CSSS-13.05.1998

Thème(s)
Procédure juridictionnelle
Domaine(s)
Recours
Mot(s) clef(s)
Recours non motivé  | Formalité non substantielle  | Preuve d'un grief  | nullité  | Recevabilité

Référence

  • CSSS-13.05.1998
  • Aff. C. c/ AAI
  • U199620066

Base légale

  • Art0001-al02-RGD 24.12.1993
  • Art0020-al02-RGD 24.12.1993
  • Art1030-CPC

Sommaire

Aux termes de l'article 1, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 déterminant en application de l'article 294 du code des assurances sociales la procédure à suivre devant le Conseil arbitral et le Conseil supérieur des assurances sociales, ainsi que les délais et frais de justice, la requête doit énoncer l'objet de la demande et l'exposé sommaire des moyens. En l'espèce la requête est muette quant aux moyens invoqués à l'appui du recours. Suivant l'article 20 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 prémentionné, "pour autant que le présent titre ne prévoit pas de disposition spécifique, les règles de procédure civile devant les justices de paix sont applicables". Comme la requête prévue à l'article 1er dudit règlement grand-ducal, la citation devant le juge de paix doit énoncer sommairement l'objet et les moyens de la demande, sans que l'absence ou l'insuffisance de ces mentions soit sanctionnée par une nullité textuelle.

Suivant l'article 1030 du code de procédure civile, aucun exploit ou acte de procédure ne pourra être déclaré nul, si la nullité n'en est pas formellement prononcée par la loi. Les nullités d'ordre public doivent être prononcées d'office bien que la loi ne les prononce pas formellement. En outre il convient de faire une distinction entre les formalités substantielles et celles qui ne le sont pas. Ainsi l'omission des formalités substantielles d'un acte emporte nullité, bien que la loi ne l'ait pas exprimé. Sont qualifiées de formes substantielles, celles qui sont prescrites par une loi d'ordre public ou qui sont indispensables pour qu'un acte de procédure puisse remplir sa fonction et conserver encore quelque valeur. Le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d'être et lui est indispensable pour remplir son objet. Dans le silence de la loi, il appartient au juge d'apprécier si l'absence d'une mention prévue par la loi est de nature à enlever à l'acte son caractère et son utilité, et doit être sanctionnée par la nullité.

En l'espèce, l'omission d'énoncer au moins sommairement les moyens de la demande constitue une irrégularité intrinsèque à l'acte, mais, étant prévue dans le seul intérêt de la partie adverse, cette mention n'a aucun caractère d'ordre public. En outre, si l'exigence de mentionner les moyens de la demande dans une citation devant le juge de paix ou dans une assignation devant le tribunal présente une utilité particulière c'est parce que l'indication des moyens permet à la partie défenderesse de préparer sa défense en justice. Or, l'indication des moyens ne présente plus le même intérêt dans la requête prévue à l'article 1er du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 étant donné que le recours exercé devant le Conseil arbitral a été précédé d'une procédure administrative au cours de laquelle une instruction détaillée des prétentions de l'assurée a été faite de sorte que l'assurance accident dont les organes compétents avaient statué à deux reprises sur la demande était parfaitement renseignée sur les moyens de l'assurée et n'avait pas besoin d'une itérative énonciation des moyens dans la requête pour préparer sa défense devant le Conseil arbitral. Comme en l'occurrence l'indication des moyens invoqués à l'appui du recours est en fait dépourvue de toute utilité et comme par conséquent la requête, nonobstant l'absence de motivation, remplit néanmoins pleinement la fonction que le règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 lui assigne, l'on ne saurait reconnaître un caractère substantiel à l'énonciation des moyens. Comme en l'espèce les conditions auxquelles la loi subordonne la nullité ne sont pas réunies, celle-ci ne peut être prononcée.

Corps

N° du reg.: GE 205/97
N° :117/98

AUDIENCE PUBLIQUE DU
CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
du treize mai 1900 quatre-vingt-dix-huit à LUXEMBOURG

Composition:  
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, président
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Camille Hoffmann, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Henri Lallemang, maître-bottier, Esch-sur-Alzette, assesseur-employeur
M. Gilbert Kugener, employé privé, Niederfeulen, assesseur-salarié
M. Richard Trausch, sécrétaire

ENTRE:

C. , née le ..., demeurant à ..., appelante, assistée de maître Georges Pierret, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de maître Jean Hoffeld, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;

et

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg, intimée, comparant par monsieur Georges Kohn, attaché de direction 1er en rang, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 19 décembre 1997, C. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 10 novembre 1997 dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours irrecevable.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 29 avril 1998, à laquelle, le rapporteur désigné, monsieur Marc Kerschen, fit l'exposé de l'affaire.

Maître Georges Pierret, pour l'appelante, conclut à voir déclarer recevable le recours déposé au Conseil arbitral le 13 juin 1997 et au renvoi de l'affaire devant le Conseil arbitral autrement composé pour y voir statuer sur le fond du litige.

Monsieur Georges Kohn, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 10 novembre 1997.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par jugement rendu en date du 10 novembre 1997 le Conseil arbitral des assurances sociales a déclaré irrecevable le recours introduit par C. contre la décision de la commission des rentes du 26 mai 1997 ayant par confirmation de la décision présidentielle du 25 mars 1997 refusé la prise en charge d'un nouveau pont en porcelaine.

Pour statuer comme ils l'ont fait les premiers juges ont dit que la requête introductive d'instance présentée par C. ne satisfait pas aux exigences prescrites par l'article 1er du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 alors qu'elle ne contient pas de précisions suffisantes au sujet de l'objet du recours et n'est basée sur aucun moyen ou argument valable et précis pouvant être pris en considération et pouvant mettre le Conseil arbitral en mesure de procéder à un contrôle efficace de la décision attaquée et d'apprécier la nature et la portée des griefs que l'assurée croit pouvoir invoquer et qui sont à formuler dans la requête dans le délai prévu.

De ce jugement C. a régulièrement relevé appel par requête déposée en date du 19 décembre 1997. Elle demande par réformation de la décision entreprise de déclarer son recours recevable et de renvoyer l'affaire en prosécution de cause devant les premiers juges.

L'intimée conclut à la confirmation du premier jugement.

Aux termes de l'article 1, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 déterminant en application de l'article 294 du code des assurances sociales la procédure à suivre devant le Conseil arbitral et le Conseil supérieur des assurances sociales, ainsi que les délais et frais de justice, la requête doit énoncer l'objet de la demande et l'exposé sommaire des moyens.

En l'espèce la requête déposée en date du 13 juin 1997 est muette quant aux moyens invoqués à l'appui du recours.

Suivant l'article 20 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 prémentionné, "pour autant que le présent titre ne prévoit pas de disposition spécifique, les règles de procédure civile devant les justices de paix sont applicables".

Comme la requête prévue à l'article 1er dudit règlement grand-ducal, la citation devant le juge de paix doit énoncer sommairement l'objet et les moyens de la demande, sans que l'absence ou l'insuffisance de ces mentions soit sanctionnée par une nullité textuelle.

Or, suivant l'article 1030 du code de procédure civile, aucun exploit ou acte de procédure ne pourra être déclaré nul, si la nullité n'en est pas formellement prononcée par la loi.

La formule «aucun exploit ou acte de procédure ne pourra être déclaré nul» s'entend des nullités intrinsèques qui viennent d'un acte mal rédigé. L'article 1030 du code de procédure civile est étranger aux nullités extrinsèques des actes qui tiennent au défaut d'intérêt, de qualité ou de capacité d'une partie ou encore à l'incompétence ou l'absence de pouvoir de l'officier ministériel qui a rédigé l'acte. En outre, les nullités d'ordre public doivent être prononcées d'office bien que la loi ne les prononce pas formellement. Enfin, il échet de faire une distinction entre les formalités substantielles et celles qui ne le sont pas. Ainsi l'omission des formalités substantielles d'un acte emporte nullité, bien que la loi ne l'ait pas exprimé. Sont qualifiées de formes substantielles, celles qui sont prescrites par une loi d'ordre public ou qui sont indispensables pour qu'un acte de procédure puisse remplir sa fonction et conserver encore quelque valeur ( cf. Code annoté Dalloz, T. 4, 1922, article 1030, n° 9 et ss. ). Le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d'être et lui est indispensable pour remplir son objet ( Cass. civ. 3 mars 1955, Gaz. Pal. 1955, 1, 426 ). En outre, dans le silence de la loi, il appartient au juge d'apprécier si l'absence d'une mention prévue par la loi est de nature à enlever à l'acte son caractère et son utilité, et doit être sanctionnée par la nullité ( cf. Code annoté Dalloz, 1910 T. 1 article 1 no 9

En l'espèce, l'omission d'énoncer au moins sommairement les moyens de la demande constitue une irrégularité intrinsèque à l'acte, mais, étant prévue dans le seul intérêt de la partie adverse, cette mention n'a aucun caractère d'ordre public.

En outre, si l'exigence de mentionner les moyens de la demande dans une citation devant le juge de paix ou dans une assignation devant le tribunal présente une utilité particulière c'est parce que l'indication des moyens permet à la partie défenderesse de préparer sa défense en justice.

Or, l'indication des moyens ne présente plus le même intérêt dans la requête prévue à l'article 1er du règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 étant donné que le recours exercé devant le Conseil arbitral a été précédé d'une procédure administrative au cours de laquelle une instruction détaillée des prétentions de l'assurée a été faite et qui a donné lieu d'abord à une décision présidentielle et, sur recours, à une décision de la commission des rentes, de sorte que la partie intimée dont les organes compétents avaient statué à deux reprises sur la demande était parfaitement renseignée sur les moyens de l'assurée et n'avait pas besoin d'une itérative énonciation des moyens dans la requête pour préparer sa défense devant le Conseil arbitral.

Il a ainsi été jugé à propos des irrégularités commises dans l'énonciation de l'objet de l'exploit que, dès lors qu'un défendeur sait, par la procédure de référé à laquelle il a été partie ainsi que par la signification du rapport de l'expert commis en référé faite dans le même exploit, que la citation devant le tribunal civil, en demandant qu'il soit statué sur ce rapport, tend nécessairement à la reconnaissance des responsabilités retenues audit rapport et à l'allocation de dommages et intérêts pour malfaçons chiffrées par celui-ci, il ne peut exciper de la nullité de cette citation comme ne contenant pas suivant les prescriptions de l'article 61 du code de procédure civile, l'objet de la demande.

A cela s'ajoute que le pouvoir exécutif en édictant le règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 a entendu instituer une procédure simple et dépourvue de tout formalisme irritant.

Comme en l'occurrence l'indication des moyens invoqués à l'appui du recours est en fait dépourvue de toute utilité et comme par conséquent la requête, nonobstant l'absence de motivation, remplit néanmoins pleinement la fonction que le règlement grand-ducal du 24 décembre 1993 lui assigne, l'on ne saurait reconnaître un caractère substantiel à l'énonciation des moyens.

La partie qui soulève la nullité d'un acte de procédure, doit établir, outre le caractère substantiel de la formalité dont la violation n'est pas sanctionnée par une disposition expresse de la loi, le grief que l'irrégularité lui cause, et cela même si une formalité substantielle est en cause, l'article 173, alinéa 2, du code de procédure civile disposant qu'aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse.

Il appartient à la partie qui soulève la nullité d'un acte de procédure de justifier des conditions de la nullité.

Comme en l'espèce les conditions auxquelles la loi subordonne, la nullité ne sont pas réunies, celle-ci ne peut être prononcée.

Il échet partant par réformation du jugement entrepris de déclarer le recours de C. recevable.

Étant donné que la matière n'est pas en l'état actuel disposée à recevoir une décision définitive, il y a lieu de renvoyer l'affaire en prosécution de cause devant le Conseil arbitral des assurances

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,

reçoit l'appel en la forme,

le dit fondé,

réformant:

déclare le recours de C. recevable;

renvoie l'affaire en prosécution de cause devant le Conseil arbitral des assurances sociales, autrement composé

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 13 mai 1998 par Madame le Président, Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Richard Trausch, secrétaire.

 

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