CSSS-23.11.1994

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Faute lourde
Mot(s) clef(s)
Définitions  | Dépassement interdit  | Ligne blanche continue

Référence

  • CSSS-23.11.1994
  • No 187/94
  • Aff. P. c/ AAI
  • U199105456

Base légale

  • Art0092-CSS
  • Art0004-RGD 22.08.1936
  • Art0002-RGD 27.10.1952

Sommaire

La faute lourde se caractérise par une erreur grossière, une négligence énorme et impardonnable. Elle est d'une gravité exceptionnelle et suppose une volonté consciente du danger que l'action peut entraîner, conscience que son auteur devait avoir au moment du fait à lui reproché. Elle ne se limite donc pas à celle impliquant la volonté délibérée de provoquer un sinistre qui devient ainsi certain, mais il faut lui assimiler celle commise en pleine connaissance du risque encouru avec la conscience des conséquences dommageables susceptibles de s'ensuivre et l'acceptation non d'une possibilité mais de la probabilité du dommage.

En l'espèce l'assuré connaissait parfaitement les lieux pour les emprunter journellement. Malgré cela il a entamé sa manoeuvre de dépassement à un endroit où la chaussée était divisée par une ligne continue. La façon de conduire est donc constitutive d'une faute lourde excluant la responsabilité de l'assurance- accidents.

Corps

ENTRE:

P., né le ...., demeurant à ....,

appelant,

comparant par maître Nicolas Decker, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;

ET:

L'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg, intimée,

comparant par monsieur Guy Kremer, inspecteur principal, demeurant à Luxembourg.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par requête déposée le 2 juillet 1992, P. a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu contradictoirement le 26 mai 1992 par le Conseil arbitral des assurances sociales entre lui-même et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, jugement qui a dit non fondé son recours dirigé contre une décision de la commission des rentes du 26 septembre 1991 ayant rejeté sa demande en indemnisation des suites d'un accident de circulation dont il fut victime le 28 mars 1991 au cours d'un trajet effectué entre son domicile et son lieu de travail, au motif que son comportement insoucieux et impardonnable serait à qualifier de faute lourde aux termes de l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952.

Dans sa requête d'appel P. conteste toute manoeuvre de dépassement lors de l'accident dont question et la faute lourde dans son chef pour conclure à voir déclarer engagée la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents.

L'intimée demande la confirmation de la décision entreprise.

Le procès-verbal dressé en cause et notamment le croquis y annexé tout comme les dépositions des témoins entendus permettent de décrire l'accident dont l'appelant a été victime comme suit:

P. au volant d'un cycle à moteur auxiliaire se dirigeait de la localité de ... vers ... lorsqu'à un endroit où la chaussée est divisée par une ligne continue blanche et où tout dépassement est interdit, il entama une manoeuvre de dépassement afin de doubler un camion qui le précédait. Il heurta une voiture automobile qui venait en sens inverse et qu'il n'arrivait pas à eviter malgré une manoeuvre d'évitement de sa part.

La rue qui mêne de ... à ... a une chaussée relativement étroite et sinueuse qui marque plusieurs montées et sur laquelle, en raison de sa configuration, tout dépassement est interdit.

Aux termes de l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952 ayant modifié l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92, alinéa final, du code des assurances sociales, ne donnera pas lieu à réparation "l'accident de trajet que l'assuré a causé ou auquel il a contribué par sa faute lourde".

La faute lourde se caractérise par une erreur grossière, une négligence énorme et impardonnable.

Elle est d'une gravité exceptionnelle et suppose une volonté consciente du danger que l'action peut entraîner, conscience que son auteur devait avoir au moment du fait à lui reproché. Elle ne se limite donc pas à celle impliquant la volonté délibérée de provoquer un sinistre qui devient ainsi certain, mais il faut lui assimiler celle commise en pleine connaissance du risque encouru avec la conscience des conséquences dommageables susceptibles de s'ensuivre et l'acceptation non d'une possibilité mais de la probabilité du dommage.

En l'espèce, l'on ne saura certes pas reprocher à P. d'avoir provoqué l'accident de façon délibérée, mais toujours est-il que les circonstances de la cause sont telles qu'il ne peut pas être considéré comme ayant agi par simple inadvertance passagère, mais qu'il a dû se rendre compte du danger qu'il courait en persistant volontairement dans son comportement.

Il s'est dégagé des plaidoiries à l'audience que l'appelant connaissait parfaitement les lieux pour les emprunter journellement. Malgré cela il a entamé sa manoeuvre de dépassement à un endroit où la chaussée était divisée par une ligne continue.

Le croquis contredit, au demeurant, formellement son affirmation qu'il n'aurait effectué le dépassement qu'à un moment où la ligne blanche touchait à sa fin, étant donné que la collision elle-même s'est produite encore au niveau de l'interdiction de dépassement. A cela s'ajoute que l'appelant qui au volant d'un cycle à moteur auxiliaire voulait dépasser un camion à un endroit où la chaussée, qui est en montée, marque un virage relativement prononcé, aurait dû savoir que son temps de dépassement devait être proportionnellement long et qu'il était hors de vue d'un conducteur venant en sens inverse.

En conduisant comme il l'a fait sur une route qu'il connaissait bien et qui est très fréquentée aux heures de pointe - l'accident a eu lieu vers 17 heures - P. a accepté délibérément le risque grave qu'il courait et qu'il ne pouvait ignorer. Sa façon de conduire est donc bien constitutive de la faute lourde qui exclut l'indemnisation de la part de l'Association d'assurance contre les accidents conformément à l'article 2 de l'arrêté grand-ducal du 27 octobre 1952.

L'appel est partant non fondé.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral du président du siège et contradictoirement à l'égard des parties en cause,

reçoit l'appel en la forme

au fond, le dit non justifié et en déboute,

partant confirme le jugement entrepris en toutes ses forme et teneur.

 

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