CSSS-03.02.1993

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Interruption - détour
Mot(s) clef(s)
Visite de clients  | Rixe  | Heures supplémentaires  | Preuve conditions de temps et de lieu  | Interruption du trajet assuré  | Interruption à des fins personnelles

Référence

  • CSSS-03.02.1993
  • Aff. M. c/ AAI
  • U199106970

Base légale

  • Art0092-al01-CSS
  • Art0092-al02-CSS
  • Art0092-al03-CSS
  • Art0001-RGD 22.08.1936
  • Art0003-RGD 22.08.1960

Sommaire

S'il est vrai que toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail est présumée résulter d'un accident du travail, il appartient néanmoins à l'assuré d'établir ces conditions de temps et de lieu.

L'assuré blessé lors d'une rixe survenue alors qu'il avait arrêté sa voiture au coin d'une rue deux heures après la fin normale de son travail doit prouver que le jour de l'accident il était obligé de prester des heures supplémentaires à la demande de son patron. Il doit encore établir que l'arrêt fait au coin de la rue était normal, autorisé par le patron et conforme aux usages, étant donné que si le temps de travail peut s'étendre au-delà de la période donnant lieu à salaire, telle par exemple une interruption de travail, il faut que cette interruption soit habituelle comme les pauses pour les repas et les arrêts momentanés conformes aux règlements aux usages de l'établissement ou aux nécessités.

Pourque l'accident puisse être reconnu comme accident de trajet l'assuré doit établir que l'accident s'est produit sur le trajet qu'il a dû parcourir du lieu de l'exécution de son travail, donc de l'établissement du dernier client qu'il a visité, à son domicile respectivement, dans le cas où il a fait un détour, que ce détour a été effectué par autorisation expresse ou tacite du patron pendant une interruption du travail.

Corps

Par requête du 17 février 1992 M. a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu contradictoirement par le Conseil arbitral des assurances sociales ayant déclaré non fondé son recours contre une décision de la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 31 octobre 1991 ayant refusé de reconnaître comme indemnisable un accident survenu le 15 avril 1991 vers 20, 35 heures à Esch-sur- Alzette.

Selon déclaration patronale l'appelant aurait été le 15 avril 1991 agressé au coin de la rue ... et du Bd. ....lorsqu'il visitait pour le compte de son employeur des clients. Un premier diagnostic révèle de nombreuses blessures à l'aide d'une arme pointue au thorax, à l'abdomen et à la cuisse et une rupture de l'artère mésentérique.

Il résulte du procès-verbal No 172/91 dressé par la Gendarmerie d'Esch-sur- Alzette que M. venait d'arrêter sa voiture à la hauteur du café "Saloon" lorsque C. qui avait été repoussé par M., tomba contre son véhicule. M. sortit immédiatement de sa voiture et commença aussitôt, selon les témoins C. et P., à frapper M. au visage lequel riposta avec un couteau à cran d'arrêt. Selon J., co-occupante de la voiture M., M. aurait tout de suite agressé M. avec son couteau pliant.

Par communication du 25 septembre 1991, confirmée par la commission des rentes en date du 31 octobre 1991 l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, déclina la prise en charge au motif qu'il ne s'agit pas du point de vue des dispositions légales d'un accident de trajet susceptible de dédommagement. Selon l'Assurance-accidents-industrielle l'agression criminelle, dont a été victime l'assuré pendant son travail, trouve son origine exclusive dans les relations personnelles qui ont existé entre la victime et son agresseur et ne saurait être mise en relation causale avec l'occupation professionnelle.

Le recours de M. devant le Conseil arbitral a été déclaré non fondé par jugement du 28 janvier 1992 au motif notamment que le dossier ne permet pas d'établir une relation causale entre, d'une part, le travail exécuté par le requérant ou le trajet effectué par lui pour rentrer de son travail, et d'autre part, l'agression dont il a été victime.

Dans son acte d'appel l'appelant soutient que l'accident est en relation directe avec le travail en ce sens que, pour pouvoir continuer son chemin, il a dû dégager la chaussée et écarter l'agresseur. Selon lui la cause de l'accident réside dans le comportement de l'agresseur sur la chaussée et il conclut à voir reconnaître l'accident dont s'agit comme accident de travail.

Par conclusions orales il conclut à la surséance de l'affaire en attendant une décision du tribunal correctionnel qui se trouve saisi de l'affaire du chef de coups et blessures volontaires.

L'intimée conclut à la confirmation de la décision entreprise en argumentant que l'incident dans lequel a été impliqué l'appelant n'est à considérer ni comme accident de travail, ni comme accident de trajet.

Comme le présent litige est à toiser sur base de l'article 92 CAS qui cantonne la définition de l'accident de travail dans des limites déterminées sans se baser sur les dispositions du code pénal qui traitent des coups et blessures volontaires, de la légitime défense, de la provocation etc., il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en surséance.

Il est constant en cause que M., qui est engagé dans l'entreprise de son père en qualité de contre-maître, visitait en date du 15 avril 1991 des clients pour le compte de l'employeur. Il est encore établi qu'il a commencé son travail le jour de l'incident à 8 heures du matin et que la rixe a eu lieu à 20,35 heures à un endroit où son travail ne l'avait pas amené.

Selon l'article 92 CAS on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du travail.

S'il est vrai que toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail est présumée résulter d'un accident de travail, il appartient néanmoins à l'assuré d'établir ces conditions de temps et de lieu. Comme il avait commencé son travail à 8 heures du matin et que celui-ci se termine pour un salarié normalement à 18 heures, il aurait appartenu à M. de prouver que le 15 avril 1991 il était obligé de prester des heures supplémentaires à la demande de son patron. Il lui aurait appartenu encore d'établir que l'arrêt fait au coin de la rue ...au..... était normal, autorisé par le patron et conforme aux usages, étant donné que si le temps de travail peut s'étendre au-delà de la période donnant lieu à salaire, telle par exemple une interruption de travail, il faut que cette interruption soit habituelle, comme les pauses pour les repas et les arrêts momentanés conformes aux règlements, aux usages de l'établissement ou aux nécessités.

Cette preuve n'a pas été rapportée pas plus que celle que l'incident s'est produit sur le lieu du travail. Ainsi M. n'a pas prouvé avoir été impliqué dans la rixe lors d'une prospection de clientèle au domicile, respectivement au lieu de rendez-vous avec un client ou un acheteur potentiel.

Il en suit que M. n'a pas établi avoir été, au moment de la rixe, sous la direction, la surveillance et l'autorité de son employeur de sorte que le contrat de travail doit être considéré comme ayant été interrompu au moment de l'incident et que toute relation causale entre le travail et la rixe - qui a en l'espèce une origine totalement étrangère au travail - fait défaut. Les lésions subies par M. ne sont dès lors pas dues à un accident de travail.

L'article 92 CAS considère encore comme un fait du travail le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir. En cette matière encore l'accident survenu pendant le parcours prédécrit est présumé être un accident de travail, sauf à l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, de rapporter la preuve que la lésion a une origine étrangère.

L'article 92 précise en son alinéa final que les conditions auxquelles devra répondre l'accident survenu seront précisées par règlement d'administration.

Ce règlement pris le 22 auôt 1936 étend l'assurance contre les accidents au trajet effectué pendant une interruption du travail par autorisation expresse ou tacite du patron ou de ses préposés, sauf si le trajet a servi à des fins strictement personnelles à l'assuré.

Il se dégage de ces textes légaux que M., qui habite ..., devra établir, - pour que la présomption puisse jouer, - que l'accident s'est produit sur le trajet qu'il a dû parcourir du lieu de l'exécution de son travail, donc de l'établissement du dernier client qu'il a visité, à son domicile, respectivement, dans le cas où il a fait un détour, que ce détour a été effectué par autorisation expresse ou tacite du patron pendant une interruption du travail.

Le nom et l'adresse du dernier client visité ne ressortant pas du dossier soumis au Conseil supérieur des assurances sociales pas plus que l'heure de la dernière visite. Le dossier ne permet pas non plus de retenir que M. a effectué le trajet de la rue ... au boulevard ... de l'accord exprès ou tacite de son employeur pendant une interruption du travail.

Il se dégage, par contre, de la déposition de J., faite devant les agents verbalisants et librement débattue à l'audience, que M.. a à deux reprises interrompu son trajet, la 1re fois à 20,20 heures pour la faire monter dans sa voiture dans le quartier dit "op der Grenz" et la 2e fois pour la faire descendre à la hauteur du bistrot "Saloon" où l'incident s'est produit.

Le trajet a donc servi à des fins strictement personnelles ce d'autant plus que l'assuré avait l'intention de fréquenter ensemble avec sa compagne un débit de boissons, qui était fermé, mais en vue duquel le trajet a été fait, pour continuer ensuite sa route jusqu'au coin de la Gare - Bd. Kennedy afin de permettre à J. de descendre.

Il suit des considérations qui précèdent que l'accident en question ne rentre pas dans les prémisses inscrites à l'article 92 CAS et plus amplement spécifiées par l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936.

 

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