CSSS-25.06.2003

Thème(s)
Procédure juridictionnelle
Domaine(s)
Autorité de chose jugée
Mot(s) clef(s)
Jugement  | Motifs décisifs  | Défaut d'appel  | Pas de réexamen

Référence

  • CSSS-25.06.2003
  • Affaire S. c/ AAI
  • No REG: GE 2002/0188
  • No: 2003/0133
  • U197770106

Base légale

  • Art0149-al02-CSS

Sommaire

Si en principe le dispositif du jugement acquiert l'autorité de la chose jugée tandis que les motifs en sont dépourvus, il est cependant admis exceptionnellement que les motifs participent de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif toutes les fois qu'ils en constituent le soutien nécessaire et font corps avec lui, chaque fois partant qu'ils en forment des motifs décisifs.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. du reg.: GE 2002/0188 No.: 2003/0133

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

Audience publique du vingt-cinq juin deux mille trois

Composition:  
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, président
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Lotty Prussen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Marc Mathekowitsch, 1er conseiller de gouvernement, assesseur-employeur
M. Paul Delagardelle, fonctionnaire des P&T e.r., assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

ENTRE:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,

appelante,

comparant par Monsieur Claude Rume, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;

ET:

S. , né le ..., demeurant à ...,

intimé,

comparant par Maître Aline Rosenbaum, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de Maître Roy Nathan, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 24 décembre 2002, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil 'arbitral des assurances sociales le 18 novembre 2002 dans la cause pendante entre elle et S. et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours fondé en ce qui concerne la demande d'attribution d'une rente; dit que les conditions d'attribution d'une rente partielle de la part de l'Association d'assurance contre les accidents sont remplies du chef de l'accident du travail du 20 mai 1977; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance afin de fixer le début et le taux de la rente partielle due à l'assuré.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 11 juin 2003, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Marc Kerschen, fit l'exposé de l'affaire.

Monsieur Claude Rume, pour l'appelante, maintint les conclusions de la requête d'appel déposée au siège du Conseil supérieur le 24 décembre 2002.

Maître Aline Rosenbaum, pour l'intimé, conclut en ordre principal à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 18 novembre 2002; à titre tout à fait subsidiaire, elle conclut à l'institution d'une expertise complémentaire.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit :

Par décision présidentielle du Il février 1999, décision qui fut confirmée par la commission des rentes lors de sa séance du 17 mai 1999, l'Association d'assurance contre les accidents; section industrielle, rejeta comme tardive la demande de S. tendant à l'obtention d'une rente du chef d'un accident du travail survenu en date du 20 mai 1977.

Par jugement du 18 juin 2001; le Conseil arbitral des assurances sociales, entérinant les conclusions du docteur François RIES qui avait été nommé expert par jugement avant dire droit du 30 octobre 2000, avec la mission de procéder à une étude approfondie des pièces d'information médicale acquises en cause, d'examiner l'assuré et de se prononcer dans un rapport motivé sur la question de savoir:

1. si l'affection psychiatrique constatée par le médecin traitant est à mettre en relation causale déterminante avec l'accident professionnel du 20 mai 1977;

2. si les conséquences de l'affection, au point de vue de la capacité de travail du requérant, n'ont pu être constatées qu'à l'expiration d'un délai de 3 ans à partir de l'apparition de l'affection et, le cas échéant, à partir de quelle date;

3. si l'état du requérant présente une aggravation du point de vue psychiatrique qui serait imputable aux suites post-traumatiques de l'accident et qui expliquerait et motiverait le caractère tardif de la demande, et qui était arrivé à la conclusion que S. était invalide au sens de la loi et que cette incapacité de travail avait été en partie déclenchée par l'accident professionnel du 20 mai 1977, a, par réformation de la décision de la commission des rentes, dit que la demande de S. était recevable quant à la forme et au délai en application de l'alinéa 3 de l'article 149 du code des assurances sociales et a renvoyé l'affaire en prosécution de cause devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents.

Par décision présidentielle du 20 février 2002, l'Association d'assurance contre les accidents refusa d'allouer au requérant une rente accident du chef de son accident professionnel du 20 mai 1977 au motif que suivant avis du médecin-conseil de l'Administration du contrôle médical de la sécurité sociale l'état dépressif et les troubles psychiatriques de S. ne sont pas en rapport avec l'accident en question et que d'autre part il n'y a pas lieu d'admettre une incapacité de travail en relation avec l'entorse de la cheville gauche datant de l'accident du travail.

Cette décision fut confirmée par la commission des rentes lors de sa séance du 12 avril 2002. Statuant sur le recours formé par S. contre cette décision, le Conseil arbitral des assurances sociales a, par jugement contradictoire du 18 novembre 2002, déclaré le recours fondé et a dit que les conditions d'attribution d'une rente partielle de la part de l'Association d'assurance contre les accidents sont remplies du chef de l'accident du travail survenu le 20 mai 1977.

Les juges de première instance sont, sur base du rapport de l'expert François RIES, arrivés à la conclusion qu'à la date du début de la 14e semaine consécutive à l'accident, respectivement à la date de la présentation de la demande il persistait encore une réduction partielle de la capacité ouvrière imputable aux suites en rapport avec l'accident ayant évolué vers une dépression post-traumatique de sorte que les conditions d'attribution d'une rente de la part de l'Association d'assurance contre les accidents sont remplies.

L'Association d'assurance contre les accidents a régulièrement relevé appel de ce jugement par requête déposée le 24 décembre 2002.

Elle demande au Conseil supérieur des assurances sociales d'annuler le jugement du Conseil arbitral des assurances sociales du 18 novembre 2002 et de rétablir la décision de la commission des rentes du 12 avril 2002.

L'Association d'assurance contre les accidents soutient à l'appui de son appel que les juges de première instance auraient à tort, en s'éloignant des avis concordants du médecin-conseil du Conseil arbitral des assurances sociales et du médecin-conseil de l'Administration du contrôle médical de la sécurité sociale, dit que les conditions d'attribution d'une rente de la part de l'Association d'assurance contre les accidents seraient remplies en l'espèce, les séquelles dont souffre le requérant n'étant pas en rapport avec l'accident du travail du 20 mai 1977.

L'intimé conclut à la confirmation du jugement de première instance. Il soutient que le recours de l'Association d'assurance contre les accidents se heurterait à l'autorité de la chose jugée émanant du jugement du Conseil arbitral des assurances sociales du 18 juin 2001 en ce que ce jugement qui n'a pas été attaqué a retenu une relation causale entre les troubles psychiques dont souffre le requérant et l'accident du travail du 20 mai 1977.

Si en principe le dispositif du jugement acquiert l'autorité de la chose jugée tandis que les motifs en sont dépourvus, il est cependant admis exceptionnellement que les motifs participent de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif toutes les fois qu'ils en constituent le soutien nécessaire et font corps avec lui, chaque fois partant qu'ils en forment des motifs décisifs.

Le Conseil arbitral des assurances sociales a retenu dans son jugement du 18 juin 2001 qu'il résulte du rapport médical du docteur François RIES qui avait été nommé expert par jugement avant dire droit du 30 octobre 2000 que S. souffre d'une dépression nerveuse grave provoquant des symptômes de dévalorisation, des troubles de la concentration, d'un manque de confiance en soi et en autrui, ainsi que d'une résignation profonde, troubles auxquels s'ajoutent des symptômes psychosomatiques tels que douleurs dans les articulations et des crampes dans les muscles, l'expert estimant qu'à cause de ces affections l'assuré n'est pas à même de suivre régulièrement un travail et que si cette incapacité de travail est en partie déclenchée par l'accident professionnel du 20 mai 1977, elle était aussi soutenue par la personnalité de l'intéressé et l'environnement professionnel quasi-militaire. Selon les juges de première instance il résulte du rapport d'expertise dressé en cause que l'exactitude du diagnostic des troubles et la relation causale, il est vrai partielle, de ces troubles avec l'accident n'ont été établies qu'après l'expiration du délai triennal prévu par la loi ce qui explique et motive le caractère tardif de la demande d'indemnisation.

Cette motivation a l'autorité de la chose jugée alors qu'elle constitue le soutien nécessaire du dispositif, les juges n'ayant pas pu déclarer la demande de S. recevable s'ils n'avaient pas admis une relation causale entre les troubles dont souffre S. et l'accident du travail du 20 mai 1977.

Le Conseil supérieur des assurances sociales ne saurait dès lors plus dans le cadre de l'appel dirigé contre le jugement du 18 novembre 2002 réexaminer la question de savoir si l'état dépressif et les troubles psychiatriques de S. sont en rapport avec son accident du travail du 20 mai 1977.

Cette question ayant été positivement tranchée dans les motifs du jugement du 18 juin 2001 non entrepris par un appel, la commission des rentes a à tort dans sa décision du 12 avril 2002, par confirmation de la décision présidentielle du 20 février 2002, refusé d'allouer une rente accident du chef de l'accident du travail du 20 mai 1977 au motif que suivant avis du médecin-conseil du Contrôle médical l'état dépressif et les troubles psychiatriques de S. ne sont pas en rapport avec l'accident en question.

Il s'ensuit que le Conseil arbitral des assurances sociales a à bon droit déclaré le recours de S. fondé et renvoyé l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance afin de fixer le début et le taux de la rente partielle due à l'assuré.

Le jugement entrepris est partant à confirmer.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales.

statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,

reçoit l'appel en la forme,

le dit non fondé,

partant confirme le jugement entrepris.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 25 juin 2003 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.

Le Président, signé: Conzémius

Le Secrétaire, signé: Spagnolo

 

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