CSSS 23.11.2015

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Prestations en nature
Mot(s) clef(s)
Prestations  | Limitations  | Refus de réouverture  | Consolidation  | Traitement post consolidation

Référence

  • CSSS-23.11.2015
  • No. du reg.: G 2014/0169
  • No.: 2015/0222

Base légale

  • Art. 118, 119 et 126 CSS

Sommaire

La réouverture du dossier accident de l’assurée a été refusée au motif que les lésions en relation causale avec l’accident du travail de l’assurée étaient consolidées.

Les juges ont confirmé le refus de réouverture en retenant qu’en vertu de la présomption d’imputabilité à l’accident du travail l’Association d’assurance accident a la charge de la preuve d’une cause exonératoire jusqu’à la consolidation des séquelles de l’assuré. Postérieurement à la consolidation, la charge de la preuve entre le lien causal des soins et l’accident appartient à l’assuré. A partir du moment où l’état de l’assuré est consolidé, les soins postérieurs à cette date sont détachables de l’accident initial et l’assuré ne profite plus de la présomption d’imputabilité.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE
Audience publique du vingt-trois novembre deux mille quinze

Composition:  
M. Pierre Calmes, 1er conseiller à la Cour d'appel, président ff.
M. Jean-Luc Putz, juge au tribunal d'arr. de Luxembourg, assesseur-magistrat
Mme Maria Faria Alves, juge au tribunal d'arr. de Luxembourg, assesseur-magistrat
Mme Silvia Cristina Teixeira Gomes, conseiller, Luxembourg, assesseur-employeur
M. Jean-Claude Delleré, délégué permanent, Lannen, assesseur-assuré
Mme Iris Klaren, secrétaire

 

ENTRE:

R., né le ***, demeurant à ***,

appelant,

comparant par Maître Elodie Da Costa, avocat, Esch-sur-Alzette, en remplacement de Maître Daniel Noel, avocat à la Cour, demeurant à Esch-sur-Alzette;

 

ET:

l’Association d’assurance accident, établie à Luxembourg,

représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,

intimée,

comparant par Madame H., attaché, demeurant à Luxembourg.

 

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 4 septembre 2014, R. a relevé appel d’un jugement rendu par le Conseil arbitral de la sécurité sociale le 28 juillet 2014, dans la cause pendante entre lui et l’Association d’assurance accident, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.

Les parties furent convoquées pour l’audience publique du 9 novembre 2015, à laquelle le rapporteur désigné, Madame Maria Faria Alves, fit l’exposé de l’affaire.

Maître Elodie Da Costa, pour l’appelant, conclut en ordre principal à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 28 juillet 2014; en ordre subsidiaire, elle conclut à l’institution d’une expertise médicale.

Madame H., pour l’intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 28 juillet 2014 et s’opposa à l’institution d’une expertise médicale.

Après prise en délibéré de l’affaire le Conseil supérieur rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l’arrêt qui suit:

Saisi d’un recours formé par R. contre la décision du comité-directeur du 23 mai 2013 ayant déclaré non fondée l’opposition formée par le requérant contre la décision présidentielle du 18 octobre 2012 qui a refusé de donner suite à la demande de réouverture du dossier au motif que les lésions en relation causale avec l’accident du travail de l’assuré du 1er décembre 2009 étaient consolidées et que ces lésions ne justifiaient dès lors plus de prestations en nature ni d’indemnités pécuniaires à charge de l’Association d’assurance accident, le Conseil arbitral de la sécurité sociale a, par jugement du 28 juillet 2014, entériné les conclusions du docteur H. qui, chargé d’une mission d’expertise par jugement avant dire droit du 3 février 2014, a considéré que la description du déroulement de l’accident du 1er décembre 2009 donne un traumatisme direct décrit par la chute de l’assuré, qu’un mécanisme de rotation comme raison traumatique n’est pas décrit alors que dans la littérature les seuls mécanismes de traumatisme direct pour une lésion isolée d’un ménisque sont des traumatismes en rotation, que la télémétrie des deux jambes debout réalisée le 7 décembre 2009, donc avant l’intervention du 15 décembre 2009 révèle un genou varum constitutionnel bilatéral, résultant d’un varus de la tête tibiale bilatéral, que l’IRM réalisé en 2010 ne donne aucune trace d’un « bone bruise » post-traumatique alors qu’un « bone bruise » post-traumatique est obligatoire pour une situation post-traumatique qui peut normalement être démontrée 15 à 20 mois après le traumatisme en question, que la lésion du ménisque interne du genou droit constatée après l’accident du travail du 1er décembre 2009 est de nature dégénérative, de sorte que la continuation de la prise en charge du traitement médical et des prestations en nature n’est pas nécessitée du point de vue médical par l’état post-traumatique imputable à l’accident du travail du 1er décembre 2009 et en a conclu que la demande de réouverture du dossier en vue de l’octroi de prestations en nature à charge de l’Association d’assurance accident du chef de l’accident incriminé n’était pas justifiée au titre de la législation concernant les accidents du travail. Les premiers juges ont considéré qu’en l’absence d’autres éléments d’appréciation ou de considérations médicales motivées nouvelles susceptibles de contredire les conclusions claires et cohérentes de l’expert judiciaire, il n’y avait pas lieu de procéder à des investigations médicales supplémentaires.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 4 septembre 2014, R. a régulièrement interjeté appel contre le jugement du 28 juillet 2014.

L’appelant fait valoir que la relation causale entre la lésion et l’accident du travail doit être présumée à défaut de preuve par l’Association d’assurance accident que cette lésion est imputable à une cause étrangère au travail de l’assuré ou qu’elle résulte essentiellement de l’état pathologique antérieur de l’assuré.

Il fait grief au docteur H. d’avoir retenu l’existence d’un état pathologique préexistant en l’absence d’antécédents médicaux.

L’appelant se rapporte aux certificats de ses médecins traitants qui, contrairement à l’expert judiciaire, concluraient à une relation causale entre l’accident et les séquelles dont il souffre actuellement justifiant une réouverture de son dossier, ainsi que la prise en charge des prestations en nature et en espèce y afférentes.

Il conteste encore la consolidation ou la stabilisation de l’état post-traumatique.

L’appelant conclut en ordre principal à la réformation, sinon à l’annulation du jugement entrepris et en ordre subsidiaire, il conclut à l’institution d’une nouvelle expertise médicale.

La partie intimée fait valoir que l’assuré ne bénéficie plus de la présomption d’imputabilité en raison de la manifestation tardive de la lésion et que les certificats versés par l’assuré n’infirment pas les conclusions de l’expert judiciaire.

Elle souligne que les conclusions du docteur H. concordent avec celles du rapport médical du 29 septembre 2011 du docteur B., nommé expert judiciaire par le Conseil arbitral dans le cadre du recours de l’assuré contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 23 septembre 2010.

La partie intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris et s’oppose à une nouvelle expertise.

Le Conseil supérieur rappelle qu’en vertu de la présomption d’imputabilité à l’accident du travail, l’Association d’assurance accident a la charge de la preuve d’une cause exonératoire jusqu’à la consolidation des séquelles de l’assuré. Postérieurement à la consolidation, la charge de la preuve entre le lien causal des soins requis et l’accident appartient à l’assuré.

A partir du moment où l’état de l’assuré est consolidé, les soins postérieurs à cette date sont détachables de l’accident initial et l’assuré ne profite plus de la présomption d’imputabilité.

En l’espèce, l’Association d’assurance accident a constaté par décision du 28 avril 2010, confirmée par une décision du comité-directeur du 23 septembre 2010, que les lésions en relation causale directe avec l’accident du travail du 1er décembre 2009 étaient stabilisées.

Le Conseil arbitral de la sécurité sociale a, par jugement du 5 décembre 2011, déclaré non fondé le recours de l’assuré contre la prédite décision du comité-directeur. L’assuré n’a pas interjeté appel contre ce jugement.

Par conséquent, l’appelant a la charge de la preuve de ce que les soins dont il demande la prise en charge par l’Association d’assurance accident, par le biais de la réouverture du dossier, sont en relation causale avec l’accident du travail.

Le docteur H. a, dans un rapport détaillé et motivé du 17 avril 2014, qui repose sur un examen détaillé de l’assuré et de son dossier médical, retenu que la lésion du ménisque interne du genou droit constatée après l’accident du travail du 1er décembre 2009 est de nature dégénérative et pas de nature post-traumatique et que la continuation du traitement est exclusivement en relation avec le genou varum bilatéral constitutionnel de même que la gonarthrose droite.

R. verse deux fiches d’examen médical du Service de Santé au Travail de l’Industrie asbl du 10 juillet 2012 et du 3 juillet 2013, un avis médical du docteur K., médecin spécialiste en rhumatologie, du 24 janvier 2012 et un certificat du docteur L., médecin généraliste, du 14 mai 2014.

Le docteur L. se contente de retenir l’existence de blocages, douleurs et troubles fonctionnels liés à une pathologie du genou droit de l’assuré justifiant une IPP de 15% sans se prononcer sur le lien de causalité entre ladite pathologie et l’accident du travail du 1er décembre 2009.

Le seul certificat récent versé par l’assuré ne contient partant aucune contestation circonstanciée des conclusions de l’expert judiciaire.

Les fiches d’examen médical du 10 juillet 2012 et du 3 juillet 2013 ne mettent pas en évidence un lien de causalité entre les réserves y émises quant au port de charges lourdes et au travail à genoux et l’accident du travail de l’assuré du 1er décembre 2009.

L’appelant a consulté le docteur K. pour examen et avis au sujet des suites de son accident de travail.

Dans son avis du 24 janvier 2012, le docteur K. retient que « rien ne permet d’infirmer l’origine traumatique des lésions en question » et qu’« une violente contusion du genou fléchi contre une marche d’escalier est parfaitement susceptible de provoquer une telle lésion méniscale surtout en cas de torsion associée de la jambe comme cela a pu être le cas et ce que rien ne permet d’exclure a postériori. Outre la lésion méniscale proprement dite, rien ne permet d’exclure non plus une origine traumatique directe de la chondropathie fémoro-tibiale par un tel choc direct ».

Le docteur K. se base partant sur de simples hypothèses pour arriver à la conclusion que l’origine traumatique des lésions ne saurait être exclue mais son avis ne permet pas d’établir cette origine traumatique. Il recommande d’ailleurs le recours à un expert compétent en traumatologie-orthopédie pour trancher le litige.

Cet avis n’est partant pas de nature à infirmer les conclusions de l’expert judiciaire qui est spécialisé en orthopédie, chirurgie orthopédique et traumatologie.

Les pièces versées par l’assuré sont dès lors insuffisantes en droit pour retenir une relation causale entre l’accident du travail et les soins requis par l’assuré et ne sont pas de nature à contredire les considérations médicales motivées et cohérentes de l’expert judicaire.

Dans ces circonstances, il n’y a pas non plus lieu d’instituer une nouvelle expertise.

Dès lors, l’appel est à déclarer non fondé et il y a lieu de confirmer la décision entreprise.

 

Par ces motifs,

le Conseil supérieur de la sécurité sociale,

statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l’assesseur-magistrat délégué et les conclusions des parties à l’audience,

reçoit l’appel en la forme,

le déclare non fondé,

partant,

confirme le jugement entrepris.

La lecture du présent arrêt a été faite à l’audience publique du 23 novembre 2015 par le Président du siège, Monsieur Pierre Calmes, en présence de Madame Iris Klaren, secrétaire.

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