Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale
Audience publique du seize septembre deux mille quinze
Composition: | |
M. Tom Moes, | président du siège, |
M. Jean Seil, | assesseur-employeur, |
M. Jean Reusch, | assesseur-assuré, |
ces deux derniers dûment assermentés | |
M. Christophe Alesch, | secrétaire, |
Entre:
S., née le ***, demeurant à ***;
demanderesse,
comparant en personne et assistée par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg ;
Et:
Association d’assurance accident, dont le siège est à Luxembourg, représenté par le président de son comité-directeur, Monsieur Claude SEYWERT, Luxembourg ;
défenderesse
comparant par Monsieur R., inspecteur principal Ier en rang, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite ;
Par requête déposée au siège du Conseil arbitral de la Sécurité Sociale le 27 octobre 2014, la requérante forma recours contre la décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 25 septembre 2014.
Par lettres recommandées à la poste en date du 03 juin 2015, les parties furent convoquées pour l’audience du 1er juillet 2015, à laquelle la requérante comparut en personne et assistée par Maître Jean KAUFFMAN, mandataire pré-qualifié.
La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Romain RECH, pré-qualifié.
Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l’affaire.
Ensuite les parties présentèrent leurs observations.
La partie requérante maintint ses conclusions introductives d’instance.
La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.
Après prise en délibéré de l’affaire, le Conseil arbitral rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit :
Attendu que la requérante S. fait grief à une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident (AAA) du 25 septembre 2014 d’avoir, par confirmation de la décision présidentielle du 16 juillet 2014, refusé de prendre en charge, au titre d’un accident de trajet l’incident ayant eu lieu en date du 13 juin 2014 au motif que l’accident de la circulation n’est pas survenu sur le trajet assuré entre sa résidence (P***) et son lieu de travail (O***) conformément à l’article 93 du Code de la sécurité sociale, de sorte que les suites de cet accident ne seraient pas indemnisables par l’assurance accident ;
Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que la requérante S. a été victime en date du *** juin 2014 vers *** heures d’un accident de la circulation sur la N*** entre R*** et R***, la requérante ayant consulté avant de se rendre à son lieu de travail à O*** son médecin traitant, le Docteur K., établi à R***, et que par décision présidentielle du 16 juillet 2014, confirmée par la décision du comité-directeur du 25 septembre 2014, la responsabilité de l’Association d’assurance a été déclinée au motif que l’incident dommageable n’est pas survenu sur le trajet assuré entre sa résidence et son lieu de travail tel que le prévoit l’article 93 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que la requérante soutient à l’appui de son recours qu’elle a dû consulter avant de se rendre à son lieu de travail son médecin traitant habituel qu’elle consultait déjà à plusieurs reprises pour des problèmes de dos (coxalgies gauches) survenus depuis plusieurs jours sur le lieu du travail suite à la construction sur ledit lieu du travail d’une étagère, que cette consultation est partant liée à son activité professionnelle, ce qui serait établi par les certificats médicaux des Docteurs K. du 12 août 2014 et du 24 octobre 2014, I. du 24 juillet 2014 et G. du 12 janvier 2015, et que dès lors son accident devait être pris en charge par l’AAA, l’accident ayant eu lieu lors d’un détour commandé par les nécessités essentielles de la vie courante et relevant de l’activité assurée, la requérante n’ayant précisément pas subi l’évènement dommageable lors d’une activité privée de loisirs ;
Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision entreprise en soutenant que le détour ou l’interruption du trajet pour consulter un médecin serait à considérer comme interruption ou détour volontaire anormal(e), étant donné que la consultation d’un médecin a un caractère strictement personnel et n’est pas commandée par les nécessités journalières courantes de la vie et est sans lien avec l’activité professionnelle assurée ;
Attendu qu’aux termes de l’article 92 du Code de la sécurité sociale on entend par accident du travail celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l’occasion de son travail ;
que l’article 93 du même Code dispose ce qui suit : (1) « Est également considéré comme accident du travail celui survenu sur le trajet d’aller et de retour, - entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où l’assuré se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail, - entre le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où l’assuré prend habituellement ses repas.
(2) Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ou pour déposer ou reprendre l’enfant qui vit en communauté domestique avec l’assuré, auprès d’une tierce personne à laquelle il est obligé de le confier afin de pouvoir d’adonner à son occupation.
(3) N’est pas pris en charge l’accident de trajet que l’assuré a causé ou auquel il a contribué par sa faute lourde ou si le trajet a été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’activité assurée. » ;
que par ailleurs aux termes de l’article 97 du Code de la sécurité sociale l’assuré a droit à la réparation du préjudice résultant d’une lésion ou d’une maladie couvertes conformément aux articles 92 à 94 ;
Attendu que les principes juridiques régissant la matière, tels que ces principes se dégagent de l’article 92 du Code et de la jurisprudence, présument que tout accident qui se produit par le fait ou à l’occasion du travail est un accident du travail, sauf à l’Association d’assurance de rapporter la preuve que l’atteinte est due à une cause étrangère à l’emploi assuré (cf. arrêt de la Cour de cassation du 22 avril 1993, affaire K. c/ AAA) ;
Attendu qu’une double présomption se dégage dès lors de la définition de l’article 92 du Code :
a) une présomption de causalité d’après laquelle doit être retenu survenu par le fait ou à l’occasion du travail tout accident survenu à l’heure et au lieu du travail, sauf à l’organisme de sécurité sociale de rapporter la preuve que l’atteinte est due à une cause étrangère à l’emploi assuré ;
b) une présomption d’imputabilité d’après laquelle l’ensemble du dommage subi par la victime est réputé être la conséquence exclusive de l’accident ;
Attendu qu’il résulte en l’espèce des éléments de la cause que la requérante S., employée en tant que technicienne de surface par la société O., sise à O., elle-même étant domiciliée à P., a été la victime en date du *** juin 2014 vers *** heures d’un accident de la circulation grave sur la N *** entre R*** et R***, la requérante, avant de se rendre à son lieu de travail à O***, ayant consulté son médecin traitant, le Docteur K., établi à R***, pour des problèmes de dos, que cet accident s’est dès lors produit sur la prédite route à un endroit précédant son domicile et partant le trajet professionnel assuré entre P*** et O*** (cf. extrait de cartographie, pièce 5 du dossier administratif), son trajet professionnel n’ayant dès lors pas encore été entamé, qu’ainsi le détour fait par la requérante avant de se rendre à son lieu de travail était commandé par un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante et que le fait d’avoir consulté un médecin pendant son temps libre et non rémunéré, même pour une affection prétendument en relation avec son activité salariée, n’est pas de nature à créer un lien avec son activité professionnelle, la salariée ayant eu sa pleine indépendance et ne se trouvant pas encore sous l’autorité, la surveillance et la direction de son employeur (cf. Cour de Cassation, 13 janvier 2011, K., veuve A. c/ AAA, N° du registre 2805 ; CSAS, 30 juin 2003, S. c/ AAA, No. du reg. : GE 2003/0050 ; CSAS, 26 janvier 1994 Z. c/ AAI) ;
Attendu qu’il y a partant lieu de conclure que le recours est à déclarer non fondé et que la décision du comité-directeur du 25 septembre 2014 est à confirmer ;
Par ces motifs,
le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,
déclare le recours de S. recevable ;
le déclare non fondé ;
partant, confirme la décision du comité-directeur du 25 septembre 2014.
La lecture du présent jugement a été faite à l’audience publique du 16 septembre 2015 en la salle d’audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Tom MOES, en présence de Monsieur Christophe ALESCH, secrétaire.