TAL-01.07.1987

Thème(s)
Procédure juridictionnelle
Domaine(s)
Désistement
Mot(s) clef(s)
Désistement d'instance  | Désistement d'action  | Qualification  | Effets

Référence

  • TAL-01.07.1987
  • N. 362/87.
  • Numéro 31417 du rôle
  • U197812491

Base légale

  • Art0115-CSS
  • Art0118-CSS

Sommaire

Le désistement d'instance produit l'extinction de l'instance, mais laisse subsister la prétention et le droit d'action qui lui est attaché. Le désistement d'action équivaut à l'abandon du pouvoir d'agir dans une hypothèse donnée. En cas de désistement d'instance la possibilité d'introduire un nouveau procès subsite tandis que cette possibilité n'existe plus en cas de désistement d'action.

La qualification d'un désistement en désistement d'action relève du pouvoir souverain des juges du fond. En général un acte de désistement équivoque doit s'interpréter comme un désistement d'instance plutôt que comme un désistement d'action.

Corps

Entre:

le sieur P., employé privé, demeurant actuellement à ..., DEMANDEUR aux termes d'unexploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER de Luxembourg en date des 23, 24 et 27 février 1984, comparant par Maître François BEISSEL, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg

et :

1) la société à responsabilité limitée "Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs", établie et ayant son siège social à Sandweiler, représentée par son gérant actuellement en fonctions;

2) le sieur J., employé de l'Etat, demeurant à ...,

DEFENDEURS aux fins du prédit exploit KREMMER,

comparant par Maître Vic GILLEN, avocat-avoué, assisté de Maître Pierre BERNA, avocat-avoué, les deux demeurant à Luxembourg;

3) L'Association d'Assurances contre les Accidents, établie et ayant son siège social à Luxembourg, 125, route d'Esch, représentée par le Président de son comité-directeur,

DEFENDERESSE aux fins du prédit exploit KREMMER,

défaillante.

Les faits à la base de la présente demande se résument comme suit:

Le 31 octobre 1978 P., chauffeur professionnel, employé par la firme ..., s'était présenté avec le camion de son employeur auprès de la société à responsabilité limitée Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs pour faire effecteur les contrôles prescrits. Arrivé au stand de réglage des freins il s'allongea sous son véhicule afin d'introduire un tuyau de pression près d'une roue arrière gauche. Lorsque P. était étendu sous son véhicule, un employé de la société Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs, à savoir J., voyant que des lampes étaient restées allumées au camion, monta dans la cabine du véhicule et en voulant éteindre le contact qu'il croyait allumé, appuya sur le démarreur, ce qui entraîna une embardée du véhicule, causant des fractures à P..

Par exploit des 4 et 7 décembre 1981 P. avait une première fois assigné la société à responsabilité limitée Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs en indemnisation des dommages subis suite à l'accident du 31 octobre 1978. Maître GILLEN, avoué constitué pour la défenderesse, avait conclu à l'irrecevabilité de la demande basée sur les principes de la responsabilité contractuelle, en invoquant l'article 115 du Code des Assurances Sociales, le défaut de qualité dans le chef de la défenderesse et l'absence de relations contractuelles entre P. et la société Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs.

Le 30 juin 1982 Maître WILDGEN, avoué constitué pour P., avait fait savoir aux avoué adverses que "suite aux conclusions de Maître GILLEN du 3 juin je vous prierais de me soumettre votre état des frais et émoluments alors que ma partie se désistera".

A l'heure actuelle les parties défenderesses, la société à responsabilité limitée Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs et J., concluent à l'irrecevabilité de la demande au motif que la demanderesse se serait désistée de l'action.

P. résiste au moyen d'irrecevabilité en faisant plaider que par la lettre missive de Maître WILDGEN du 30 juin 1982, il se serait seulement désisté de l'instance et que dès lors il serait libre d'intenter un nouveau procès sur base des principes de la responsabilité aquilienne.

Le désistement d'instance produit l'extinction de l'instance, mais laisse subsister la prétention et le droit d'action qui lui est attaché.

Le désistement d'action est un acte beaucoup plus grave que le désistement d'instance car il équivaut à l'abandon du pouvoir d'agir dans une hypothèse donnée.

En cas de désistement d'instance la possibilité d'introduire un nouveau procès subsite tandis que cette possibilité n'existe plus en cas de désistement d'action.

La qualification d'un désistement en désistement d'action relève du pouvoir souverain des juges du fond. En général un acte de désistement équivoque doit s'interpréter comme un désistement d'instance plutôt que comme un désistement d'action. (cf. Encyclopédie Dalloz, Ed. 1955, Vo Désistement No 91).

En l'occurrence il ne résulte pas avec certitude de la lettre missive du 30 juin 1982 si le désistement s'explique par la conviction du demandeur que sa prétention était mal fondée et qu'il n'y avait pas d'espoir d'obtenir gain de cause(désistement d'action) ou par sa conviction que sa prétention était en principe fondée et qu'il pouvait obtenir gain de cause en intentant sur une base juridique différente un nouveau procès.

Compte tenu des règles d'interprétation applicables en matière de désistement et exposées ci-dessus, il faut décider que par la lettre du 30 juin 1982, essentiellement équivoque, le demandeur s'est désisté de l'instance et non de l'action. Il lui est donc encore parfaitement loisible d'intenter un nouveau procès et le premier moyen d'irrecevabilité n'est donc pas fondé.

Les défendeurs font plaider en second lieu que sur base de l'article 115 du Code des Assurances Sociales le demandeur serait irrecevable à intenter une action en responsabilité civile de droit commun.

L'article 115 du Code des Assurances Sociales a la teneur suivante:

"Les personnes assurées en vertu de la présente loi, leurs ayants droit et leurs héritiers, même s'ils n'ont aucun droit à une pension, ne peuvent en raison de l'accident agir judiciairement en dommages-intérêts contre l'entrepreneur, ni dans le cas d'un travail connexe ou d'un travail non connexe exécutés en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l'association d'assurance contre les accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu'un jugement pénal n'ait déclaré les défendeurs coupables d'avoir intentionnellement provoqué l'accident."

Le demandeur s'empare de l'article 118 du Code des Assurances Sociales et soutient que les défendeurs seraient à considérer comme tiers non désignés par l'article 115 et en tant que tels responsables conformément aux principes de droit commun.

Le demandeur soutient encore qu'il serait de toute façon autorisé à demander réparation du dommage d'une autre espèce que celui couvert par l'Association d'Assurances contre les Accidents, tels que dommage moral, dommage vestimentaire etc.

L'article 115 du Code des Assurances Sociales, dans les conditions qu'il précise, exclut une action judiciaire en responsabilité civile, à moins que l'auteur n'ait agi intentionnellement.

C'est donc en principe la substitution de l'Association d'Assurances contre les Accidents et de ses prestations à la responsabilité individuelle. La faute et la responsabilité individuelles sont écartées, mais en échange de ce système simplifié, la réparation n'est que forfaitaire, et partant partielle (cf. Roger Thiry, Actions et Recours des Assurances Sociales devant les juridictions répressives, Ed. 1964, nO. 231).

Il suit de ce qui précède que du moment qu'il s'avère que l'action de P., qui est une action judiciaire en responsabilité civile, s'inscrit dans les conditions d'application de l'article 115 du Code des Assurances Sociales, la demande, même si elle porte sur un dommage autre que celui couvert par l'Association d'Assurances contre les Accidents, est irrecevable.

Il échet donc d'analyser si la demande de P. s'inscrit réellement dans les conditions d'application de l'article 115 du Code des Assurances Sociales.

L'accident dont P. est devenu la victime revêt incontestablement le caractère d'un accident de travail. P. s'est d'ailleurs vu allouer une rente viagère par l'Association d'Assurances contre les Accidents.

L'accident n'a pas été intentionnellement provoqué. Tant la société Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs que la firme ... sont membres de l'Association d'Assurances contres les Accidents, P. a soutenu qu'il se serait couché sous le camion sur instructions d'un préposé de la société Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs. A supposer que ce soutènement soit conforme à la réalité, P. serait à considérer comme préposé occasionnel de la société Station de Contrôle Technique pour Automoteurs (cf. Cass. soc. 14.1. 1981; Bull. civ. V no 31; J.C.P. 81 éd. 6, IV, 103). Il dirigerait donc son action contre son propre entrepreneur et contre un autre préposé de celui-ci.

A supposer que P. se fût glissé de par sa propre initiative sous le camion, il resterait qu'il aurait agi dans le cadre du travail lui confié par la firme ..., à savoir présenter le camion au contrôle technique. Il existerait dans ce cas un lien de connexité entre le travail exécuté par P. et le travail exécuté par le préposé de la société Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs, travail consistant à contrôler les véhicules. P. se trouverait donc dans l'hypothèse d'un assuré exerçant, dans le cas d'un travail connexe, une action contre un membre de l'Association d'Assurances contre les Accidents et contre un préposé de celui-ci.

Il résulte de ce qui précède que quelles qu'aient été les circonstances de fait exactes de l'accident, P. se trouve toujours dans l'hypothèse où l'article 115 du Code des Assurances Sociales ne confère pas à la victime d'un accident de travail une action en responsabilité civile.

L'action du demandeur P. est donc à déclarer irrecevable.

Il échet de déclarer le présent jugement commun à l'Association d'Assurances contre les Accidents.

Par ces motifs:

le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, huitième section, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement à l'égard de la société à responsabilité limitée Station de Contrôle Technique pour Véhicules Automoteurs et à l'égard de J., et par défaut, faute de comparaître, à l'égard de l'Association d'Assurances contre les Accidents, le représentant du Ministère Public entendu,

déclare non fondé le moyen d'irrecevabilité tiré d'un prétendu désistement d'action;

déclare l'action irrecevable sur base de l'article 115 du Code des Assurances Sociales;

condamne P. aux frais et dépens de l'instance et en ordonne la distraction au profit de Maître Vic. GILLEN, avoué concluant qui la demande, affirmant en avoir fait l'avance;

déclare le présent jugement commun à l'Association d'Assurance contre les Accidents.

 

Dernière mise à jour