CSSS 26.02.2015

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Taux d'incapacité
Mot(s) clef(s)
Révision de la rente viagère  | Incapacités multiples  | Règle de Balthazard

Référence

  • CSSS-26.02.2015
  • No. du reg.: G 2014/0007
  • No.: 2015/0037

Base légale

  • Art. 11 et 119-CSS

Sommaire

En cas d’incapacités multiples il n’y a pas lieu d’ajouter simplement les différents taux d’IPP retenus pour chaque lésion séparée, ce qui conduirait à des taux d’incapacité surfaits, mais il y a lieu de procéder par une évaluation globale de toutes les infirmités en un seul taux ou d’appliquer la règle de Balthazard qui tient davantage compte de la capacité de travail restant réelle.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE
Audience publique du vingt-six février deux mille quinze

Composition:  
Mme Mireille Hartmann, 1er conseiller à la Cour d'appel, président ff.
Mme Carole Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Anne-Françoise Gremling, juge de paix à Luxembourg, assesseur-magistrat
M. Marc Kieffer, conseiller juridique, Remerschen, assesseur-employeur
M. Jean-Claude Delleré, délégué permanent, Lannen, assesseur-assuré
Mme Iris Klaren, secrétaire

ENTRE:

M., né le ***, demeurant à ***,

appelant,

comparant par Maître Pauline Walter, avocat à la Cour, Luxembourg, en remplacement de Maître Eyal Grumberg, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg;

 

ET:

l’Association d’assurance accident, établie à Luxembourg,

représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,

intimée,

comparant par Madame H., attaché de direction, demeurant à Luxembourg.

 

Par courrier entré au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 10 janvier 2014, M. a relevé appel d’un jugement rendu par le Conseil arbitral de la sécurité sociale le 2 décembre 2013, dans la cause pendante entre lui et l’Association d’assurance accident, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, quant à la forme déclare le recours recevable; rejette la demande en institution d’une expertise médicale; déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.

Les parties furent convoquées pour l’audience publique du 22 janvier 2015, à laquelle Madame Mireille Hartmann, président ff., fit le rapport oral.

Maître Pauline Walter, pour l’appelant, conclut en ordre principal à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 2 décembre 2013; en ordre subsidiaire, elle conclut à l’institution d’une nouvelle expertise médicale.

Madame H., pour l’intimée, conclut en ordre principal à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 2 décembre 2013; en ordre subsidiaire, elle se rapporta à prudence de justice quant à l’institution d’une nouvelle expertise médicale.

Après prise en délibéré de l’affaire le Conseil supérieur rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l’arrêt qui suit:

Suivant décision présidentielle du 26 janvier 2009, une rente viagère de 18% a été accordée à M. du chef d’un accident du travail dont l’assuré a été victime le 20 juin 2005.

Par décision du 29 novembre 2012, le comité directeur de l’Association d’assurance accident (ci-après: l’AAA) a confirmé la décision présidentielle du 28 juin 2012 ayant rejeté la demande de M. du 24 juin 2011 tendant à une majoration de cette rente sur base d’un rapport du docteur C. établi le 31 janvier 2011 au motif que la condition d’aggravation durable de l’incapacité de travail de 10% prévue à l’article 149, alinéa 3 du Code de sécurité sociale dans sa teneur d’avant la loi du 12 mai 2010, n’est pas remplie.

Suite au recours introduit le 27 décembre 2012 par M. contre cette décision, le Conseil arbitral de la sécurité sociale a, par décision du 2 décembre 2013, déclaré le recours non fondé et confirmé la décision du comité directeur de l’AAA, sans faire droit à la demande en institution d’une expertise médicale formulée en ordre subsidiaire par le requérant.

Pour ce faire, le Conseil arbitral de la sécurité sociale a retenu que le recours n’est pas appuyé par des considérations médicales motivées nouvelles de nature à mettre en doute les avis du médecin-conseil du Contrôle médical de la sécurité sociale et de nature à établir que la condition légale d’aggravation de l’incapacité de travail de 10% au moins, en relation avec l’accident du travail et par rapport aux conditions qui se trouvaient à la base de la fixation de la rente viagère de 18% accordée par décision du 26 janvier 2009, se trouve remplie à la date de la demande, soit en date du 24 juin 2011.

De ce jugement, remis à la poste pour notification le 6 décembre 2013, M. a régulièrement relevé appel par courrier entré au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 10 janvier 2014.

Par réformation du jugement entrepris, l’appelant demande à se voir attribuer une IPP supérieure à 27%, sinon à se voir soumettre à une nouvelle expertise médicale.

Il reproche aux juges de première instance de n’avoir pas pris en considération la dégradation de son état de santé depuis l’attribution de la rente en 2009. A l’appui de son recours il se réfère au rapport du docteur C. du 31 janvier 2011 qui fait état de troubles psychologiques aggravés et qui évalue son taux d’IPP à 40%.

Il conteste par ailleurs l’application de la formule de Balthazard par référence à l’article 3.3.2 du règlement du 24 juin 2013 déterminant le barème médical applicable à l’assurance accident.

Au vu de l’écart important entre les conclusions du docteur C., expert médical auprès de la Cour d’appel de Metz et des avis des médecins-experts auxquels se sont référés tant l’AAA que les juges de première instance, l’appelant conclut, en ordre subsidiaire, à l’institution d’une nouvelle expertise.

L’AAA conclut à la confirmation du jugement entrepris au vu des expertises précises et exhaustives figurant au dossier. En ordre subsidiaire elle se rapporte à prudence de justice quant à l’institution d’une nouvelle expertise.

Suivant l’article 149, alinéa 3 du code de la sécurité sociale dans sa teneur d’avant la loi du 12 mai 2010 portant réforme de l’assurance accident une rente viagère ne peut être modifiée qu’en cas d’aggravation durable de l’incapacité de travail de 10% au moins.

Il résulte des éléments du dossier que dans un premier temps une IPT de 27% a été allouée à M. pour l’ensemble des séquelles en relation avec l’accident du travail dont il a été victime.

Après la consolidation des séquelles, fixée au 23 janvier 2009, une IPP globale de 18%, calculée suivant la formule de Balthazard et prenant en compte tant le volet orthopédique que les volets neurologique et psychiatrique, a été accordée à Xavier MERRA par décision présidentielle du 26 janvier 2009.

Cette décision a été prise sur base d’un rapport du docteur B. du 5 août 2008 qui a conclu à l’absence de séquelles neurologiques proprement dites, d’un avis médical de l’Administration du Contrôle médical de la sécurité sociale concluant à une IPP de 3% pour le volet orthopédique et d’un rapport médical du docteur H. du 11 janvier 2009 qui a constaté des « fortbestehende diffuse somatische und vegetative Beschwerden » et « ein chronifiziertes posttraumatisches Stresssyndrom noch leichten Grades mit Fixierung » et a évalué l’IPP des séquelles psychiatriques à 15%.

La décision du 26 janvier 2009, contestée par M., a été confirmée le 4 juin 2009 par le comité directeur de l’AAA, le 6 janvier 2010 par le Conseil arbitral de la sécurité sociale et le 18 février 2011 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale.

Suite à la demande de M. en révision du taux de la rente viagère datée au 24 juin 2011, de nouvelles expertises ont été demandées par le Contrôle médical de la sécurité sociale. Dans son expertise du 12 février 2012, le docteur B., neurologue, a confirmé l’absence de séquelles neurologiques en relation causale avec l’accident du travail. Le docteur H., chargé du réexamen psychiatrique de l’appelant, a, par contre, constaté une aggravation du syndrome de stress-posttraumatique « chronifiziertes posttraumatisches Stresssyndrom (Anpassungsstörung ICD-10 F43.2) mit Aggravation, jetzt mittleren Ausmasses, mit Fixierung » et a conclu à une IPP de 20% pour les séquelles psychiatriques.

Le docteur C., médecin-conseil de l’Administration du Contrôle médical de la sécurité sociale a relevé, de son côté, lors du réexamen clinique de l’intéressé, de légères séquelles fonctionnelles de la mobilité active d’antéflexion comme de rotation et d’inclinaison D de la colonne cervicale. Il a porté en conséquence à l’aggravation constatée le taux d’IPP relatif à l’état clinique orthopédique de 2 à 5%.

C’est dès lors à bon droit que le Conseil arbitral de la sécurité sociale a pu retenir que le recours de M. ne se trouve pas appuyé par une considération médicale motivée nouvelle de nature à mettre en doute les conclusions du médecin-conseil du Contrôle médical de la sécurité sociale qui, sur base des examens explicites précités, ayant pris en compte toutes les plaintes de l’appelant, a évalué le taux de l’IPP à 24% par application de la formule de Balthazard.

En effet, conformément aux conclusions de l’AAA, il y a lieu de retenir que le règlement grand-ducal du 10 juin 2013, qui a défini un nouveau barème médical applicable à l’assurance accident fondée sur une approche plus fonctionnelle de l’appréciation du taux d’IPP, est postérieur à l’accident du travail du 20 juin 2005 et à la demande en révision litigieuse. Il n’est par conséquent pas applicable en l’espèce.

Il s’ensuit que la règle de Balthazard a valablement pu être utilisée pour calculer l’incapacité globale résultant des différentes lésions. En effet, en cas d’incapacités multiples il n’y a pas lieu d’ajouter simplement les différents taux d’IPP retenus pour chaque lésion séparée, comme le semble préconiser l’appelant, ce qui conduirait à des taux d’incapacité surfaits, mais il y a lieu de procéder par une évaluation globale de toutes les infirmités en un seul taux ou d’appliquer la règle de Balthazard qui tient davantage compte de la capacité de travail restante réelle.

A titre superfétatoire, le Conseil supérieur de la sécurité sociale relève que même en additionnant les taux d’incapacité retenus pour les différentes incapacités, soit 20 + 5 = 25%, l’aggravation constatée est toujours inférieure au taux de 10% nécessaire pour permettre une révision de la rente.

Le Conseil arbitral de la sécurité sociale est encore à confirmer en ce qu’il a refusé l’institution d’une nouvelle expertise médicale en l’absence d’éléments probants de nature à justifier la demande subsidiaire.

Le recours est donc à déclarer non fondé.

 

Par ces motifs,

le Conseil supérieur de la sécurité sociale,

statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président-magistrat,

reçoit l’appel,

le dit non fondé,

confirme le jugement du Conseil arbitral de la sécurité social du 2 décembre 2013.

La lecture du présent arrêt a été faite à l’audience publique du 26 février 2015 par l’assesseur-magistrat, Madame Carole Kerschen, déléguée à cette fin, en présence de Madame Iris Klaren, secrétaire.

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