CSSS-08.02.1995

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Faute lourde
Mot(s) clef(s)
Définitions  | Etat d'ivresse  | Etat de fatigue

Référence

  • CSSS-08.02.1995
  • Aff. P. c/ AAI
  • No Reg 15/93
  • No 29/95
  • U199114219

Base légale

  • Art0092-al03-CSS
  • Art0004-RGD 22.08.1936

Sommaire

L'assuré qui n'a pu avoir dormi que 2 heures sur plus des 32 heures précédant l'accident et dont le test alcoolique fait plus de 4 heures après l'accident révélant encore un taux de 1,18% a dû nécessairement se rendre compte qu'il courait un risque énorme en conduisant une voiture la nuit, acceptant ainsi délibérément un risque grave et inutile.

Sa façon d'agir est à qualifier de faute lourde au sens de l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952.

Corps

Par jugement rendu le 10 décembre 1992, le Conseil arbitral a déclaré non fondé le recours exercé par P. contre une décision de la commission des rentes du 27 juillet 1992, déclinant la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et la prise en charge par celle-ci des suites de l'accident de circulation du 2 septembre 1991 au motif que le requérant fut victime d'un accident de trajet qu'il avait causé et auquel il avait contribué par sa faute lourde au sens de l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952, qui exonère l'Assurance-accidents- industrielle de la responsabilité et exclut l'indemnisation.

L'appel relevé le 26 janvier 1993 par P. dans les forme et délai légaux est recevable.

L'appelant conteste avoir commis une faute lourde au sens de la disposition réglementaire précitée. Il fait valoir que son "état d'imprégnation alcoolique" n'aurait pas eu d'influence dans la genèse de l'accident qui ne serait dû qu'à "un simple défaut de prévoyance".

Tout en contestant s'être endormi au volant, il affirme que pour le cas où le Conseil supérieur estimait devoir le retenir, le fait de s'être endormi s'expliquerait par son travail de nuit.

La notion de faute lourde suppose non seulement une culpabilité personnelle et réfléchie dans le chef de l'assuré, mais une culpabilité d'un degré de gravité caractérisé, dépassant le cadre des fautes légères usuelles dues à l'inattention et auxquelles tout élément intentionnel fait défaut. Il faut donc y voir toute faute commise en pleine connaissance du risque encouru, avec la conscience des conséquences dommageables susceptibles de s'ensuivre et l'acceptation non d'une simple possibilité, mais de la probabilité du dommage.

Il ressort du procès-verbal no 184 du 2 septembre 1991 dressé par la Brigade de Gendarmerie de ... que P. se rendait vers 5.15 heures du matin à son travail à l'usine ....

Dans le virage à droite au lieu-dit "...", à la hauteur du poste "....", sa voiture quittait le côté réglementaire et heurtait de front une voiture venant au sens inverse dans laquelle la conductrice fut tuée et deux passagères blessées.

Le test alcoolique fait sur P. plus de 4 heures après l'accident révélait encore un taux de 1, 18%. P. lui-même avait déclaré aux agents qu'il avait soudain réalisé qu'il conduisait sur le côté gauche et qu'il s'opposait s'être probablement endormi. Son état de fatigue ne s'explique cependant pas, comme il l'entend, par son "activité professionnelle", mais par son emploi du temps la veille de l'accident. Lui-même a déclaré qu'il était rentré de son poste de nuit à 6 heures du matin et qu'il n'avait pas dormi pendant la journée.

L'après-midi il est allé visiter son épouse, hospitalisée à .... Vers 19.30 heures il a quitté l'hôpital en compagnie de son beau-frère est s'est rendu d'abord à la "..." de .... puis dans un débit de boissons à ... qu'il a quitté vers 1.10 heures du matin. Il est allé se coucher à ... au domicile de son beau-frère qui l'a réveillé à 3.30 heures pour se rendre au travail.

S'il n'est en l'espèce pas établi que P. a entendu provoquer le sinistre de façon délibérée, le Conseil supérieur estime cependant que l'affilié n'a pas agi par simple inadvertance passagère, mais à dû se rendre compte du danger qu'il courait et qu'il a malgré tout persisté volontairement dans son comportement de sorte que les critères de la faute lourde ci-dessus exposés se trouvent réunis. Compte tenu de son état de fatigue indéniable (P. n'a pu avoir dormi que 2 heures sur plus de 32 heures), il a persisté à conduire sous l'influence prononcée d'alcool, de sorte qu'il s'était nécessairement rendu compte qu'il courait un risque énorme en conduisant une voiture la nuit entre ... et ...., acceptant ainsi délibérément un risque grave et inutile.

Sa façon d'agir a donc été à juste titre qualifiée de faute lourde au sens de l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952 par les premiers juges.

 

Dernière mise à jour