans le but de s'approprier une chose appartenant à autrui, s'être fait remettre des fonds en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises et pour abuser autrement de la confiance et de la crédulité, en l'espèce,

Pour s'être fait remettre à l'aide d'un contrat d'achat falsifié la somme de 126.944.- Luf pour une voiture de marque Seat Ibiza immatriculée QF 586 (L);

b) en infraction de l'article 315 du Code des Assurances Sociales, pour avoir amené les organismes de sécurité sociale à fournir des prestations et d'autres avantages qui n'étaient dus qu'en partie, en l'espèce,

pour avoir amené «l'Association d'Assurance contre les Accidents» à payer le montant de 126.944.- Luf alors que cette somme n'était pas due dans son intégralité.»

Le prévenu P. est à acquitter de l'infraction non établie à sa charge:

« au cours de l'année 2001, à Luxembourg, sans préjudice quant aux indications de temps et de lieu plus exactes,

comme auteur ayant lui-même commis l'infraction,

dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, avoir commis un faux en écritures.»

Il y a lieu de relever que lorsqu'une escroquerie est commise au moyen d'un document faux, il est possible de poursuivre en même temps l'escroquerie et le faux, du moment que ce dernier, comme en l'espèce, a été décriminalisé (Rép. Dalloz, Escroquerie, no 25; Cass fr. 7 décembre 1965 Bull 1966).

Cette solution se justifie encore par la considération que les infractions d'escroquerie et de faux visent des catégories d'intérêts pénalement protégées distinctes. Ainsi, l'escroquerie constitue une atteinte à la propriété, alors que la répression de faux en écritures vise la protection de la foi publique.

Les infractions retenues sub 1) ( faux et usage de faux), ne constituent qu'une même infraction dès lors que le fait d'usage émane de l'auteur de la falsification et que l'usage de faux se confond avec l'infraction de faux.

L'infraction retenue sub II) a) (escroquerie) se trouve en concours idéal avec celle retenue sub II) b) (escroquerie de l'article 315 du Code des Assurances sociales) au préjudice de l'AAA, de sorte qu'il convient encore de statuer conformément aux dispositions de l'article 65 du Code pénal.

Les infractions retenues sub 1) (faux et usage de faux), se trouve en concours idéal avec celles retenues sub II) (escroquerie), de sorte qu'il y a lieu d'appliquer l'article 65 du Code pénal.

Par ces motifs:

le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement les prévenus F. et P. et leurs défenseurs entendus en leurs explications et moyens de défense et le représentant du Ministère Public entendu en son réquisitoire,

dit que l'action publique relatives aux infractions de faux et d'usage de faux n'est pas prescrite;

acquitte P. du chef de l'infraction non retenue à sa charge;

condamne F. du chef des infractions retenues à sa charge à une peine d'emprisonnement de DOUZE (12) MOIS et à une amende de MILLE (1.000) euros, ainsi qu'aux frais de sa poursuite pénale, ces frais liquidés à 53,50 euros;

fixe la durée de la contrainte par corps en cas de non-paiement de l'amende à 20 jours.

Par application des articles 14, 15, 16, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 65, 66, 196, 197, 214 et 496 du Code pénal; 154, 155, 179, 182, 184, 189, 190, 190-1, 191, 194, 195 et 196 du Code d'Instruction Criminelle; article 315 du Codes des Assurances sociales; articles 1, 2 et 17 de la loi du 19.11.1975; article IX de la loi du 13.06.1994; ainsi que des articles 1, 6, et 7 de la loi du 01.08.2001; qui furent désignés à l'audience par Madame la vice-présidente.

Ainsi fait et jugé par Brigitte KONZ, vice-présidente, Jean ENGELS, premier juge, et Caroline ROLLER, juge, et prononcé par Madame la vice-présidente en audience publique au Palais de Justice à Luxembourg, en présence de Robert WELTER, substitut principal du Procureur d'Etat et de Thierry THILL, greffier assumé, qui, à l'exception du représentant du Ministère Public, ont signé le présent jugement. »

De ce jugement, appel fut relevé au greffe du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg le 15 juin 2005 par Maître Gilles SCRIPNITSCHENKO, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour et au nom de F. et le 15 juin 2005 par le représentant du ministère public.

En vertu de ces appels et par citation du 30 janvier 2006, le prévenu F. fut requis de comparaître à l'audience publique du 22 février 2006 devant la Cour d'appel de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, pour y entendre statuer sur le mérite des appels interjetés.

A cette audience le prévenu F. fut entendu en ses déclarations personnelles.

Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, développa plus amplement les moyens de défense et d'appel du prévenu F..

Monsieur le premier avocat général Georges WIVENES, assumant les fonctions de ministère public, fut entendu en son réquisitoire.

LA COUR

Prit l'affaire en délibéré et rendit à l'audience publique du 29 mars 2006, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par déclarations du 15 juin 2005 au greffe du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, F. et le procureur d'Etat ont régulièrement relevé appel d'un jugement correctionnel du 12 mai 2005 dont la motivation et le dispositif sont reproduits aux qualités du présent arrêt.

L'appelant F. ne conteste pas la matérialité des faits mis à charge et se rapporte à la sagesse de la Cour quant à leur qualification juridique.

Il sollicite la réduction de la peine d'emprisonnement prononcée et le bénéfice du sursis simple intégral quant à cette peine.

Le représentant du ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise. Il ne s'oppose ni à une réduction de la peine d'emprisonnement prononcée en première instance, ni à l'octroi du bénéfice du sursis.

La juridiction de première instance a correctement apprécié les circonstances de la cause. C'est, dès lors, à juste titre qu'elle a retenu les infractions mises à charge du prévenu, à savoir les infractions de faux, usage de faux et escroquerie, qui sont restées établies sur base des éléments du dossier. Elle a également correctement retenu, par une motivation que la Cour adopte, que l'action publique n'était pas prescrite en l'espèce.

Les peines prononcées en première instance sont légales. La Cour considère, cependant, qu'en raison du casier judiciaire vierge et du repentir sincère et actif du prévenu, qui a remboursé l'argent détourné, il convient de le faire bénéficier du sursis intégral quant à l'exécution de la peine d'emprisonnement de 12 mois. La peine d'amende de 1.000.- euros, en revanche, est adéquate, partant à maintenir

Par ailleurs, les règles du concours ont été correctement appliquées par la juridiction de première instance.

PAR CES MOTIFS

la Cour d'appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, le prévenu entendu en ses explications et moyens de défense, sur le réquisitoire du ministère public,

reçoit les appels en la forme;

dit fondé l'appel du prévenu;

réformant:

dit qu'il sera sursis à l'exécution de l'intégralité de la peine d'emprisonnement de 12 (douze) mois;

confirme pour le surplus le jugement entrepris;

condamne F. aux frais de sa poursuite pénale en instance d'appel, liquidés à 9.01 €.

Par application des textes de loi cités par la juridiction de première instance en y ajoutant les articles 202, 203, 211 et 626 du code d'instruction criminelle.

Ainsi fait et jugé en audience publique par la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, où étaient présents:

Arnold WAGENER, président de chambre à la Cour d'appel, Jean-Claude WIWINIUS, premier conseiller à la Cour d'appel, Joséane SCHROEDER, conseiller à la Cour d'appel, Jeanne GUILLAUME, avocat général, Christian ANTONY, greffier assumé,

qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.

la lecture de l'arrêt a été faite en audience publique au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, par Monsieur Arnold WAGENER, président de chambre, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, avocat général, et de Monsieur Christian ANTONY, greffier assumé.

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