CASS-09.01.2012

Thème(s)
Procédure juridictionnelle  | Maladies professionnelles
Domaine(s)
Autorité de chose jugée
Mot(s) clef(s)
Arrêt définitif  | Identité de parties, de cause et d'objet  | Absence d'élément nouveau  | Irrecevabilité

Référence

  • CASS-09.01.2012
  • Reg. N° G 476/10
  • Aff. C. c/ AAA
  • U201013854

Base légale

  • Art0149-CSS

Sommaire

L'autorité de la chose jugée ou de la chose décidée est attachée aux décisions définitives pour éviter toute remise en cause de la vérification opérée. Elle interdit donc la formation d'une nouvelle demande, identique à la précédente par les parties, par son objet et par sa cause, en l'absence de survenance d'éléments nouveaux qui justifieraient un nouvel examen de la situation du demandeur.

La cause de la demande s'entend comme étant l'acte ou le fait juridique qui constitue le fondement direct et immédiat du droit réclamé, donc le principe générateur du droit réclamé, à savoir en l'espèce l'exposition à un risque professionnel durant l'activité assurée pour la période antérieure à février 2005, de sorte qu'il échet d'appliquer la base légale en vigueur à cette époque.

Corps

Reg. N° G 476/10

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale
Audience publique du neuf janvier deux mille douze

Composition:

 

M. Paul Capésius,

président du siège,
M. Christian Reuter, assesseur-employeur,
Mme Sylvie Theisen, assesseur-assuré,
ces deux derniers dûment assermentés;  
M. Patrick Back,
secrétaire,

Entre:

C., né le ..., demeurant à ...;
demandeur,
comparant en personne assisté de Maître Karim Sorel, avocat à la Cour, Luxembourg ;

Et:

l'Association d'assurance accident, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange;

défenderesse,
comparant par Monsieur Romain Rech, inspecteur principal 1er en rang, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite;

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales du 6 décembre 2010, la partie demanderesse forma recours contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance accident du 28 octobre 2010.

Le Conseil arbitral a décidé à l'audience publique du 27 juin 2011 la rupture du délibéré et la fixation de l'affaire au rôle général :

1. afin de permettre à la partie défenderesse (Association d'assurance accident) de prendre position par rapport aux pièces versées le 3 juin 2011 par le mandataire syndical de Monsieur C.;

2. afin de communiquer à l'avocat de Monsieur C. l'arrêt du Conseil supérieur des assurances sociales rendu entre parties le 9 novembre 2005 ;

Par lettres recommandées à la poste en date du 18 novembre 2011, les parties furent convoquées pour l'audience publique du 7 décembre 2011, à laquelle le requérant comparut en personne assisté de Maître Karim Sorel, préqualifié.

La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Romain Rech, préqualifié.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire.

Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.

La partie demanderesse conclut, en ordre principal, à la réformation de la décision attaquée et, en ordre subsidiaire, à l'institution d'une expertise médicale.

La partie défenderesse conclut, en ordre principal, à la confirmation de la décision attaquée et, en ordre subsidiaire, elle s'opposa à l'institution d'une expertise médicale.

Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral de la sécurité sociale rendit à l' audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit :

Vu le recours formé par C. contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance accident du 28 octobre 2010 ayant, par confirmation de la décision présidentielle du 7 octobre 2010, déclaré irrecevable la demande présentée le 2 juin 2010 en indemnisation d'une maladie prétendûment professionnelle portant comme diagnostic : douleurs lombosacrées avec contractures musculaires ;

Attendu que le recours est recevable pour avoir été présenté dans les formes et délai prévus par la loi;

Attendu que la demande en indemnisation a été rejetée comme irrecevable au motif qu'elle est identique à celle introduite le 9 février 2004, laquelle demande a été refusée par décision présidentielle du 2 avril 2004, confirmée par décision du comité-directeur du 30 septembre 2004 au motif que la demande n'a pas été présentée dans le délai de trois ans inscrit à l'article 149, alinéa 2 du Code des assurances sociales, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 avril 2005, l'article 149 ayant été modifié par la loi du 21 décembre 2004, alors que la maladie existe depuis 1999 et que suivant avis du médecin-directeur adjoint du Contrôle médical de la sécurité sociale les conditions d'exception prévues à l'article 149, alinéa 3 du Code ne sont pas remplies ;

que la demande de reconnaissance a été refusée par ailleurs au motif que la maladie déclarée (hernie discale) ne figure pas au tableau des maladies professionnelles publié par règlement grand-ducal du 27 mars 1986 et modifié par les règlements grand-ducaux du 2 octobre 1992 et du 1er septembre 1998;

Attendu que la décision prémentionnée du comité-directeur du 30 septembre 2004 a été confirmée par jugement du Conseil arbitral du 14 février 2005 et en appel par arrêt du Conseil supérieur des assurances sociales du 9 novembre 2005;

Attendu que le Conseil arbitral a retenu dans son jugement du 14 février 2005 que l'article 149 du Code des assurances sociales, traitant des accidents de travail, est rendu applicable en son alinéa 2, et il faut nécessairement l'admettre également en ses alinéas 3 et 4, aux maladies professionnelles par le biais de l'article 94, alinéa 2 du Code des assurances sociales (cf. arrêt du 17 janvier 1 996 du Conseil supérieur des assurances sociales, affaire M.) et qu'aux termes de l'article 149, alinéa 3, les réclamations sont recevables à l 'expiration du délai de trois ans lorsqu'il est prouvé que les conséquences de l'accident, ou de la maladie, au point de vue de la capacité de travail de l'assuré, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement ou que l'intéressé s'est trouvé, en suite de circonstances indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de formuler sa demande;

Attendu que le Conseil arbitral s'est basé dans son jugement sur un avis du 11 janvier 2005 de son médecin-conseil retenant que diagnostic de protrusion discale en lombaire bas a été effectué dès l'été 1999, qu'il y a eu un blocage lombaire brutal durant un week-end de décembre 1999 nécessitant une saccoradiculographie, que la maladie dans son ensemble était connue sur le plan diagnostique depuis cette date, que la demande d'indemnisation est tardive et que les conditions d'exception ne sont pas remplies alors que la pathologie a nécessité depuis 1999 de multiples investigations ;

Attendu que le médecin-conseil du Conseil arbitral a retenu par ailleurs qu'il résulte du dossier que l'assuré a bénéficié après les explorations de 1999 d'un poste allégé déjà depuis 2000 et que les conditions biomécaniques et les critères de la reconnaissance d'une maladie professionnelle ne sont pas remplies dans l'exercice professionnel tel que décrit;

Attendu que le requérant se base sur les attestations testimoniales de ses collègues de travail pour faire valoir que les conditions d'exception prévues à l'alinéa 2 de l'article 149 seraient remplies alors qu'il n'a eu connaissance des conséquences de la maladie, au point de vue de la capacité de travail, seulement en 2002 et non pas en 1999 et que son activité professionnelle aurait consisté à manutentionner répétitivement des plaques de verre de poids et dimensions variables, que cette activité engendrait des mouvements répétitifs de flexion-rotation de la colonne lombaire et serait la cause déterminante de l'affection dont il est atteint et qu'il n'aurait pas bénéficié d'un poste allégé en 2000 mais seulement depuis l'année 2002;

qu'en ordre subsidiaire la partie demanderesse conclut à l'institution d'une expertise médicale;

Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision entreprise et s'oppose à l'institution d'une expertise médicale en faisant relever que les attestations testimoniales concernent des faits se rapportant à une période antérieure à l'arrêt du Conseil supérieur du 9 novembre 2005 et que Monsieur C., bénéficiant de la pension d'invalidité depuis le 1er février 2005, n'a plus été exposé à un risque professionnel en relation avec son occupation professionnelle, que les témoignages ne se rapportent qu'à une période pendant laquelle l'assuré a travaillé et se situant avant la date de l'arrêt du Conseil supérieur des assurances sociales, lequel arrêt du 9 novembre 2005 est coulé en force de chose jugée;

qu'en ordre subsidiaire la partie défenderesse s'oppose à l'institution d'une expertise médicale;

Attendu que le Conseil supérieur des assurances sociales a retenu dans son arrêt du 9 novembre 2005 qu'il se dégage du dossier médical et notamment des certificats des docteurs Dier du 19 avril 2000, Pautot des 22 août et 15 septembre 2000 et surtout du certificat du docteur Saint-Eve que l'assuré souffrait depuis plus de trois ans de lombalgies avec irradiation dans les deux membres inférieurs, que cette constatation est corroborée par l'expertise extra-judiciaire Frohn du 25 mai 2004 qui retient des troubles rachidiens depuis 1995 sous forme de lombalgies récidivantes avec rigidité segmentaire lombaire et pincement de L4-L5 et de L5-S1, qu'en date du 31 août 1999 aurait été constatée, selon l'expert, une protrusion discale LS-S1 avec ébauche de hernie latéralisée à gauche et une protrusion discale L4-L5 ;

Attendu que dans un arrêt du 19 novembre 2004 rendu dans une affaire B. c/AAI le Conseil supérieur des assurances sociales a retenu ce qui suit en ce qui concerne la notion d'autorité de la chose jugée :

«L'autorité de la chose jugée ou de la chose décidée est attachée aux décisions définitives pour éviter toute remise en cause de la vérification opérée. Elle interdit donc la formation d'une nouvelle demande, identique à la précédente par les parties, par son objet et par sa cause, en l'absence de survenance d'éléments nouveaux qui justifieraient un nouvel examen de la situation du demandeur.»;

Attendu que le comité-directeur, dans sa décision du 28 octobre 2010 entreprise par le présent recours, a retenu à bon droit que la nouvelle demande de rente du 2 juin 2010 se heurte à l'autorité de chose décidée attachée à la décision du 30 septembre 2004 portant rejet de la demande d'indemnisation, présentée par réclamation du 9 février 2004, de voir indemnisée son hernie discale comme maladie professionnelle alors qu'il y a triple identité en ce sens que la nouvelle demande est identique à la précédente par les parties, par son objet et par sa cause juridique;

que l'identité des parties ne pose pas de problème en présence de l'assuré d'une part et de l'Association d'assurance accident, d'autre part;

que l'objet de la demande est identique, s'agissant de la rente accident et de l'indemnisation des suites d'une maladie professionnelle;

que la cause de la demande s'entend comme étant l'acte ou le fait juridique qui constitue le fondement direct et immédiat du droit réclamé, donc le principe générateur du droit réclamé, à savoir en l'espèce l'exposition à un risque professionnel durant l'activité assurée pour la période antérieure à février 2005, de sorte qu'il échet d'appliquer la base légale en vigueur à cette époque;

Attendu que les motifs à la base de la décision de rejet antérieure du 30 septembre 2004 restent toujours valables de sorte qu'en l'occurrence la nouvelle demande fondée sur la même cause est irrecevable;

Attendu qu'en considérant d'une part que la symptomatologie douloureuse lombaire dont l'assuré se plaint comme ayant une origine professionnelle ainsi que les conséquences au point de vue de la capacité de travail ont été constatées déjà en 1999 et en considérant d'autre part qu'il n'existe pas d'éléments d'appréciation médicale nouveaux susceptibles de contredire les conclusions claires et précises du médecin-conseil du Conseil arbitral ayant exclu une relation causale évidente entre la pathologie lombaire déclarée et l'activité professionnelle assurée, le Conseil arbitral estime qu'il est superflu de vouloir recourir à une nouvelle expertise médicale;

qu'il en résulte que le recours est à rejeter et la décision entreprise est à confirmer pour les motifs y invoqués;

Par ces motifs,

le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,

rejette la demande en institution d'une expertise médicale;

déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 9 janvier 2012 en la salle d'audience du Conseil arbitral de la sécurité sociale à Luxembourg par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Monsieur Patrick Back, secrétaire.

signé Capésius, Back,

 

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