CSSS-08.03.2010

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Prescription
Mot(s) clef(s)
Demande de rente  | Prescription triennale  | Relation causale entre lésions et accident  | Condition préalable  | Preuve de la relation causale

Référence

  • CSSS-08.03.2010
  • Aff. AAA c/ S.
  • No. du reg.: L 2009/0137
  • No: 2010/0053
  • L 198501723

Base légale

  • Art0149-CSS

Sommaire

Dans un souci d'indemniser le plus vite possible les assurés victimes d'un accident du travail et d'éliminer au maximum les problèmes concernant l'imputabilité de certaines conséquences à un accident du travail, le législateur a imposé aux victimes l'obligation de réagir rapidement et de présenter leur réclamation dans un délai de trois ans à dater de l'accident. Dans certaines situations exceptionnelles, qui sont à interpréter limitativement, il est permis aux assurés de faire leurs réclamations après le susdit délai. Tel est le cas s'il est établi que les conséquences d'un accident, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement. Cela présuppose que les conséquences invoquées par une victime à l'appui d'une demande en obtention d'indemnités proviennent directement d'un accident du travail. La preuve de cette relation entre l'accident et des suites incombe à l'assuré (cf. affaire AAI c/ BOURG, 30.06.2008).

En effet, cette relation causale constitue la condition préalable de recevabilité de la demande en obtention d'une rente accident présentée en dehors du délai de trois ans.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. de reg.: L 2009/0137 No.: 2010/0053

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

Audience publique du huit mars deux mille dix

 

Composition:  
M. Georges Santer, président de chambre à la Cour d'appel, président ff.
M. Julien Lucas, président de chambre à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Joséane Schroeder, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Nathalie Jeblick-Wagner, conseiller, Boevange-sur-Attert, assesseur-employeur
M. Jean-Pierre Wagner, maître électricien, Marner, assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

ENTRE:

l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, établie à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction, appelante,
comparant par Madame Linda Schumacher, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg;

ET:

S., né le ..., demeurant à...,

intimé,

assisté de Maître Guy Thomas, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 9 septembre 2009, l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 24 juillet 2009, dans la cause pendante entre elle et S., et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours recevable et fondé;
réformant la décision du comité-directeur du 5 novembre 2008, dit que le requérant a droit à la rente plénière à partir de la date de la demande de prise en charge présentée le 30 novembre 2005 par l'intermédiaire de la Division de la Santé au Travail auprès du Ministère de la Santé;
dit que le requérant a droit à l'allocation des intérêts moratoires sur les prestations redues et renvoie le dossier devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière pour procéder au calcul des intérêts moratoires conformément à l'article 291bis du Code des assurances sociales devenu, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 mai 2008 portant introduction d'un statut unique, l'article 439 du Code de la sécurité sociale.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 22 février 2010, à laquelle le rapporteur désigné, Madame Joséane Schroeder, fit l'exposé de l'affaire.

Madame Linda Schumacher, pour l'appelante, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 24 juillet 2009.

Maître Guy Thomas, pour l'intimé, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 24 juillet 2009.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par requête déposée au greffe du Conseil arbitral des assurances sociales le 12 décembre 2008, S. a formé un recours dirigé contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, du 5 novembre 2008, qui, par confirmation de la décision présidentielle du 14 mars 2008, avait rejeté sa demande en attribution d'une rente accident viagère du chef d'un accident du travail, au motif que l'assuré n'est pas atteint d'une incapacité de travail partielle permanente en relation avec l'accident du travail du 14 septembre 1985.

Par jugement du 24 juillet 2009 le Conseil arbitral des assurances sociales a déclaré ce recours fondé et a dit que le requérant a droit à la rente plénière à partir de la date de la demande de prise en charge présentée le 30 novembre 2005.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges se sont référés à une décision antérieure du Conseil arbitral du 15 mai 2007. Aux termes de cette décision la juridiction avait déclaré la demande de l'assuré en obtention d'une rente accident présentée le 30 novembre 2005 recevable quant à la forme et au délai. Elle a également retenu qu'il existe une très forte probabilité que l'électrocution accidentelle de 1985 est un facteur causal déterminant dans la survenue de la maladie parkinsonienne dont l'assuré est atteint et elle a renvoyé l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, pour y voir statuer sur les prestations devant revenir au requérant.

Par requête déposée au greffe du Conseil supérieur des assurances sociales le 9 septembre 2009, l'Association d'assurance contre les accidents, section agricole et forestière, a régulièrement relevé appel de la décision du Conseil arbitral du 24 juillet 2009.

Elle fait grief aux juges de première instance d'avoir décidé que le jugement du Conseil arbitral du 15 mai 2007 qui a décidé qu'il existe une très forte probabilité que l'électrocution accidentelle de 1985 est un facteur causal déterminant dans la survenue de la maladie parkinsonienne, a autorité de chose jugée.

La demande n'aurait pas été analysée au fond mais elle aurait uniquement été déclarée irrecevable par l'administration pour être tardive. Subsidiairement elle soutient que la relation causale entre la maladie parkinsonienne et l'accident du travail de septembre 1985 laisserait d'être rapportée.

L'intimé S. conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Dans le souci d'indemniser le plus vite possible les assurés victimes d'un accident du travail et d'éliminer au maximum les problèmes concernant l'imputabilité de certaines conséquences à un accident du travail, le législateur a imposé aux victimes l'obligation de réagir rapidement et de présenter leur réclamation dans un délai de trois ans à dater de l'accident. Dans certaines situations exceptionnelles, qui sont à interpréter restrictivement, il est permis aux assurés de faire leurs réclamations après le susdit délai. Tel est le cas s'il est établi que les conséquences d'un accident du travail, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement. Cela présuppose que les conséquences invoquées par une victime à l'appui d'une demande en obtention d'indemnités proviennent directement d'un accident du travail. La preuve de cette relation entre l'accident et des suites incombe à l'assuré (cf. affaire AAI c/Bourg, 30.6.2008).

En effet, cette relation causale constitue la condition préalable de recevabilité de la demande en obtention d'une rente accident présentée en dehors du délai de trois ans.

Dans sa décision du 15 mai 2007 le Conseil arbitral, pour se prononcer sur la recevabilité de la demande de S., a analysé si les conséquences invoquées par l'assuré étaient en relation causale avec l'accident du travail survenu en 1985 et il est arrivé à la conclusion qu'il existe une très forte probabilité que l'électrocution accidentelle de 1985 est un facteur causal déterminant dans la survenue de la maladie parkinsonienne dont l'assuré est atteint. Toutes les conditions de recevabilité étant remplies, il a renvoyé l'affaire devant l'organe compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour y voir statuer sur les prestations devant revenir au requérant.

C'est à bon droit et par des motifs que le Conseil supérieur des assurances sociales adopte que les premiers juges se sont basés sur l'autorité de chose jugée attachée au jugement du Conseil arbitral du 15 mai 2007 pour réformer la décision de refus de l'administration d'allouer une rente accident à l'assuré et dire que le requérant a droit à la rente plénière à partir de la date de la demande de prise en charge présentée le 30 novembre 2005.

L'appel de l'Association d'assurance contre les accidents est partant à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,
reçoit l'appel en la forme,
le déclare non fondé,
partant confirme le jugement entrepris.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 8 mars 2010 par le Président du siège. Monsieur Georges Santer, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président ff, signé: Santer
Le Secrétaire, signé: Spagnolo

 

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