GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale
Audience publique du dix novembre deux mille quinze
Composition: | |
M. Paul Capésius, | président du siège, |
M. Romain Lallemang, | assesseur-employeur, |
M. Guy Fettes, | assesseur-assuré, |
ces deux derniers dûment assermentés; | |
M. Jean-Paul Sinner, | secrétaire |
Entre:
P., née le ***, demeurant à *** ;
demanderesse,
comparant en personne ;
Et:
l’Association d’assurance accident, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Claude SEYWERT, demeurant à Luxembourg ;
défenderesse,
comparant par Monsieur F., inspecteur principal Ier en rang, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite ;
Par requête déposée au siège du Conseil arbitral de la Sécurité Sociale le 15 décembre 2014 et enregistrée sous le numéro de registre G 622/14, la requérante forma recours contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 27 novembre 2014.
Par requête déposée à l’Association d’assurance accident, transmise à titre de compétence au siège du Conseil arbitral de la Sécurité Sociale le 19 décembre 2014 et enregistrée sous le numéro de registre G 645/14, la requérante forma recours contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 27 novembre 2014.
Par lettres recommandées à la poste en date du 11 septembre 2015, les parties furent convoquées pour l’audience publique du 13 octobre 2015 à laquelle la requérante comparut en personne.
La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur F., pré-qualifié.
Le président du siège ouvrit les débats par un exposé des affaires.
Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.
La requérante conclut à la réformation de la décision attaquée.
La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.
Après prise en délibéré des affaires, le Conseil arbitral de la Sécurité Sociale rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit :
Vu les recours formés par l’assurée P. contre la décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 27 novembre 2014 ayant déclaré irrecevable pour cause de tardiveté l’opposition introduite le 26 août 2014 contre la décision présidentielle du 03 juillet 2014 ayant, en application de l’article 126 du Code de la sécurité sociale, limité au 03 juillet 2014 l’indemnisation à charge de l’Association d’assurance étant donné qu’il résulte d’un avis du médecin-conseil du Contrôle médical de la sécurité sociale du 30 juin 2014 que les suites de l’accident du travail dont l’assurée fut victime le 12 février 2014 ne justifient plus de prestations en nature et en espèces ;
Attendu que les recours sont recevables pour avoir été présentés dans les formes et délai prévus par la loi et qu’il y a lieu, pour cause de connexité, à jonction des instances introduites par les recours ;
Attendu que le comité-directeur a déclaré l’opposition irrecevable au motif qu’elle a été introduite tardivement, en dehors du délai de 40 jours de la notification, tel que ce délai est prévu à l’article 146, alinéa 1er du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que le prédit article 146, alinéa 1er dispose que :
« Toute question à portée individuelle à l’égard d’un assuré en matière de prestations, d’amendes d’ordre, de classement dans une classe de risque et de diminution ou de majoration du taux de cotisation conformément à l’article 158 peut faire l’objet d’une décision du président de l’Association d’assurance accident ou de son délégué et doit le faire à la demande de l’assuré ou de l’employeur.
Cette décision est acquise à défaut d’une opposition écrite formée par l’intéressé dans les quarante jours de la notification. L’opposition est vidée par le comité-directeur. » ;
Attendu que le délai court à dater de la remise entre les mains de l’intéressée, c’est-à-dire à partir de la réception par celle-ci de l’envoi recommandé contenant la décision et non pas à dater de la remise à la poste de l’envoi pour notification ;
Attendu que suivant information écrite des Postes et Télécommunications la décision présidentielle du 03 juillet 2014 a été notifiée à la requérante par lettre recommandée remise entre ses mains le 12 juillet 2014 ;
Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision du comité-directeur ayant déclaré irrecevable pour cause de tardiveté l’opposition datée du 24 juillet 2014 et introduite le 26 août 2014 contre la décision présidentielle du 03 juillet 2014 alors que suivant information écrite des Postes et Télécommunications cette décision présidentielle a été notifiée à la requérante par lettre recommandée remise entre ses mains le 12 juillet 2014, de sorte que le dernier jour utile pour l’introduction de la requête d’opposition a été en l’espèce le jeudi 21 août 2014 ;
Attendu que la requérante ne conteste pas avoir eu connaissance à la date du 12 juillet 2014 de la notification de la décision présidentielle faisant courir le délai d’opposition mais fait valoir que son envoi recommandé, contenant la requête d’opposition datée du 24 juillet 2014, a été remis à la poste de L*** et a été flashé lors de son dépôt au bureau de la poste de L*** le 25 juillet 2014, donc endéans le délai d’opposition prévu, qu’il n’existe aucun flashage de sortie de France pour le Luxembourg, que la poste ne peut fournir des explications concernant le retard constaté à la livraison et que la requérante ne peut être tenue responsable des aléas de distribution du courrier ;
Attendu que la partie demanderesse fait valoir que la requête d’opposition a été postée en date du 25 juillet 2014 en France, donc endéans le délai légal, que ce serait la manifestation de la volonté de former opposition qui interrompt le délai et non la réception de l’opposition par l’Association d’assurance et que la requête d’opposition est parvenue seulement le 26 août 2014 à l’Association d’assurance à cause du retard mis par les services postaux dont la mission est d’acheminer le courrier à partir de la France jusqu’au Luxembourg ;
Attendu qu’il y a lieu de déduire de l’arrêt de la Cour de cassation du 09 juillet 1987 rendu dans l’affaire G. contre l’Association d’assurance contre les accidents, section industrielle que la date à prendre en compte pour l’appréciation du délai dans lequel la voie de recours a été exercée est la date à laquelle le recours est parvenu à l’organisme compétent, voir à un organisme tenu à transmettre à titre de compétence ;
Attendu que l’article 81 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, lequel article vise les demandes, déclarations ou recours introduits auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction d’un Etat membre autre que l’Etat compétent prévoit ce qui suit :
« Les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d’un Etat membre, dans un délai déterminé auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction de cet Etat sont recevables s’ils sont introduits dans le même délai auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction correspondante d’un Etat membre. Dans ce cas, l’autorité, l’institution ou la juridiction ainsi saisie transmet sans délai ces demandes, déclarations ou recours à l’autorité, à l’institution ou à la juridiction compétente du premier Etat, soit directement, soit par l’intermédiaire des autorités compétentes des Etats membres concernés. La date à laquelle ces demandes, déclarations ou recours ont été introduits auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction du second Etat membre est considérée comme la date d’introduction auprès de l’autorité, de l’institution ou de la juridiction compétente pour en connaître. » ;
Attendu que la remise en date du 25 juillet 2014 aux services postaux français de l’envoi recommandé contenant la requête d’opposition en vue de son expédition, lequel envoi est parvenu à l’Association d’assurance le 26 août 2014, n’équivaut pas à l’introduction de l’opposition dans le délai légalement prévu auprès du Président du comité-directeur de l’Association d’assurance ou auprès d’un organisme tenu à transmettre à titre de compétence, alors qu’il n’y a introduction valable de l’opposition au sens de l’article 146, alinéa 1er du Code ou au sens de l’article 81 du règlement précité que si l’opposition est parvenue, dans le délai légal, auprès de l’organe de décision administratif compétent de l’Association d’assurance ou auprès d’un organisme tenu à transmettre à titre de compétence, de telle manière que ces organismes aient pu prendre connaissance du contenu de la requête d’opposition ;
Attendu que la décision présidentielle du 03 juillet 2014 mentionne les précisions nécessaires concernant la voie de l’opposition et notamment le délai prévu endéans lequel l’opposition est à présenter ;
Attendu que le comité-directeur a dès lors déclaré à bon droit l’opposition introduite le 26 août 2014 irrecevable en raison de sa tardivité, en application de la forclusion prononcée par la loi dans un intérêt d’ordre public général, de sorte que la décision présidentielle est à considérer comme acquise en application de l’article 146, alinéa 1er du Code et qu’il devient superfétatoire de procéder à un examen quant à la question de savoir si la continuation de la prise en charge des prestations en espèces, du traitement médical et des prestations en nature est nécessitée du point de vue médical par l’état post-traumatique imputable à l’accident du travail ou si au contraire cette continuation est exclusivement en relation avec une pathologie indépendante de cet accident ;
Par ces motifs,
le Conseil arbitral de la Sécurité Sociale, statuant contradictoirement et en premier ressort,
déclare les recours non fondés et confirme la décision entreprise.
La lecture du présent jugement a été faite à l’audience publique du 10 novembre 2015 en la salle d’audience du Conseil arbitral de la Sécurité Sociale à Luxembourg, par Monsieur le président du siège Paul CAPESIUS, en présence de Monsieur Jean-Paul SINNER, secrétaire.