CASS-19.11.2001

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Interruption - détour
Mot(s) clef(s)
Allongement raisonnable  | Interruption volontaire anormale  | Preuve (oui)

Référence

  • CASS-19.11.2001
  • K. c/ AAI
  • No. du reg.: G 149/01
  • U200105154

Base légale

  • Art0092-al01-CSS
  • Art0092-al02-CSS
  • Art0092-al03-CSS
  • Art0001-AGD 22.08.1936
  • Art0003-AGD 22.08.1936

Sommaire

Si l'article 3 de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 exclut expressément de l'indemnisation l'accident survenu au cours d'une interruption volontaire anormale du trajet, il faut admettre a contrario que l'accident survenu pendant une interruption volontaire normale du trajet, en rapport avec l'emploi, donne lieu à réparation. Il faut considérer comme normale toute interruption du trajet régulière et d'une pratique courante. Dans un arrêt rendu le 20 janvier 1977 le Conseil supérieur des assurances sociales a retenu que la ratio legis tend à une répartition équitable entre les risques de trajet, la responsabilité patronale et les droits de l'assuré social, que le parcours normal ne se confond pas nécessairement avec le trajet plus cours et qu'en cas d'encombrement de la voie normale, l'assuré social est en droit d'opérer un détour comportant moins de risques, à condition que l'allongement de l'itinéraire reste dans une limite acceptable et n'est pas dicté par des motifs étrangers au travail ou par un intérêt personnel.

Corps

Reg. No G 149/01

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Conseil Arbitral des Assurances Sociales

Audience publique du 19 novembre 2001

Composition:  
M. Paul Capésius, président du siège,
Mme Andrée Clemang, assesseur-délégué,
M. Pierre Trausch, assesseur-délégué,
ces deux derniers dûment assermentés  
Christophe Alesch, secrétaire,

Entre :

K., né le ..., demeurant à ...
demandeur,

comparant en personne assisté de Maître Monique Wirion, avocat-avoué, Luxembourg ;

Et:

l'Association d'Assurance contre les Accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange;

défenderesse,

comparant par Monsieur Romain Rech, inspecteur principal, demeurant à Dudelange, mandataire suivant procuration écrite;

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales le 29 juin 2001, la partie demanderesse forma recours contre une décision de la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 11 juin 2001.

Par lettres recommandées à la poste en date du 13 septembre 2001 les parties furent convoquées pour l'audience du 24 octobre 2001, à laquelle le requérant comparut en personne assisté de Maître Monique Wirion, préqualifiée.

La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Romain Rech, préqualifié.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire.

Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.

La partie demanderesse maintint ses conclusions introductives d'instance.

La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit:

Attendu que le requérant K. fait grief à une décision de la commission des rentes du 11 juin 2001 d'avoir, par confirmation de la décision présidentielle du 18 avril 2001, refusé la prise en charge par l'Association d'assurance contre les accidents de l'accident de la circulation dont il fut victime le 16 février 2001 à Roost ;

Attendu que la responsabilité de l'Association d'assurance a été déclinée et la lettre de reconnaissance du 21 mars 2001 a été annulée sur base des éléments supplémentaires fournis par le procès-verbal de la brigade de la police grand-ducale de Mersch au motif que l'accident n'est pas survenu sur le trajet entre la demeure ou maison de pension habituelles située à Larochette et le lieu de travail de l'assuré à Mersch ;

Attendu que le requérant conteste avoir eu l'intention d'effectuer un détour pour se rendre à ... auprès de ses parents et fait valoir qu'après son travail il voulait en fait se rendre à son domicile à Larochette en empruntant le trajet par Roost, Colmar-Berg et Cruchten en raison de différents chantiers et en raison du fait qu'il a encore dû prendre de l'essence à Mierscherbierg ;

Attendu que selon la définition de l'article 92 du Code des assurances sociales on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du travail, étant entendu que conformément à l'alinéa 2, 1ère phrase du même article 92 le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir est également considéré comme fait du travail ;

Attendu que l'alinéa final de l'article 92 du Code des assurances sociales dispose que :

« Un règlement d'administration publique précisera les conditions auxquelles devra répondre, pour être considéré comme un fait du travail, l'accident survenu sur le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir » ;

Attendu que l'article 1er de l'arrêté grand-ducal modifié du 22 août 1936 portant exécution de l'alinéa précité prévoit que l'assurance contre les accidents est étendue au trajet effectué par l'assuré pour se rendre de sa demeure ou de sa maison de pension habituelle au lieu de son travail et pour en revenir ainsi qu'au trajet effectué pendant une interruption du travail par autorisation expresse ou tacite du patron ou de ses préposés, sauf si le trajet a servi à des fins strictement personnelles à l'assuré ;

Attendu que l'article 3 de l'arrêté grand-ducal précité dispose que l'accident survenu au cours ou à la suite d'une interruption volontaire anormale ne donnera pas lieu à réparation ;

Attendu que si l'article 3 du même arrêté grand-ducal exclut expressément de l'indemnisation l'accident survenu au cours d'une interruption volontaire anormale du trajet, il faut admettre a contrario que l'accident survenu pendant une interruption volontaire normale du trajet, en rapport avec l'emploi, donne lieu à réparation;

qu'il faut considérer comme normale au regard de l'article 3 de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92 du Code des assurances sociales toute interruption du trajet régulière et d'une pratique courante (cf, arrêt de la Cour de Cassation du 17.12,1964, affaire Gottfroh c/AAI, Pasicrisie XIX, p, 391) ; ,

Attendu que le requérant fait valoir qu'il voulait rentrer à son domicile à Larochette et que s'il résulte de la déposition recueillie par les agents verbalisants le 6 mars 2001 qu'il aurait eu l'intention de rendre visite à ses parents à Ingeldorf, ce qui est formellement contesté, ceci s'explique par le fait que la déposition a été reçue alors qu'il venait d'être opéré la veille et avait reçu une anesthésie de plusieurs heures et ne s'était pas encore rétabli, que lors de l'accident il avait subi une amnésie rétrograde et ne se rappelle plus des circonstances de temps et de lieu de l'accident ;

qu'il résulte d'un certificat médical du médecin-chirurgien du 16 mai 2001 que Monsieur K. a présenté le 6 mars 2001 des nausées récidivantes et des vomissements nécessitant l'administration d 'un médicament pouvant causer des troubles visuels, vertiges et mouvements involontaires ;

qu'il affirme que ce sont les agents verbalisants qui lui ont suggéré, d'après les renseignements reçus du médecin-chirurgien, voisin des parents de l'assuré et habitant lui-même à ... et ayant donné les premiers soins après l'accident, que l'assuré était en train de se rendre chez ses parents, ce qui n'était pas le cas ;

que ceci s'explique par le fait que le médecin-chirurgien traitant a fait savoir aux agents verbalisants en voyant le blessé grave qu'il le connaît et habite à ... et qu'il faut prévenir ses parents à ... et qu'en raison de ce fait les agents de la police ont été d'avis que l'assuré habiterait ... et aurait été en train de s'y rendre et ont fait transporter la voiture accidentée dans cette localité au lieu de la faire transporter à Larochette ;

Attendu qu'il y a lieu dès lors de retenir qu'en raison d'un concours malheureux de circonstances les agents verbalisants ont mis dans le procès- verbal que l'assuré était en train de se rendre à ... et ce dernier, en raison de son état de santé et ne voyant pas l'importance que ceci pouvait avoir et n'ayant pas envie de discuter de quoi que ce soit alors qu'il en était incapable, a signé le procès-verbal sans relever cette erreur;

Attendu que le requérant affirme encore qu'il n'a pas l'habitude de rendre visite à ses parents pendant la semaine et que ceux-ci n'étaient pas présents à la maison, laquelle affirmation se trouve corroborée par le relevé de compte Visa et dont il résulte que les époux K. étaient le jour et l'heure en question à ... où ils ont payé au moyen d'une carte Visa ;

qu'il fait valoir encore qu'après avoir pris de l'essence il n'a pas emprunté le trajet par le CR 115 pour se rendre directement à Cruchten à cause des encombrements en rapport avec le chantier de la construction de la route du Nord (voir pièce 28 du dossier) et a préféré prendre le chemin par Roost, Colmar-Berg et ensuite la route nationale 9 vers Cruchten ;

Attendu que même si l'assuré aurait voulu rendre visite à ses parents, ce qui est formellement contesté, toujours est-il qu'au moment de l'accident il se trouvait toujours encore sur son chemin normal de retour à domicile emprunté en raison de l'existence de chantiers sur les autres routes partiellement barrées à la circulation et n'avait pas entamé un détour vers le domicile des parents ;

Attendu que dans un arrêt rendu le 24 juin 1976 par la Cour de Cassation dans une affaire Anen contre Assurance-Accidents-Industrielle la Cour de Cassation a retenu que le parcours normal (sur la voirie publique) ne se confond pas nécessairement avec le trajet le plus court et
n'est pas à considérer comme interruption volontaire anormale un détour imposé à un salarié par la vie quotidienne, dès lors que ce détour est rendu nécessaire par les besoins de l'existence du salarié et qu'il est indépendant de la volonté de celui-ci en raison de la nécessité impérieuse dans laquelle il se trouve de l'accomplir (Pasicrisie XXIII po 326 ss);

Attendu que dans un arrêt rendu le 20 janvier 1977 le Conseil supérieur des assurances sociales a retenu que la ratio legis tend à une répartition équitable entre les risques de trajet, la responsabilité patronale et les droits de l'assuré social, que le parcours normal ne se confond pas nécessairement avec le trajet le plus court et qu'en cas d'encombrement de la voie normale, l'assuré social est en droit d'opérer un détour comportant moins de risques, à condition que l'allongement de l'itinéraire reste dans une limite acceptable et n'est pas dicté par des motifs étrangers au travail ou par un intérêt personnel (Questions sociales, t. VI, 1980-81, 2e partie, p. 24) ;

Attendu que l'accident est survenu quelques minutes après que l'assuré avait quitté son travail et pris encore de l'essence et a eu lieu sur le chemin de retour à domicile emprunté en raison de différents chantiers existants, de sorte qu'il faut retenir que les conditions de temps et de lieu de l'application de la présomption sont remplies suivant laquelle l'accident survenu pendant le parcours pour se rendre au travail et en revenir est présumé être un accident de travail (ou de trajet professionnel), sauf à l'Association d'assurance de rapporter la preuve que la lésion a une origine étrangère ;

Attendu que l'Association d'assurance contre les accidents ne s'est pas déchargée de la présomption de responsabilité pesant sur elle, alors qu'elle est en défaut de rapporter la preuve de façon certaine que l'accident dont l'assuré a été victime a une origine totalement étrangère à l'emploi assuré est sans relation causale avec un risque du trajet professionnel assuré;

Attendu que l'accident survenu en date du 16 février 2001 lors du parcours couvert par l'assurance-accidents obligatoire pour se rendre à domicile après le travail rentre dans les prémisses édictées par l'article 92, alinéa 2 du Code des assurances sociales ;

que par réformation de la décision entreprise, il échet partant de dire que l'accident dont a été victime le requérant est un accident de trajet indemnisable au sens de la loi ;

Par ces motifs,

le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,

réformant, dit que l'accident dont fut victime le requérant le 16 février 2001 est à reconnaître comme accident de trajet et est indemnisable au titre de l'article 92, alinéa 2 du Code des assurances sociales ;

renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations,

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 19 novembre 2001 en la salle d'audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Monsieur Christophe Alesch, secrétaire.

signé: Capésius, Alesch

 

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