No du reg. : GE 154/99
No 20/2000
AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL SUPERIEUR
DES ASSURANCES SOCIALES
Du seize février deux mille à LUXEMBOURG
Composition: |
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Mme Edmée Conzémius 1er conseiller à la Cour d'appel, | président |
M.Marc Kerschen conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Camille Hoffmann conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme Marie-Anne Ketter, conseiller de gouvernement 1e classe, Luxbg., |
assesseur- employeur |
M. Jean-Claude Fandel ,professeur, Soleuvre, | assesseur - salarié |
M. Richard Trausch | secrétaire |
Entre:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
appelante,
comparant par monsieur Louis Emringer, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg,
ET:
M. , épouse S., née le ..., demeurant à ...,
intimée,
assistée de maître Monique Watgen, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 22 septembre 1999, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 10 août 1999 dans la cause pendante entre elle et M. , épouse S., et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, réformant, dit que la demande en obtention de prestations au titre de l'assurance- accidents, présentée par l'assurée le 13 janvier 1998 est recevable quant à la forme et au délai; renvoie l'affaire devant la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents pour y voir statuer sur les prestations devant revenir à l'intéressée.
Les parties furent convoquées pour 1 'audience publique du 2 février 2000, à laquelle le rapporteur désigné, monsieur Camille Hoffmann, fit l'exposé de l'affaire.
Monsieur Louis Emringer, pour l'appelante, donna lecture d'une note de plaidoirie et conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 1O août 1999 et au rétablissement de la décision de la commission des rentes du 27 avril 1998.
Maître Monique Watgen, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 10 août 1999.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
L'assurée M. , infirmière à l'Hôpital Neuropsychiatrique à Ettelbruck, avait subi le 11 juin 1991 une hernie discale L5-S1 avec lombosciatalgie aiguë droite en voulant soulever une patiente alitée.
En 1990, elle avait déjà subi un accident du travail ayant entraîné une hernie discale L3-L4 qui avait été opérée.
Estimant que l'accident du travail du 11 juin 1991 n'avait causé qu'une aggravation passagère d'un état pathologique préexistant, l'Association d'assurance contre les accidents n'avait pris en charge que la période du 11 juin au 1 er juillet 1991.
Par courrier du 8 janvier 1998,M. informa l'Association d'assurance contre les accidents qu'elle souffre toujours des suites de l'accident du 11 juin 1991 et elle verse plusieurs documents médicaux pour établir son état.
Par décision présidentielle du 30 janvier 1998, l'Association d'assurance contre les accidents a refusé l'allocation d'une rente-accident au motif que la demande n'a pas été présentée dans le délai de trois ans prévu à l'article 149, alinéa 2, du Code des assurances sociales qui dispose que: « Les personnes qui prétendent avoir droit à une indemnité qui n'a pas été déterminée d'office doivent, sous peine de déchéance, présenter leur réclamation au comité- directeur dans le délai de trois ans à dater de l'accident ou du jour du décès de la victime, survenu par suite des blessures reçues»
Cette décision a en outre retenu que l'alinéa 3 du même article qui prévoit que:
« Ces réclamations ne sont recevables après l'expiration de ce délai que s'il est prouvé que les conséquences de l'accident, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement ou que l'intéressé s'est trouvé, en suite de circonstances indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de formuler sa demande », n'est pas applicable en l'espèce.
L'opposition formée contre cette décision a été rejetée par la commission des rentes par décision du 27 avri11998.
Statuant sur le recours formé par M. contre cette décision, le Conseil arbitral des assurances sociales, a, par jugement du 10 août 1999, déclaré sa demande en obtention de prestations au titre de l'Assurance-accidents recevable et a renvoyé la cause devant la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents pour y voir statuer sur les prestations devant revenir à l'assurée.
Pour décider ainsi, le Conseil arbitral des assurances sociales a entériné l'avis de son médecin-conseil en faisant état de ce que le diagnostic établi par l'Association d'assurance contre les accidents ne retenant qu'une aggravation passagère d'un état pathologique préexistant était inexact étant donné que le bilan radiologique reconnaît une nette aggravation de la hernie discale L5-S1 en relation causale avec l'accident du travail du 11 juin 1991, que l'assurée avait régulièrement consulté ses médecins-traitants pour lombalgies récidivantes pendant la période concernée mais qu'elle n'avait pas été informée de son droit de former une demande en allocation d'une rente bien que son incapacité de travail eût été évaluée à 20 % suivant un rapport médical du Dr Guy Matgé et qu'eu égard à ces circonstances, elle s'était trouvée dans l'impossibilité de formuler sa demande dans le délai triennal édicté par l'article 149, alinéa 2, du Code des assurances sociales.
De ce jugement, l'Association d'assurance contre les accidents a, par requête déposée le 22 septembre 1999, relevé appel pour entendre, par réformation de la décision entreprise, déclarer M. forclose à demander des prestations du chef de l'accident du travail du 11 juin 1991.
L'appelante soutient que l'intimée était au courant des conséquences de l'accident du travail en cause depuis 1991 et qu'elle ne s'était pas trouvée, en suite de circonstances indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de formuler sa demande dans le délai légal.
L'intimée demande la confirmation du jugement entrepris en se référant aux dispositions de alinéa 3 de l'article 149 du Code des assurances sociales.
A titre d'exception à la règle posée par l'alinéa 2 de l'article 149 du Code des assurances sociales que les personnes qui prétendent avoir droit à une indemnité qui n'a pas été déterminée d'office doivent, sous peine de déchéance, présenter leur réclamation au comité-directeur dans le délai de trois ans à dater de l'accident ou du jour du décès de la victime, survenu par suite des blessures reçues, l'alinéa 3 du même article prévoit que les réclamations sont néanmoins recevables après l'expiration de ce délai, s'il est prouvé :
-soit que les conséquences de l'accident, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement,
-soit que l'intéressé s'est trouvé, en suite de circonstances indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de formuler sa demande.
L'appelante argumente à raison que les motifs retenus par le Conseil arbitral des assurances sociales à l'appui de son jugement, à savoir la prétendue ignorance de l'intimée de l'étendue de ses droits à réparation et des moyens pour les faire valoir utilement ainsi que l'aggravation de la discopathie existante, ne permettent pas de conclure à une impossibilité de formuler la demande visée à l'alinéa 3 du susdit article 149.
Le principe que nul n'est censé ignorer la loi est d'application générale et vaut en matière de sécurité sociale pour tous les textes qui édictent une pénalité, une déchéance ou une sanction quelconque. La maxime procède de ce que la force obligatoire de la loi ne tient pas à sa connaissance ni à sa méconnaissance, mais simplement à ce qu'elle est l'acte du pouvoir souverain.
Il est en outre établi que l'aggravation progressive de la discopathie depuis l'accident du travail du 11 juin 1991 n'avait pas constitué un empêchement pour réclamer l'allocation d'une rente-accident. C'est en effet précisément parce que l'état de l'assurée s'était progressivement aggravé qu'elle avait subi une incapacité de travail définitive lui permettant de réclamer l'allocation d'une rente.
Il se dégage cependant des éléments de la cause discutés contradictoirement lors de l'audience publique du 2 février 2000 que l'Association d'assurance contre les accidents avait, suite à l'avis du Contrôle médical de la sécurité sociale, accepté de prendre en charge les frais engendrés par l'accident du travail en cause pour la période du 11 juin au 1er juillet 1991 en faisant remarquer que « d'après les constatations médicales il s'agit en l'occurrence d'une aggravation passagère d'un état pathologique préexistant » ( décision du 3 avril 1992) ;
que l'intimée avait pu exercer normalement son activité professionnelle dans les années qui ont suivi l'accident jusqu'en 1997 bien qu'elle souffrît de lombalgies récidivantes qui avaient nécessité des consultations médicales régulières de l'ordre de trois visites par an ;
qu'il s'est avéré à partir du mois d'octobre 1997, que, nonobstant le traitement palliatif appliqué, la discopathie s'était progressivement aggravée au point d'imposer une opération chirurgicale qui fut effectuée fin 1999 ou début 2000
( cf. certificats Dr René Schalbar des 10 novembre 1997, 19 février 1998 et 14 novembre 1999, rapport médical Dr Matgé du 25 mai 1998).
Il faut conclure de ces éléments que si le bilan médical de 1992 n'avait encore retenu qu'une aggravation passagère, les examens effectués à partir de 1997 avaient constaté une discopathie dégénérée sévère au niveau L4-L5 entraînant une incapacité de travail permanente; que l'état de santé de l'intimée n'était donc pas consolidé avant l'expiration du délai de trois ans à dater de l'accident en ce sens qu'une incapacité de travail définitive ne pouvait être constatée à ce moment, l'inexactitude du diagnostic du Contrôle médical de la sécurité sociale n'étant établie qu'à partir du bilan dressé en octobre 1997 dont fait état le certificat du Dr René Schalbar du 19 février 1998.
Il est dès lors établi que les conséquences de l'accident, au point de vue de la capacité de travail de la blessée, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement à l'expiration du délai triennal.
La réclamation de l'intimée datant du 8 janvier 1998, elle doit être déclarée recevable en application des alinéas 3 et 4 de l'article 149 du Code des assurances sociales.
Le jugement entrepris est partant à confirmer encore que ce soit par d'autres motifs.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions de l'Association d'assurance contre les accidents à l'audience,
déclare l'appel recevable,
le dit non fondé,
confirme le jugement entrepris
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 16 février 2000 par madame le Président Edmée Conzemius, en présence de Monsieur Richard Trausch, secrétaire.
Le président, signé : Conzémius
Le Secrétaire, signé : Trausch