CSSS 22.01.2016

Thème(s)
Prestations
Domaine(s)
Taux d'incapacité
Mot(s) clef(s)
Limitation des prestations  | Consolidation des lésions  | Définition  | Indemnisation du préjudice  | Ancien régime  | Taux rente viagère

Référence

  • CSSS-22.01.2016
  • No. du reg.: G 2013/0063 et G 2013/0066
  • No.: 2016/0021

Base légale

  • Art. 118 et 119-CSS

Sommaire

Un assuré conteste la limitation de son dossier accident ainsi que le taux de la rente viagère allouée.

Les juges confirment la décision de l’AAA en retenant que la consolidation est un terme technique qui signifie qu’à un moment donné, le médecin qui suit l’état de santé de l’assuré considère que sa maladie ou que ses blessures sont devenues définitives. Autrement dit, la guérison complète est impossible selon le médecin. Les blessures sont stabilisées et n’évoluent plus.


Le préjudice dont l’assuré est indemnisé postérieurement à la consolidation comporte les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie, les troubles dont souffre la victime dans ses conditions personnelles d’existence sur les plans familial, social et personnel.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE
Audience publique du vingt-deux janvier deux mille seize

Composition:  
Mme Odette Pauly, 1er conseiller à la Cour d'appel, président ff.
M. Jean Engels, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Jean-Claude Wirth, juge au tribunal d'arr. de Diekirch, assesseur-magistrat
M. Michel Foehr, attaché juridique, Luxembourg, assesseur-employeur
Mme Corinne Ludes, déléguée permanente, Dudelange, assesseur-assuré
M. Francesco Spagnolo, secrétaire
 

I) Affaire G 2013/0063

ENTRE:

l’Association d’assurance accident, établie à Luxembourg,

représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,

appelante,

comparant par Madame B., employée, demeurant à Luxembourg;

 

ET:

 

M., né le ***, demeurant à ***,

intimé,

comparant par Maître Pierrot Schiltz, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.

 

 

II) Affaire G 2013/0066

ENTRE:

M., né le ***, demeurant à ***,

appelant,

comparant par Maître Pierrot Schiltz, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg;

 

ET:

 

l’Association d’assurance accident, établie à Luxembourg,

représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,

intimée,

comparant par Madame B., employée, demeurant à Luxembourg.

 

Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 11 avril 2013 et enregistrée sous le numéro G 2013/0063, l’Association d’assurance accident a relevé appel d’un jugement rendu par le Conseil arbitral de la sécurité sociale le 25 février 2013, dans la cause pendante entre elle et M., et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours non fondé pour autant qu’il tend à l’application d’un taux de rente viager supérieur à 6% en indemnisation de l’incapacité partielle permanente en relation avec l’accident du travail du 8 août 2008; dit que le requérant a droit à la prise en charge par l’Association d’assurance accident de la prolongation du traitement médical et des prestations en nature et qu’il a droit à l’indemnisation à charge de l’Association d’assurance au-delà du 30 juin 2011.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 18 avril 2013 et enregistrée sous le numéro G 2013/0066, M. a interjeté appel contre le même jugement.

Les parties furent convoquées pour les audiences publiques des 6 février 2014, 9 janvier 2015, 3 avril 2015 et 8 janvier 2016.

A l’audience du 8 janvier 2016 Madame Odette Pauly, présidente ff., fit le rapport oral.

Madame B., pour la partie Association d’assurance accident, conclut à la réformation partielle du jugement du Conseil arbitral du 25 février 2013 et au rétablissement de la décision du 17 mars 2011 du comité directeur de l’Association d’assurance accident.

Maître Pierrot Schiltz, pour la partie M., conclut à l’octroi d’un taux de rente viagère supérieur à 6%.

Après prise en délibéré de l’affaire le Conseil supérieur rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l’arrêt qui suit:

 

Le 8 août 2008, M., né le 19 novembre 1948, a été victime d’un accident de trajet, la voiture par lui conduite a heurté le mur de protection du côté gauche de la route et il a subi une entorse cervicale et des contusions au crâne.

Le 30 avril 2009 une demande de rente accident pour indemnisation d’une incapacité partielle permanente est présentée par l’assuré.

Par décision du président de l’Association d’assurance accident (ci-après AAA) du 28 octobre 2009, une rente viagère de 3% lui est allouée à partir du 1er septembre 2008. Suite à l’opposition de l’assuré en date du 1er décembre 2009, le comité directeur de l’AAA a, par décision du 17 mars 2011, déclaré l’opposition fondée, et a réformé la décision présidentielle en allouant à l’assuré une rente viagère de 6% tenant compte d’un état pathologique antérieur et a limité la prise en charge des indemnités pécuniaires et des prestations en nature par l’AAA à la date du 30 juin 2011.

Par requête déposée le 2 mai 2011 au secrétariat du Conseil arbitral de la sécurité sociale, l’assuré a demandé par réformation de la susdite décision à se voir allouer un taux de rente viager plus élevé et la continuation de la prise en charge du traitement médical et des prestations en nature.

Par jugement du Conseil arbitral du 30 janvier 2012, le docteur M. a été nommé expert avec la mission de dire 1) si les séquelles fonctionnelles résiduelles de l’accident du travail du 8 août 2008 sont consolidées et en cas de consolidation de l’état post-traumatique, de se prononcer sur le taux partiel de la réduction définitive de la capacité ouvrière en relation avec les séquelles de l’accident en question, 2) si la continuation au-delà du 30 juin 2011 de la prise en charge du traitement et des prestations en nature est nécessitée du point de vue médical par l’état post-traumatique imputable à l’accident du travail ou si au contraire cette continuation est exclusivement en relation avec une pathologique indépendante de cet accident.

Le 24 mai 2012 le docteur M. a déposé son rapport.

Par jugement du 25 février 2013, le Conseil arbitral de la sécurité sociale a déclaré le recours non fondé pour autant qu’il tend à l’application d’un taux de rente viager supérieur à 6% en indemnisation de l’incapacité partielle permanente en relation avec l’accident du travail du 8 août 2008 et a dit que l’assuré a droit à la prise en charge par l’AAA de la prolongation du traitement médical et des prestations en nature au-delà du 30 juin 2011.

Par requête entrée 11 avril 2013 au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale, l’AAA a régulièrement interjeté appel limité contre ce jugement pour autant qu’il a fait droit à la demande de prise en charge du traitement médical en nature au-delà du 30 juin 2011.

Par requête déposée 18 avril 2013 au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale, M. a fait régulièrement interjeter appel contre ce jugement n’ayant pas accédé à la demande de l’assuré de lui accorder un taux de rente viager supérieur à 6% en indemnisation de l’incapacité partielle permanente en relation avec l’accident du travail du 8 août 2008.

L’assuré demande à se voir accorder un taux de rente viager de 15% ou tout autre taux même supérieur à confirmer par un nouvel expert, il demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à une prise en charge au-delà du 30 juin 2011.  

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre ces deux requêtes afin d’y statuer par un seul et même arrêt.

Quant à la prise en charge

La partie appelante AAA fait valoir que le jugement entrepris fait une lecture erronée du rapport d’expertise M. et méconnaît le principe de la consolidation et les dispositions de l’ancien article 19 du règlement grand-ducal du 24 novembre 2005 déterminant la procédure de déclaration des accidents et d’attribution des prestations de l’assurance accident.

L’AAA expose qu’il résulte de l’expertise M. que les suites de l’accident sont à considérer comme étant consolidées au 30 juin 2011, que les lésions ophtalmologiques ne justifient plus de prestations en nature, que tant le Contrôle médical que les docteurs B., G. et M. considèrent l’état de l’assuré comme consolidé, que ce dernier n’établit pas de nécessiter des traitements, que les traitements relatives à la spondylose cervicale sont sans relation avec l’accident de trajet, que les conclusions de l’expert méconnaissent le principe de la consolidation, de sorte que la fin de la prise en charge reste fixée à la date du 30 juin 2011.

Les soins dont l’assuré demande la prise en charge par l’AAA dans le cadre de l’accident de trajet sont des séances de kinésithérapie de rééducation du rachis cervical.

Il résulte du rapport médical du 16 septembre 2008 du docteur D., médecin spécialiste en orthopédie, dans le cadre de la déclaration d’accident de trajet que l’assuré souffre d’un état pathologique préexistant, en l’occurrence d’une spondylose (arthrose) cervicale.

L’expertise du docteur B. retient que lors de l’examen à la polyclinique les radiographies de la colonne cervicale de l’assuré réalisées en post-traumatique immédiat n’ont pas mis en évidence d’éventuelles lésions traumatiques. Ce n’est qu’en tenant compte des plaintes de l’assuré, que l’expert conclut à une suspicion d’entorse cervicale avec persistance d’un minime syndrome cervicalgique sans aucune répercussion neurologique, il évalue l’IPP du point de vue neurologique à 2%.

Sur base de ces données et suite à un examen de l’assuré, le médecin-conseil du Contrôle médical retient une aggravation durable d’un état pathologique dégénératif préexistant du rachis cervical.

Dans son rapport, le docteur G., ophtalmologue, ne retient pas d’anomalie notable à l’examen direct. Il constate que les séquelles de l’accident sont uniquement fonctionnelles et se traduisent par un trouble du champ visuel à droite, qu’il s’agit d’un déficit plutôt diffus et il conclut à une IPP de 3%.

L’expert M. commis par la juridiction de première instance écrit que la continuation au-delà du 30 juin 2011 de la prise en charge du traitement et des prestations en nature est justifiée du point de vue médical par l’état post-traumatique imputable à l’accident de circulation, tout en reconnaissant que les troubles orthopédiques et otologiques sont consolidées au 30 juin 2011 et que la prise en charge des troubles ophtalmologiques n’incombent pas à l’AAA.

Eu égard aux différentes plaintes de l’assuré, il aurait incombé à l’expert de préciser les soins devant rester à charge de l’AAA.

L’AAA soulève que l’assuré reste en défaut de prouver que les lésions en relation directe avec l’accident du travail ne sont pas consolidées ou qu’il nécessite encore des traitements de nature à éviter une aggravation des séquelles imputables à l’accident en cause.

La consolidation est un terme technique qui signifie qu’à un moment donné, le médecin qui suit l’état de santé de l’assuré considère que sa maladie ou que ses blessures sont devenues définitives. Autrement dit, la guérison complète est impossible selon le médecin. Les blessures sont stabilisées et n’évoluent plus.

Le préjudice dont l’assuré est indemnisé postérieurement à la consolidation comporte les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie, les troubles dont souffre la victime dans ses conditions personnelles d’existence sur les plans familial, social et personnel.

En l’occurrence, l’assuré reste en défaut d’établir que les soins dont il demande la prise en charge, en l’occurrence des soins relatifs au rachis cervical, sont en relation directe avec l’accident du trajet.

En effet, aucun des spécialistes consultés ne retient des séquelles fonctionnelles proprement dites en relation directe avec l’accident et le syndrome cervicalgique est qualifié de minime en 2009 par le docteur B., de sorte qu’en considération de l’état pathologique préexistant de l’assuré, il y a lieu de dire que ce dernier ne prouve pas que les soins dont il demande actuellement la prise en charge seraient en relation causale directe avec l’accident de trajet.

Partant, l’appel de l’AAA est à déclarer fondé et le jugement entrepris est à reformer partiellement en disant que la demande de prise en charge au-delà de la date du 30 juin 2011 est à rejeter et ce conformément à la décision du comité directeur de l’AAA du 17 mars 2011.

Quant au taux d’IPP en relation avec les séquelles de l’accident

Le représentant de l’assuré se rapporte à l’expertise extrajudiciaire du docteur K. dont il résulte que M. souffre d’une raideur cervicale droite chiffrée à un taux d’IPP de 2% et d’un déficit visuel inhomogène temporal droit chiffré à un taux d’IPP de 3%. L’expertise psychiatrique retient un léger état dépressif suite à l’accident et au changement de vie de l’assuré évaluée à un taux d’IPP de 3%, soit au total un taux d’IPP de 8%.

L’assuré renvoie encore au certificat du docteur G. disant que le handicap psychique dépasse 15%.

L’AAA conteste que les troubles de vue retenus soient en relation causale avec l’accident de trajet, étant donné qu’il résulte de l’expertise du docteur M. que l’atteinte à la vue n’est pas en relation causale directe avec l’accident et de l’expertise du docteur K. notant que l’IRM permet d’exclure toute lésion organique post-traumatique, de sorte qu’il y aurait lieu de retrancher les 3% de l’expertise produite.

En l’occurrence, l’expert M. note dans son rapport que l’atteinte de la vue n’est pas en relation causale directe avec l’accident, mais peut néanmoins être considérée comme facteur aggravant.

Aucun des experts consultés antérieurement au rapport unilatéral du docteur K. ne retient un état dépressif de l’assuré en relation causale directe avec l’accident. Les différents spécialistes retiennent la possibilité d’une détérioration mentale organique débutante (cf. docteur F. 26.01.2011) ou d’un léger déficit au niveau du rappel (cf. P. 21.2.2011). Ce n’est qu’en 2014, soit six ans après les faits, que le docteur G. conclut qu’« on peut retenir suite à l’accident et suite au changement de vie que cela a entraîné, un léger état dépressif qui peut être évalué du point de vue psychiatrique à 3% ».

En considération de ce qu’aucun des autres spécialistes consultés par l’assuré avant la consolidation n’a retenu une relation causale directe entre la légère dépression dont souffre l’assuré et l’accident de la circulation et que partant aucune incapacité de travail partielle n’a été retenue de ce fait, il y a lieu de faire abstraction de la conclusion du docteur G. et de confirmer la décision de la juridiction de première instance ayant déclaré non fondé le recours tendant à l’application d’un taux de rente viager supérieur à 6% en indemnisation de l’incapacité partielle permanente en relation avec l’accident du travail du 8 août 2008. En considération de ce développement l’appel de M. est à déclarer non fondé.

 

Par ces motifs,

le Conseil supérieur de la sécurité sociale,

statuant sur le rapport oral de son président-magistrat et contradictoirement entre parties,

reçoit les appels en la forme,

les joint pour y statuer par un seul et même arrêt,

déclare l’appel de M. non fondé,

déclare l’appel de l’Association d’assurance accident fondé,

réforme partiellement le jugement du 25 février 2013,

dit que la demande de prise en charge de M. au-delà de la date du 30 juin 2011 est à rejeter ce conformément à la décision du comité directeur de l’Association d’assurance accident du 17 mars 2011.

La lecture du présent arrêt a été faite à l’audience publique du 22 janvier 2016 par la Présidente du siège, Madame Odette Pauly, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.

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