GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
No. du reg.: GE 2005/0024 No.: 2005/0188
CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
Audience publique du neuf novembre deux mille cinq
Composition: | |
Mme. Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, | président |
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Camille Hoffmann, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme Gaby Frantzen-Heger, fonctionnaire CEE, Vianden, | assesseur-employeur |
M. Laurent Deville, fonctionnaire communal, Frisange, | assesseur-salarié |
M. Francesco Spagnolo, | secrétaire |
ENTRE:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
appelante,
comparant par Madame Linda Schumacher, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;
ET:
L. , née le ..., demeurant à ..., intimée, comparant en personne.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 2 février 2005, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 5 janvier 2005, dans la cause pendante entre elle et L. , et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral des assurances sociales, statuant contradictoirement et en premier ressort; réformant, dit que l'accident dont la requérante a été victime le 24 juin 2004 est à reconnaître comme accident du travail au sens de la loi; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 19 octobre 2005, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Camille Hoffmann, fit l'exposé de l'affaire.
Madame Linda Schumacher, pour l'appelante, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 5 janvier 2005 et au rétablissement de la décision du comité-directeur du 30 septembre 2004.
Madame L. conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 5 janvier 2005.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
L'assurée L. avait le 24 juin 2004, vers 21.40 heures, en voulant sortir à reculons de son emplacement au parking souterrain du Conservatoire de Musique de Luxembourg, accroché un poteau en béton avec l'aile avant gauche de sa voiture. Le 28 juin 2004 le docteur M.-Josée WIRTGEN-BESCH avait constaté une entorse cervicale sans névralgie. Dans un certificat médical délivré le 26 juillet 2004, le médecin traitant affirme la possibilité d'un lien causal entre l'accrochage et l'entorse cervicale étant donné que l'assurée avait la tête en rotation latérale, c'est-à-dire regardait en arrière lors de l'accident.
Suivant décision présidentielle du 21 juillet 2004, maintenue par décision de son comité-directeur du 30 septembre 2004, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a refusé la prise en charge de l'accident au motif que l'accrochage tel que décrit n'a pas pu causer la lésion dont fait état l'assurée.
Sur recours de L., le Conseil arbitral des assurances sociales a, par jugement du 5 janvier 2005, dit que l'accident du 24 juin 2004 est à reconnaître comme accident du travail et a renvoyé l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations dues.
Pour décider ainsi, le Conseil arbitral des assurances sociales a constaté que la décision administrative n'est pas basée sur un avis du Contrôle médical de la sécurité sociale et que la lésion ainsi que la relation causale avec l'accident sont suffisamment établies par le certificat médical du médecin traitant.
L'Association d'assurance contre les accidents a relevé appel de ce jugement par requête déposée le 2 février 2005 au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales pour entendre dire, par réformation du jugement entrepris, qu'elle n'a pas à prendre en charge le préjudice causé par l'accident en cause et que la décision de refus de la commission des rentes du 30 septembre 2004 est à rétablir.
L'appelante fait valoir qu'aucune disposition légale ne l'oblige à requérir de façon générale l'avis préalable du Contrôle médical de la sécurité sociale et notamment dans des affaires où il s'agit d'apprécier, comme en l'espèce, si un incident de circulation banal est susceptible de causer les lésions alléguées par la victime; qu'en l'occurrence, l'assurée avait, par inattention, en sortant à reculons de son emplacement de stationnement dans le parking souterrain du Conservatoire, frôlé un poteau en béton avec l'aile avant gauche de sa voiture; qu'il n'y avait pas eu de choc véritable contre un obstacle entraînant une décélération brutale; qu'en outre lorsqu'elle manoeuvrait pour quitter l'emplacement de parking, la vitesse de la voiture était minime; que le préjudice matériel dont l'intimée demande la prise en charge se réduit au remplacement de l'aile avant gauche de la voiture, du clignoteur latéral et à de petits travaux de carrosserie et de peinture; qu'au vu des éléments matériels acquis en cause, le médecin-conseil du Conseil arbitral des assurances sociales avait formellement exclu que l'accrochage eût pu causer une entorse cervicale.
Si selon l'article 341, alinéa 3 du code des assurances sociales les avis du Contrôle médical de la sécurité sociale à caractère médical et à portée individuelle s'imposent aux institutions et administrations concernées, aucun texte de loi ne rend obligatoire la saisine du Contrôle médical avant toute décision administrative. Une décision administrative ne doit pas nécessairement s'appuyer sur un avis médical surtout si, comme c'est le cas en l'occurrence, le fonctionnaire en charge du dossier apprécie essentiellement si un incident banal de la circulation avait comporté une décélération brutale de nature à causer l'entorse cervicale alléguée par l'assurée. La question à toiser n'ayant pas été essentiellement médicale, la saisine du Contrôle médical de la sécurité sociale n'était pas requise.
Aux termes de l'article 97 du code des assurances sociales, l'assuré a droit à la réparation du préjudice résultant d'une maladie professionnelle ou d'une blessure subie lors d'un accident de travail ou de trajet. L'article 110 du même code étend la réparation aux dégâts matériels auxquels peut avoir donné lieu l'accident. Il faut donc pour qu'il y ait prise en charge que l'assuré social ait subi une blessure suite à l'accident.
D'une façon générale le terme de « blessure» employé par l'article 97 du code des assurances sociales se définit comme étant une lésion de l'organisme produit par notamment un choc ou un coup, la lésion quant à elle étant une modification de la structure d'un tissu ou d'un organe sous l'influence d'une cause morbide.
Suivant la déclaration d'accident du travail, l'incident en question s'était produit le 24 juin 2004. Le 28 juin 2004, le médecin traitant, le docteur Marie-Josée WIRTGEN-BESCH avait constaté une entorse cervicale sans névralgie. Aucune radiographie n'a été ordonnée. L. n'a pas été déclarée malade.
Il est établi par la description des faits que l'assurée avait, en voulant sortir à reculons d'un emplacement de parking sis au garage souterrain du Conservatoire de Musique à Luxembourg, donné avec l'aile avant gauche de sa voiture contre un poteau en béton, planté sur son côté gauche. Une photographie de la voiture versée en cause confirme que l'aile avant gauche avait été éraflée et enfoncée au-dessus de la roue. Au moment du heurt la voiture, qui venait de démarrer et avait effectué un mouvement en arrière d'environ deux mètres, n'avait aucune vitesse notable. L'appelante relève à juste titre que le mouvement de la voiture avait été trop lent pour que l'accrochage à son flanc gauche eût pu produire un véritable choc ou une décélération brutale déclenchant pu mouvement brusque et incontrôlé de l'axe cervical de la conductrice de nature à expliquer l'apparition d'une lésion tendino-musculaire.
Le médecin-conseil du Conseil arbitral des assurances sociales est formel pour conclure qu'en l'espèce aucune des conditions biodynamiques et physiologiques pouvant expliquer le prétendu syndrome cervical n'est donnée; que le déroulement de l'accrochage n'a en aucun cas pu causer une telle lésion.
Les éléments de fait acquis en cause relatifs au déroulement de l'incident ainsi que les conclusions du médecin-conseil démontrent que la lésion dont l'intimée fait état ne peut avoir été causée par le contact entre la voiture et le poteau.
L. ne peut dès lors prétendre à une prise en charge des dégâts à sa voiture par l'Association d'assurance contre les accidents.
L'appel est à déclarer fondé.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué,
déclare l'appel recevable et fondé,
REFORMANT:
dit que l'incident dont L. a été victime le 24 juin 2004 ne constitue pas un accident de trajet indemnisable,
rétablit la décision de refus du comité-directeur de i' Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 30 septembre 2004.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 9 novembre 2005 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président, Le Secrétaire,
signé: Conzémius signé: Spagnolo