Reg. N° G 453/06
GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
Conseil Arbitral des Assurances Sociales
Audience publique du dix-sept avril deux mille sept
Composition: | |
M. Paul Capésius, | président du siège, |
M. Henri Lallemang, | assesseur-employeur, |
M. Emile Gasper, | assesseur-assuré, |
ces deux derniers dûment assermentés; | |
M. Christophe Alesch, | secrétaire, |
Entre :
M., né le ..., demeurant à... ;
demandeur,
comparant en personne assisté de Maître Josette Elvinger, avocat-avoué, Luxembourg;
Et:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg,
représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange ;
défenderesse,
comparant par Monsieur Marion Frisch, inspecteur principal, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite ;
Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales le 12 septembre 2006, la partie requérante forma recours contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 27 juillet 2006.
Après avoir été fixée au rôle général en date du 23 janvier 2007, l'affaire fut réappelée à l'audience du 13 mars 2007, à laquelle le requérant comparut en personne assisté de Maître Josette Elvinger, préqualifiée.
La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Marion Frisch, préqualifié.
Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire. Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.
La partie requérante maintint ses conclusions introductives d'instance.
La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.
Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit :
Attendu que le requérant M. fait grief à une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents du 27 juillet 2006 d'avoir, par confirmation de la décision présidentielle du 6 juillet 2005, décliné la responsabilité de l'Association d'assurance en ce qui concerne un accident de la circulation survenu le 2 décembre 2004 au cours du trajet effectué par le requérant pour se rendre au travail, le rejet ayant été décidé au motif que l'assuré a causé l'accident en question par sa faute lourde ;
Attendu que le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi ;
Attendu que la responsabilité a été déclinée au motif qu'il résulte d'un certificat joint au procès-verbal dressé par la police que le véhicule conduit par l'assuré a été refusé au contrôle technique en date du 22 octobre 2004 pour manquements graves (entre autres axes pivots, rotule de suspension et freins) et qu'en prenant néanmoins le volant dudit véhicule pour rejoindre son lieu de travail, il a agi en pleine connaissance du risque encouru avec acceptation délibérée de la probabilité du dommage ;
que le comité-directeur a retenu en outre que l'assuré est resté en défaut d'apporter la preuve que le véhicule a été réparé, que les défauts graves au véhicule peuvent bien être à l'origine de l'accident et que le fait que le procès-verbal retient qu'aucun problème technique n'a été décelé serait sans pertinence étant donné que la police n'a pu contrôler cela puisque la voiture était totalement endommagée après l'accident ;
que le comité-directeur a relevé que malgré la présence d'une signalisation avec un panneau annonçant des travaux routiers sur l'autoroute et malgré la mise en place de cônes sur l'autoroute barrant la voie de droite, l'assuré a roulé sans ralentir sur cette voie de droite à travers les cônes pour percuter finalement une voiture de signalisation et que suivant procès-verbal dressé par la police il est reproché à l'assuré d'avoir circulé à une vitesse dangereuse avec le véhicule sans certificat de contrôle technique valable ;
Attendu que le requérant verse une facture en rapport avec l'achat de pièces utiles à la réparation de sa voiture et fait valoir qu'il avait fait procéder avec l'aide d'un mécanicien-chauffeur aux réparations les plus importantes pour la circulation sur sa voiture, de sorte qu'il a pris le volant de sa voiture persuadé qu'elle était bien réparée, en parfait état de marche et absolument apte pour la circulation, même s'il n'était pas encore retourné au contrôle technique pour représenter sa voiture afin d'obtenir le certificat de contrôle technique valable ;
Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision de rejet en observant qu'il n'est pas établi que la personne qui aurait effectué les réparations à la voiture à la qualité d'un garagiste mécanicien professionnel ;
Attendu que selon l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octob1re 1952 ayant pour objet de modifier l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92 alinéa final du Code des assurances sociales l'accident de trajet que l'assuré a causé ou auquel il a contribué par sa faute lourde ne donnera pas lieu à réparation ;
Attendu que la faute lourde qui exonère l'Assurance-accidents-industrielle de toute responsabilité est une faute assimilable à un fait intentionnel, qui dépasse le cadre des fautes légères usuelles dues à l'inattention ; que l'assuré doit avoir agi en pleine connaissance du risque encouru, avec la conscience des conséquences dommageables susceptibles de s'ensuivre et l'acceptation non d'une possibilité mais de la probabilité du dommage (voir affaire A. c/AAI, arrêt du CSAS du 13 décembre 1995) ;
Attendu que la faute lourde se caractérise par une erreur grossière, une négligence énorme et impardonnable ;
qu'elle est d'une gravité exceptionnelle et suppose une volonté consciente du danger que l'action peut entraîner, conscience que son auteur devait avoir au moment du fait à lui reproché, et qu'elle ne se limite partant pas à celle impliquant la volonté délibérée de provoquer un sinistre qui devient ainsi certain, mais qu'il faut lui assimiler celle commise en pleine connaissance du risque encouru avec la conscience des conséquences dommageables susceptibles de s'en suivre et l'acceptation non d'une possibilité mais de la probabilité du dommage (cf. CSAS 23.11.1994 P. c/AAI N° 187/94; CSAS 11.07.1997 C. c/AAI No 108/97; CSAS 09.06.1999 A. c/AAI No 86/99; CSAS 23.10.2000 S. c/AAI N° 2000/0127);
Attendu que dans un arrêt rendu le 22 janvier 2001 dans une affaire B. contre AssuranceAccidents-Industrielle le Conseil supérieur des assurances sociales a retenu que le fait retenu à charge de l'assuré d'avoir circulé sans certificat de contrôle technique valable est sans incidence alors qu'aucune déficience d'ordre technique ayant pu être en relation causale avec l'accident n'a été relatée au procès-verbal ;
Attendu que les enseignements à tirer de cet arrêt ne sont pas transposables mutatis mutandis à la présente affaire alors qu'il ressort des photos de la voiture accidentée que celle-ci a été totalement endommagée, de sorte que les agents de la police n'ont pu contrôler si l'état technique de la voiture, notamment l'état des freins, était en règle pour la circulation et conforme aux prescriptions du Code de la route;
Attendu que le requérant n'est pas en mesure de rapporter la preuve sur base d'une facture détaillée émanant d'un garagiste professionnel agréé que les graves défectuosités constatées à la voiture lors du contrôle technique du 22 octobre 2004 et concernant en particulier les freins, défectuosités dont l'assuré avait obtenu connaissance et qui ont pu être à l'origine de l'accident, avaient effectivement fait l'objet d'une réparation dans un garage professionnel selon les règles de l'art et ceci avant le début du trajet pour se rendre au travail en date du 2 décembre 2004;
Attendu qu'il y a lieu de conclure en l'espèce sur base de l'analyse des circonstances de l'accident que le requérant, en conduisant sans certificat de contrôle technique valable, en connaissance du fait que les défectuosités et manquements graves aux freins constatés lors d'un contrôle technique du 22 octobre 2004 avaient entraîné le rejet de la voiture comme n'étant pas conforme aux prescriptions du Code de la route, lesquelles défectuosités sont de nature à être la cause de l'accident du 2 décembre 2004, en conduisant à vitesse dangereuse suivant les circonstances malgré la présence d'une signalisation annonçant des travaux sur l'autoroute, en heurtant des cônes placés sur l'autoroute avant de heurter une voiture de signalisation munie de façon bien visible d'une flèche lumineuse indiquant un contournement obligatoire à gauche, a fait preuve d'une persévérance volontaire pendant un certain temps dans un comportement hautement imprudent et dangereux au point d'avoir dû accepter délibérément la probabilité de l'accident et d'avoir dû accepter délibérément un risque grave de mettre en danger sa vie et celle des autres usagers de la voie publique ;
Attendu que même si une conduite en état d'influence de l'alcool n'a pas été constatée à charge du requérant, toujours est-il que le comportement de l'assuré a été tel qu'il ne pouvait être considéré comme ayant agi par simple inadvertance passagère, mais qu'il a dû se rendre compte du danger qu'il courait en persistant volontairement dans son comportement qui était bien constitutif de la faute lourde se caractérisant par une négligence et imprudence d'une gravité exceptionnelle;
Attendu que la décision du comité-directeur est dès lors à confirmer au motif que la victime a causé l'accident par sa faute lourde exonérant l'assurance-accidents-industrielle de la responsabilité et excluant l'indemnisation des suites dommageables de l'accident conformément à l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952;
Par ces motifs,
le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,
déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.
La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 17 avril 2007 en la salle d'audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Monsieur Christophe Alesch, secrétaire.
signé : Capésius, Alesch