CASS-28.01.2002

Thème(s)
Procédure administrative
Domaine(s)
Procédure administrative non contentieuse
Mot(s) clef(s)
RGD 08.06.1979  | Association d'assurance accident  | Personne morale de droit public  | Application  | Principe du contradictoire  | Mise en demeure  | Violation  | Annulation

Référence

  • CASS-28.01.2002
  • Aff. AAI c/ T. SARL No. du reg. : G 239/01 et G250/01

Base légale

  • Art0154-CSS

Sommaire

Attendu que l'Association d'assurance contre les accidents est un établissement public, une personne morale de droit public, qui fonctionne sous la tutelle de l'Etat, auquel s'applique la procédure administrative non contentieuse; Attendu que le principe du respect du caractère contradictoire de la procédure administrative implique pour le particulier le droit d'être avisé de l'existence d'une procédure dont l'issu peut l'atteindre dans ses intérêts et dans sa situation individuelle et le droit de présenter utilement sa défense, d'être informé des griefs retenus et d'obtenir communication du dossier, (...) que cette lettre de mise en demeure, précisant et motivant les griefs de nature à justifier la sanction administrative aurait dû l'avertir qu'une amende d'ordre peut être infligée par l'organe de décision de l'Association d'assurance conformément aux dispositions de l'article 154 du Code et l'informer qu'il dispose du droit de se faire assister par un avocat, d'obtenir communication du dossier administratif, de présenter ses observations et d'être entendu en personne; que cette précision et motivation des griefs de nature à justifier une sanction est également indispensable pour permettre au Conseil arbitral d'exercer le contrôle de la légalité qui lui appartient; Attendu que les formalités d'ordre public protectrices des droits de la défense prévues conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations, n'ont dès lors pas été suffisamment respectées et que la décision intervenue, ayant méconnu ces règles et ayant été prise sans observation de celles-ci et notamment sans avoir donné le moyen à la société T. de faire valoir ses observations, est à annuler;

Corps

Reg. No G 239/01 I

G 250/01

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Conseil Arbitral des Assurances Sociales

Audience publique du vingt-huit janvier deux mille deux

Composition:  
M. Paul Capésius, président du siège,
M. Jeannot Franck, assesseur-employeur,
M. Jeannot Kayl, assesseur-assuré,
ces deux derniers dûment assermentés;  
M. Christophe Alesch, secrétaire,

Entre:

T. S.à r.l., ... ;

partie demanderesse,

comparant par Maître Tania Hoffmann, avocat, en remplacement de Maître Roland Assa, avocat-avoué, Luxembourg ;

Et:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur , Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange;

comparant par Monsieur Claude Rumé, attaché de direction, et Monsieur Claude Seywert, Luxembourg, mandataires suivant procuration écrite;

Par requêtes déposées au siège du Conseil arbitral des assurances sociales les 30 octobre 2001 et 5 novembre 2001, la partie demanderesse forma recours contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 20 septembre 2001.

Par lettres recommandées à la poste en date du 6 décembre 2001, les parties furent convoquées pour l'audience du 10 janvier 2002, à laquelle la partie requérante comparut par Maître Tania Hoffmann, préqualifiée. La partie défenderesse comparut par ses mandataires Messieurs Claude Seywert et Claude Rumé, préqualifiés.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire. Ensuite, les parties présentèrent leurs observations. La partie demanderesse maintint ses conclusions introductives d'instance. La partie défenderesse conclut au rejet des moyens soulevés en ordre principal et en ordre subsidiaire dans la requête déposée par la partie adverse et à la confirmation de la décision attaquée.

Après prise en délibéré des affaires, le Conseil arbitral rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit:

Vu les recours présentés dans les formes et délai prévus par la loi par la s.à r.l. T. contre la décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle du 20 septembre 2001 frappant la société requérante d'une amende d'ordre en application de l'article 154 du Code des assurances sociales pour non-observation des exigences de prévention des accidents et de sécurité au travail légalement prévues ;

Attendu qu'il y a lieu à jonction des instances introduites par les recours enregistrés sous les numéros G 239/01 et G 250/01, lesquels recours se meuvent entre mêmes parties, concernent le même objet (amende d'ordre) et la même cause (manquements aux obligations imposées conformément à l'article 154 du Code des assurances sociales) ;

Attendu que l'amende a été infligée par le comité-directeur au motif qu'il résulte des constatations faites par le service de prévention des accidents de l'Association d'assurance, à l'occasion de l'accident du travail dont l'assuré C.a été victime en date du 11 septembre 2000 sur le chantier de l'école du Brill à Dudelange que la société requérante ne se serait pas conformée aux exigences de prévention des accidents imposant des mesures de protection et de" sécurité au travail rendues obligatoires en vertu des prescriptions de prévention des accidents édictées par l'Association d'assurance, en particulier au motif qu'il y aurait infractions au paragraphe 2 (exigences générales) du chapitre 1er « Prescriptions générales » des prescriptions de prévention des accidents ;

Attendu qu'il y a lieu d'analyser si les formalités d'ordre public protectrices des droits de la défense prévues conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations ont été respectées; ,

Attendu que l'article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse prévoit en son alinéa 2 que les règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse « doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l'administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l'administré à la prise de décision administrative » ;

Attendu que l'alinéa 2 de cette loi poursuit alors « dans ce cadre, elles assurent la collaboration procédurale de l'administration, consacrent le droit de l'administré d'être entendu et d'obtenir communication du dossier administratif. ..» ;

Attendu que l'article 4 prévoit encore que les règles établies par règlement grand-ducal s'appliquent à toutes les décisions administratives pour lesquelles un texte particulier n'organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l'administré ;

Attendu qu'il résulte de la philosophie de cette loi que toute décision administrative doit être prise de telle sorte que l'administré y soit impliqué le plus possible ;

Attendu que l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes impose à l'autorité, qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, d'informer cette partie de son intention et de lui communiquer les éléments de fait et de droit qui l'amènent à réagir ceci par l'envoi d'une lettre recommandée ;

que le même article 9 prévoit en outre qu'un délai d'au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations et que lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne ;

Attendu que l'article 10 du même règlement grand-ducal prévoit le droit pour la partie de se faire assister par un avocat et l'article Il prévoit le droit à la communication du dossier administratif ;

Attendu que les dispositions de la loi du 1er décembre 1978 sont d'application générale et constituent un minimum de garanties auxquelles l'administré doit pouvoir s'attendre lorsqu'il est confronté à une administration (cf. : Travaux préparatoires, n° 2209, exposé des motifs, p. 2 et s) ;

que le Conseil d'Etat dans son avis du 6 juillet 1978 (doc. parlementaires n° 2209, page 20) dit que «ce texte (1 , article 1er de la loi de base) ne prévoit pas expressis verbis que la nouvelle réglementation est applicable à d'autres administrations que celles de l'Etat. Mais il est à interpréter en ce sens qu'il a une portée générale et qu'il vise toute personne morale, toute administration et tout service pouvant prendre une décision administrative à caractère individuel » ;

qu'ainsi la réglementation générale prévue par la loi du 1er décembre 1978 se substitue de plein droit à toutes les procédures existantes moins favorables pour l'administré et seules pourraient subsister les procédures spéciales accordant plus de droits et d'avantages aux administrés ;

que les règles de procédure édictées par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 constituent un minimum de protection et les régimes particuliers ne peuvent subsister que dans la mesure où ils réalisent au moins le même degré de protection de l'administré, ce qui devra amener, dans chaque cas, à une comparaison des procédures et à une évaluation des garanties accordées par l'une ou par l'autre (cf. : F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois n° 350) ;

Attendu que la procédure administrative non contentieuse se définit comme étant « l'ensemble des règles qui gouvernent la préparation, l'instruction, la formulation et l'édiction par une autorité administrative des actes administratifs individuels intervenant d'office ou sur demande d'une personne et affectant sa situation personnelle et, le cas échéant, celle de tiers » (cf. : Olinger, La procédure administrative non contentieuse, n° 36, p. 29) ;

Attendu que l'Association d'assurance contre les accidents est un établissement public, une personne morale de droit public, qui fonctionne sous la tutelle de l'Etat, auquel s'applique la procédure administrative non contentieuse ;

Attendu que le principe du respect du caractère contradictoire de la procédure administrative implique pour le particulier le droit d'être avisé de l'existence d'une procédure dont l'issue peut l'atteindre dans ses intérêts et dans sa situation individuelle et le droit de présenter utilement sa défense, d'être informé des griefs retenus et d'obtenir communication du dossier ;

que la procédure administrative conformément à ce principe devrait permettre à l'intéressé d'être informé de ses droits à obtenir de l'autorité administrative tous les éléments pour présenter utilement sa défense et permettre que s'instaure dès ce niveau une véritable collaboration entre l'administration et l'intéressé (cf: Guy Isaac; La procédure administrative non contentieuse, n° 404 p. 400) ;

Attendu qu'il ne résulte pas du dossier administratif que la société T. ait reçu de la part de l'Association d'assurance une lettre de mise en demeure suffisamment motivée qui devrait légalement lui être adressée pour lui permettre de présenter utilement sa défense et de donner à celle-ci le poids nécessaire avant qu'intervienne la décision administrative du comité-directeur ;

que cette lettre de mise en demeure, précisant et motivant les griefs de nature à justifier la sanction administrative l'aurait dû avertir qu'une amende d'ordre peut être infligée par l'organe de décision de l'Association d'assurance conformément aux dispositions de l'article 154 du Code et l'informer qu'il dispose du droit de se faire assister par un avocat d'obtenir communication du dossier administratif, de présenter ses observations et d'être entendu en personne ;

que cette précision et motivation des griefs de nature à justifier une sanction est également indispensable pour permettre au Conseil arbitral d'exercer le contrôle de la légalité qui lui appartient ;

Attendu que les formalités d'ordre public protectrices des droits de la défense prévues conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations, n'ont dès lors pas été suffisamment respectées et que la décision intervenue, ayant méconnu ces règles et ayant été prise sans observation de celles-ci et notamment sans avoir donné le moyen à la société T. de faire valoir ses observations, est à annuler ;

Attendu qu'il devient dès lors superfétatoire de statuer au sujet de la demande supplémentaire formulée dans le recours et tendant à l'annulation d'une lettre administrative de l'Association d'assurance du 26 octobre 2001 ayant implicitement refusé de communiquer les motifs à la base de la décision du 20 septembre 2001, laquelle demande est à considérer comme devenue sans objet compte tenu du présent jugement d'annulation de la décision du comité-directeur qui est l'organe de décision de l'Association d'assurance compétent pour prendre une décision susceptible de recours auprès du Conseil arbitral ;

Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande en allocation d'une indemnité de procédure en application de l'article 240 du nouveau code de procédure civile, alors qu'il serait inéquitable de laisser à charge exclusive de la partie requérante divers frais notamment de déplacement, de téléphone, de constitution de dossier et de timbres et que la partie demandant le remboursement d'honoraires d'avocat à titre d'indemnité de procédure n'est pas obligée de fournir de justificatif du montant dont elle réclame l'allocation et qu'il appartient au juge d'allouer le montant qu'il estime convenir, compte tenu de tous les éléments d'appréciation (cf. : arrêt de la Cour du 26 octobre 1993, P. 29, p. 293) et qu'en l'occurrence le montant de l'indemnité de procédure est à fixer à EUR 500 en considérant que la partie défenderesse a proposé la remise de
l'affaire afin de pouvoir saisir le comité-directeur pour lui permettre de revenir sur la décision ;

Attendu que la partie demanderesse est en droit de s'opposer à la demande de remise de l'affaire telle que formulée par la partie défenderesse alors qu'à la date de l'audience du 10 janvier 2002 à laquelle l'affaire se trouve fixée le comité-directeur n'a pas encore prononcé le retrait de la décision, lequel retrait ne peut intervenir que par une nouvelle décision du même organe de décision ayant prononcé l'amende et ceci en vertu des règles du droit administratif du parallélisme des compétences et des formes (voir: Auby et Drago, Traité de contentieux administratif no 1058 et 1081 ; Peter Badura, Allgemeines Verwaltungsrecht, Das Verwaltungsverfahren, sub 41, Rücknahme und Widerruf von Verwaltungsakten ; Carl Ule, Verwaltungsprozessrecht, sub 45, Rücknahme des angefochtenen Verwaltungsakts) ;

Attendu que le moyen de nullité de la décision a été invoqué dans la requête introductive d'instance, de sorte que la partie défenderesse a été mise en mesure de prendre position par rapport à la question de la régularité et de la validité de la décision entreprise ;

Par ces motifs,

le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,

annule la décision du comité-directeur du 20 septembre 2001 ; .

renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents aux fins qu'il appartiendra ;

condamne l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle à payer à la s.à r.l. T. une indemnité de procédure de EUR 500.

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 28 janvier 2002 en la salle d'audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Monsieur Christophe Alesch, secrétaire.

signé: Capésius, Alesch

 

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