CASS 13.01.2016

Thème(s)
Procédure administrative
Domaine(s)
Procédure administrative non contentieuse
Mot(s) clef(s)
Procédure administrative  | Demande copie du dossier administratif  | Suspension du délai de recours (non)  | Recours tardif

Référence

  • CASS-13.01.2016
  • No. du reg.: G 588/14

Base légale

  • Art. 128 CSS
  • RGD du 24.12.1993 (procédure devant les juridictions sociales)
  • RGD du 08.06.1979 (PANC)

Sommaire

Le mandataire du requérant fait valoir que le délai de recours devant le Conseil arbitral aurait été suspendu entre le jour de la demande de la communication du dossier administratif et la déception de celle-ci.

Les juges ont déclaré le recours irrecevable pour tardiveté en retenant qu’aucun délai endéans lequel le dossier administratif doit être communiqué à l’assuré n’étant prescrit par la loi, ni une suspension du délai de recours.

Corps


Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale

Audience publique du treize janvier deux mille seize

Composition:  
M. Tom Moes, président du siège,
M. Romain Lallemang, assesseur-employeur,
M. Jeannot Kolber, assesseur-assuré,
ces deux derniers dûment assermentés  
M. Christophe Alesch, secrétaire,

Entre:

A., né le ***, demeurant à *** ;

demandeur,

comparant en personne et assisté par Maître Martine KRIEPS, avocate à la Cour, demeurant à Luxembourg ;

 

Et:

Association d’assurance accident, dont le siège est à Luxembourg, représenté par le président de son comité-directeur, Monsieur Claude SEYWERT, Luxembourg ;

défenderesse,

comparant par Madame G., inspecteur, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite ;

 

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral de la Sécurité Sociale le 11 novembre 2014, la mandataire du requérant, Maître Martine KRIEPS, forma recours contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 25 septembre 2014.

Par lettres recommandées à la poste en date du 29 octobre 2015, les parties furent convoquées pour l’audience du 02 décembre 2015, à laquelle le requérant comparut en personne et assisté par Maître Martine KRIEPS, mandataire pré-qualifiée.

La partie défenderesse comparut par sa mandataire Madame G., pré-qualifiée.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l’affaire.

Ensuite les parties présentèrent leurs observations.

La partie requérante conclut à la réformation de la décision entreprise, sinon subsidiairement, à l’institution d’une expertise médicale.

La partie défenderesse se rapporta à la sagesse du Conseil arbitral quant à la recevabilité du recours et conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Elle se rapporta à la sagesse du Conseil arbitral quant à l’institution d’une expertise médicale.

Après prise en délibéré de l’affaire, le Conseil arbitral rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit :

Attendu que le requérant A. fait grief à une décision du comité-directeur du 25 septembre 2014 d’avoir, par confirmation de la décision présidentielle du 31 mars 2014, rejeté sa demande en obtention d’une rente complète au motif que suivant avis de l’Administration du contrôle médical de la sécurité sociale (CMSS) du 14 mars 2014, respectivement du 28 mars 2014, il ne serait pas atteint d’une incapacité de travail totale en relation avec son accident du travail du 12 septembre 2012 ;

Attendu que le requérant conclut à la réformation de la décision précitée et à l’allocation d’une rente complète, alors qu’il serait atteint d’une incapacité de travail totale en relation avec son accident du travail du 12 septembre 2012 en se référant notamment à un certificat médical du Docteur L. du 30 juin 2014, tout en contestant les avis sommaires du médecin-conseil du CMSS ;

qu’il conclut en ordre subsidiaire à l’institution d’une expertise médicale ;

Attendu que la partie défenderesse se rapporta à la sagesse du Conseil arbitral quant à la recevabilité du recours et conclut par ailleurs à la confirmation de la décision entreprise en se référant aux avis médicaux du CMSS du 14 mars 2014 et du 28 mars 2014 ;

qu’elle se rapporta en outre à la sagesse du Conseil arbitral quant à l’institution d’une expertise médicale ;

Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que la décision du comité-directeur du 25 septembre 2014 a été remise au requérant en date du 30 septembre 2014 (cf. attestation du Chef du Service Réclamations de POST du 15 janvier 2015) ;

Attendu que selon l’article 1er, alinéa 1, du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 déterminant en application de l’article 455 du Code de la sécurité sociale la procédure à suivre devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale et le Conseil supérieur de la sécurité sociale, ainsi que les délais et les frais de justice, le recours visé à l’article 128 du Code de la sécurité sociale doit être formé, sous peine de forclusion, dans un délai de quarante jours à dater de la notification de la décision attaquée, par simple requête sur papier libre à déposer au siège du Conseil arbitral et que l’alinéa 2 dudit article 1er précise que la requête doit être signée par le demandeur ou son représentant légal ou son mandataire ;

Attendu qu’il résulte des éléments de la cause que le requérant a introduit son recours contre la décision du comité-directeur du 25 septembre 2014 lui notifiée le 30 septembre 2014 et lui remise en date du 30 septembre 2014 le 11 novembre 2014, partant au-delà du délai d’action de quarante jours prévu, celui-ci expirant en effet le 10 novembre 2014, tout en relevant que la décision attaquée du 25 septembre 2014, remise au requérant le 30 septembre 2014, l’informait des voies de recours, ainsi que du délai d’action de quarante jours à compter de la notification de la décision ;

Attendu que la mandataire du requérant fait valoir néanmoins que le recours ne serait pas irrecevable pour cause de tardiveté au motif qu’en application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et les communes le délai d’action de quarante jours aurait été suspendu entre le 02 octobre 2014, date de la demande de la mandataire de la communication du dossier administratif adressée à l’Association d’assurance accident, et le 09 octobre 2014, date de la réception par la mandataire du prédit dossier, en se référant à un jugement du Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 02 juillet 2014, de sorte que le délai de recours aurait été prorogé jusqu’au 14 novembre 2014 et le recours déposé en date du 11 novembre 2014 serait dès lors recevable ;

Attendu qu’il y a lieu de noter que l’article 11 du règlement précité dispose ce qui suit : « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être. Il peut demander, à cette occasion, le retrait de son dossier de toute pièce étrangère à l’objet du dossier, si elle est de nature à lui causer un préjudice. La décision prise par l’Administration sur sa demande est susceptible de recours devant la juridiction compétente. » ;

« (…) Attendu que les dispositions de la loi du 1er décembre 1978 (réglant la procédure administrative non contentieuse) sont d’application générale et constituent un minimum de garanties auxquelles l’administré doit pouvoir s’attendre lorsqu’il est confronté à une administration (cf. : Travaux préparatoires, n° 2209, exposé des motifs, p.2 et s.) ;

que le Conseil d’Etat dans son avis du 6 juillet 1978 (doc. parlementaires n° 2209, page 20) dit que « ce texte (1, article 1er de la loi de base) ne prévoit pas expressis verbis que la nouvelle réglementation est applicable à d’autres administrations que celles de l’Etat. Mais il est à interpréter en ce sens qu’il a une portée générale et qu’il vise toute personne morale, toute administration et tout service pouvant prendre une décision administrative à caractère individuel. » ;

qu’ainsi la réglementation générale prévue par la loi du 1er décembre 1978 se substitue de plein droit à toutes les procédures existantes moins favorables pour l’administré et seules pourraient subsister les procédures spéciales accordant plus de droits et d’avantages aux administrés ;

que les règles de procédure édictées par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 constituent un minimum de protection et les régimes particuliers ne peuvent subsister que dans la mesure où ils réalisent au moins le même degré de protection de l’administré, ce qui devra amener, dans chaque cas, à une comparaison des procédures et à une évaluation des garanties accordées par l’une ou l’autre (cf. : F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 350) ;

Attendu que la procédure administrative non contentieuse se définit comme étant « l’ensemble des règles qui gouvernent la préparation, l’instruction, la formulation et l’édiction par une autorité administrative des actes administratifs individuels intervenant d’office ou sur demande d’une personne et affectant sa situation personnelle et, le cas échéant, celle de tiers. » (cf. : Olinger, La procédure administrative non contentieuse, n° 36, p. 29) ;

Attendu que l’Association d’assurance contre les accidents est un établissement public, une personne morale de droit public, qui fonctionne sous la tutelle de l’Etat, auquel s’applique la procédure administrative non contentieuse ;

Attendu que le principe du respect du caractère contradictoire de la procédure administrative implique pour le particulier le droit d’être avisé de l’existence d’une procédure dont l’issue peut l’atteindre dans ses intérêts et dans sa situation individuelle et le droit de présenter utilement sa défense, d’être informé des griefs retenus et d’obtenir communication du dossier ;

que la procédure administrative conformément à ce principe devrait permettre à l’intéressé d’être informé de ses droits à obtenir de l’autorité administrative tous les éléments pour présenter utilement sa défense et permettre que s’instaure dès ce niveau une véritable collaboration entre l’administration et l’intéressé (cf. Guy Isaac, La procédure administrative non contentieuse, n° 404 p. 400) (…) » (cf. CAAS, 28.01.2002, Reg. No G. 239/01 et G 250/01, T. S. à r. l.,… c/ Association d’assurance contre les accidents, section industrielle) ;

Attendu qu’en l’espèce la mandataire du requérant a par courrier du 02 octobre 2014 demandé la communication du dossier administratif et par courrier du 08 octobre 2014 l’Association d’assurance accident a communiqué le prédit dossier à la mandataire, de sorte qu’on peut présumer que celle-ci l’a réceptionné le 09 octobre 2014 ;

Attendu que la mandataire du requérant invoque à titre de jurisprudence préconisant la suspension du délai de recours entre la date de la demande de la communication du dossier administratif et la réception de celui-ci un jugement du Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg 3e chambre du 02 juillet 2014 (N° 34535 du rôle, M. c/ Ministre de l’Immigration et de l’Asile) qui retient notamment que « (…) Force est cependant de constater que le non-respect des prescriptions de l’article 11, précité, vérifié en l’espèce en ce que le demandeur n’a pas reçu communication de l’intégralité du dossier administratif, ne saurait se résoudre impérativement en une annulation de la décision administrative, étant donné que cette omission est indépendante du contenu même de la décision prise antérieurement et que, dès lors, le seul grief susceptible d’affecter le destinataire de la décision est celui de ne pas avoir pu exercer utilement les voies de recours. Par conséquent, la sanction adéquate et conforme à la finalité de la prescription est la suspension des délais de recours jusqu’à due notification de la décision, respectivement jusqu’à la communication complète du dossier administratif, puisque la finalité de ces obligations est de permettre à l’administré de décider, en pleine connaissance de cause, au vu des éléments dont dispose l’administration et sur lesquels elle se base pour asseoir sa décision, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction. (…) » ;

Attendu cependant que dans le cas d’espèce soumis au Conseil arbitral il ne saurait être question de « sanction » d’un non-respect des prescriptions de l’article 11 précité du règlement grand-ducal du 08 juin 1979, l’autorité administrative, à savoir, l’Association d’assurance accident, ayant suite à la demande de la mandataire de l’assuré communiqué à celle-ci l’intégralité du dossier administratif conformément à l’article 11 précité, aucun délai endéans lequel ce dossier doit être communiqué à l’administré ou l’assuré n’étant prescrit par ledit texte légal, de sorte que l’administration concernée a respecté les principes de la procédure administrative non contentieuse et plus particulièrement l’article 11 du règlement grand-ducal du 08 juin 1979 et qu’aucune suspension du délai d’action de quarante jours ne saurait être envisagée, tout en relevant, pour être complet, que même après la communication du dossier administratif à la mandataire de l’assuré en date du 09 octobre 2014 celle-ci a encore attendu un mois avant de déposer le recours au siège du Conseil arbitral ;

qu’il s’ensuit dès lors que le recours introduit le 17 novembre 2014 est à déclarer irrecevable pour tardiveté ;

 

Par ces motifs,

le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort ;

déclare le recours de A. introduit le 11 novembre 2014, irrecevable pour tardiveté.

La lecture du présent jugement a été faite à l’audience publique du 13 janvier 2016 en la salle d’audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Tom MOES, en présence de Monsieur Christophe ALESCH, secrétaire.

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