Attendu que E., caissier au service ..., société à responsabilité limitée établie à...r, fut délégué à ..., le 1er mai 1966, pour s'assurer du bon fonctionnement d'une caisse enregistreuse spéciale installée à la station de contrôle construite dans cette localité et dont l'inauguration devait avoir lieu le lendemain, 2 mai 1966;
que, son inspection terminée, il quitta ... vers 17 heures et prit la direction de ....;
qu'à un moment donné, dans un tournant à gauche, entre .. et ..., ... perdit la maîtrise de la conduite de sa voiture qui quitta la chaussée et vint s'écraser dans un pré en contre-bas;
que E. essuya des blessures qui commandaient son transport immédiat à la clinique de ... et subit en outre la perte totale de sa voiture, dommage matériel qui fut évalué à environ 45.000.- francs;
que l'Association d'assurance contre les accidents déclina sa responsabilité de l'accident prédécrit, motif pris de ce qu'il ne s'agirait pas, du point de vue des dispositions légales, d'un accident de trajet couvert par l'assurance, alors que l'accident litigieux serait survenu pendant un détour anormal choisi par E. pour des motifs strictement personnels;
Vu la décision afférente de la commission des rentes du 25 juillet 1968;
Vu le recours formé par Everling contre cette décision;
Vu le jugement du Conseil arbitral des assurances sociales du 6 décembre 1968 réformant la décision attaquée et affirmant la responsabilité de l'Association d'assurance;
Attendu que lors des débats qui se sont déroulés à l'audience du Conseil supérieur des assurances sociales, le mandataire de l'Association appelante maintint ses conclusions d'appel et demanda la réformation de la décision du Conseil arbitral et le rétablissement de celle de la commission des rentes;
que le mandataire de l'intimé E. exposa que son client devait passer la nuit du 1er au 2 mai à ... pour ne pas devoir refaire, le 2 mai, le trajet...;
que, arrivé devant la barrière de la gare de ... et constatant qu'elle était fermée E., dans un moment d'impatience, aurait pris la direction d'... avec l'intention de passer par ... pour gagner ...;
que si E. avait déclaré aux agents verbalisants qu'il se rendait à ..., cette déclaration serait à imputer à l'état d'obnibulation et de choc dans lequel il se trouvait après l'accident et à la hâte qu'il avait d'être confié aux soins d'un médecin;
qu'on ne saurait taxer d'anormal le parcours choisi par E.. pour se rendre à ..., l'assuré étant libre de choisir un itinéraire plus long que le parcours direct si la route plus longue est moins dangereuse et moins passante;
que l'intimé conclut à la confirmation du jugement querellé d'appel pour les motifs y déduits et pour autant que de besoin ceux produits en appel;
Attendu qu'au voeu de l'alinéa 2 de l'article 92 du code des assurances sociales, est considéré comme un fait du travail le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir, se rapportant à l'emploi assuré;
que l'alinéa 3 du même article 92 réserve à un règlement d'administration publique de préciser les conditions auxquelles doit répondre, pour être considéré comme un fait du travail, l'accident survenu sur le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir;
que l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936, pris en exécution de ce texte, étend l'assurance contre les accidents au trajet effectué par l'assuré pour se rendre de sa demeure ou de sa maison de pension habituelles au lieu de son travail et pour en revenir;
que l'alinéa 2 du même arrêté grand-ducal du 22 août 1936 précise que donnent lieu à indemnisation les accidents de trajet survenus pendant le parcours normal sur la voirie publique, dans les chemins de fer et leurs dépendances ouvertes au public et sur les chemins privés des entreprises;
Attendu que le parcours normal que E. eût été obligé d'emprunter était celui qui relie directement .... à ....;
qu'un détour par ...., long de près de huit kilomètres, ne s'imposait nullement, alors que la voie directe ne présentait aucun danger particulier et ne créait nullement un risque professionnel supplémentaire spécial;
que, de toute façon, le Conseil Supérieur ne saurait s'attacher à l'argument avancé par les premiers juges et consistant à affirmer que l'assuré est libre de choisir, parmi plusieurs itinéraires possibles, un parcours plus long, mais plus commode ou moins dangereux, tel raisonnement ne pouvant qu'obscurcir la notion objective de parcours normal";
qu'il convient de retenir plutôt que le trajet n'est plus normal lorsque le travailleur accomplit de son plein gré et sans raison suffisante un détour injustifié;
Attendu qu'il y a lieu de tirer des circonstances de la cause la présomption de fait que le détour avait été librement choisi par E. pour des motifs strictement personnels, indépendants de l'emploi, cette présomption étant corroborée par la déclaration faite par l'intéressé aux agents verbalisants et suivant laquelle il se rendait à Clervaux;
qu'il convient d'attacher à cette déclaration, faite spontanément le jour même de l'accident, plus de crédit qu'à celle faite le 6 février 1968 lors de l'enquête diligentée par le service de contrôle de l'Assurance-accidents;
Attendu par ailleurs que la demeure de la famille .... à ... où E. devait passer la nuit du 1er au 2 mai, ne saurait être considérée comme sa maison de pension habituelle au sens du règlement du 22 août 1936;
que cette demeure ne présentait aucun caractère de stabilité, mais bien un caractère purement occasionnel, donc sans lien comparable avec une "demeure ou maison de pension habituelles" au sens des dispositions réglementaires;
Attendu qu'il résulte des considérations de fait et de droit qui précèdent que l'accident de roulage dont E. fut victime le 1er mai 1966 ne répond pas à la définition de l'accident de trajet assimilé aux accidents de travail proprement dits;
que la victime n'a donc pas droit aux avantages consentis par la loi sur les accidents du travail;
qu'il convient donc de réformer la décision attaquée du Conseil arbitral et de rétablir celle de la commission des rentes;