CSSS-07.12.2009

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Notion d'accident
Mot(s) clef(s)
Définitions  | Conditions  | Preuve (oui)  | Lien avec l'activité professionnelle  | Congé  | Pour signature d'un contrat d'étudiant  | Parcours à des fins personnelles

Référence

  • CSSS-07.12.2009-> Cassation
  • Aff. A.A.I.c/ K., veuve A.
  • No. du reg. : G2008/0060
  • No. 2009/0161
  • U200721627

Base légale

  • Art0092-al02-CSS
  • AGD-22.08.1936

Sommaire

Le trajet professionnel de A. au sens de l'article 92, alinéa 2 du Code de assurances sociales avait pris fin avec le retour à son domicile, et le fait qu'il ait accompagné son fils auprès de son employeur, fût-ce à la demande de ce dernier, n'est pas de nature à créer un lien avec son activité professionnelle, dès lors qu'il l'a fait, ainsi que le relève à juste titre l'Association d'assurance contre les accidents, pendant son temps libre et non rémunéré, alors qu'il avait retrouvé sa pleine indépendance et ne se trouverait plus sous l'autorité, la surveillance et la direction de son employeur.

Le fait, pour se présenter avec son fils l'après-midi du 3 août 2007, il se soit conformé aux disponibilités de son employeur n'est pas non plus de nature à conférer à son déplacement dans l'entreprise dicté par le seul intérêt du contrat d'étudiant à conclure pour son fils le caractère d'une présence à rattacher à l'exécution de son propre contrat de travail.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. du reg.: G 2008/0160 No.: 2009/0161

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
Audience publique du sept décembre deux mille neuf

Composition:  
M. Georges Santer, président de chambre à la Cour d'appel, président ff.
M. Julien Lucas, président de chambre à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Joséane Schroeder, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Jean-Pierre Wagner, maître électricien, Mamer, assesseur-employeur
M. Nico Walentiny, en préretraite, Mensdorf, assesseur-salarié
Mme Iris Klaren, secrétaire

ENTRE:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, établie à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction, appelante,
comparant par Madame Pascale Speltz, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;

ET:

K. L., veuve A., née le ..., demeurant à ...,
intimée,
assistée de Maître Chris Scott, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 1er août 2008, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 27 juin 2008, dans la cause pendante entre elle et K. L., et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral des assurances sociales, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours recevable et fondé; réformant, dit que l'accident dont fut victime Monsieur A. le 3 août 2007 est à reconnaître comme accident de trajet et est indemnisable au titre de l'article 92, alinéa 2 du Code des assurance sociales; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 23 novembre 2009, à laquelle Monsieur Georges Santer, président ff., fit le rapport oral.

Madame Pascale Speltz, pour l'appelante, maintint les moyens et conclusions de la requête d'appel déposée au siège du Conseil supérieur le 1er août 2008.

Maître Chris Scott, pour l'intimée, versa une note de plaidoiries, en donna lecture et en maintint les conclusions.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Au cours d'un accident de la circulation, survenu le 3 août 2007 vers 14.55 heures entre une moto et une camionnette, le conducteur de la moto, A., chauffeur-manœuvre auprès de la firme Lamesch-Exploitation, et son fils, occupant arrière de la moto, ont été mortellement blessés.

Par décision présidentielle de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 18 octobre 2007, confirmée par décision du comité-directeur du 24 janvier 2008, la prise en charge de l'accident de la circulation au titre d'un accident de trajet a été refusée au motif que l'accident en question s'est produit non pas au cours d'un trajet effectué par l'assuré pour se rendre de sa demeure au lieu de son travail ou pour en revenir, ni au cours d'un déplacement de service dans le cadre de son activité professionnelle assurée, mais lors d'un parcours ayant servi uniquement à des fins personnelles non couvert par l'assurance-accidents obligatoire et ne rentrant pas dans les visées de l'arrêté grand-ducal du 22.08.1936 relatif aux accidents de trajets.

Statuant sur le recours de L. K., veuve de Alain A., le Conseil arbitral des assurances sociales, par jugement du 27 juin 2008, a par réformation dit que l'accident dont fut victime A. le 3 août 2007 est à reconnaître comme accident de trajet et est indemnisable au titre de l'article 92, alinéa 2 du Code des assurances sociales, et a renvoyé l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations.

Contre ce jugement, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a par requête déposée le 1er août 2008 régulièrement interjeté appel, concluant à la réformation et demandant à voir déclarer le recours de l'assurée non fondé et confirmer la décision du comité-directeur du 24 janvier 2008.

Pour arriver à la conclusion que l'accident litigieux était à reconnaître au titre de l'article 92, alinéa 2 du Code des assurances sociales, les premiers juges ont considéré que le déplacement de A. à son lieu de travail lors de l'après-midi du 3 août 2007 afin d'accompagner dans les locaux de l'entreprise son fils en vue de la signature par celui-ci du contrat d'engagement comme étudiant et en vue de la remise des vêtements de travail et de sécurité, n'était pas dicté par des convenances ou un intérêt strictement personnel de la victime, mais qu'il s'est imposé également dans l'intérêt de l'employeur pour lequel il est avantageux d'avoir à son service un jeune salarié qui peut se livrer à son travail dans les meilleures conditions, qu'il en résultait que la présence durant l'après-midi du 3 août 2007 de A. dans les locaux de l'entreprise, du moins avec l'assentiment de son employeur, était conditionnée par les nécessités de son activité professionnelle et que le lien de connexité entre sa présence à l'entreprise et son emploi professionnel était rétabli même si cette présence n'était pas rémunérée et qu'il s'est trouvé sous l'autorité, la surveillance et la direction de son employeur lors de l'après-midi du jour en question pendant la présence dans les locaux de l'entreprise, et que le lien de connexité entre le parcours et l'activité professionnelle assurée a donc existé au moment de l'accident.

Les premiers juges ont dès lors retenu que les conditions de temps et de lieu de l'application de la présomption suivant laquelle l'accident survenu pendant le parcours pour se rendre au travail et en revenir est présumé être un accident de travail (ou de trajet professionnel), sauf à l'Association d'assurance de rapporter la preuve que la lésion a une origine étrangère.

Ils ont finalement dit que l'Association d'assurance contre les accidents ne s'est pas déchargée de la présomption de responsabilité pesant sur elle, alors qu'elle est en défaut de rapporter la preuve de façon certaine que l'accident dont l'assuré a été victime a une origine totalement étrangère à l'emploi assuré et est sans relation causale avec un risque du trajet professionnel assuré.

D'après les éléments constants en cause, A. avait terminé son travail à 12.20 heures et quitté l'entreprise pour regagner son domicile à Zoufftgen (F).

Après avoir pris une douche, il est retourné en moto à son lieu de travail, accompagné de son fils qui devait débuter dans la même entreprise un travail d'étudiant à partir du lundi 6 août 2007.

Il résulte des explications fournies par l'entreprise Lamesch-Exploitation dans un courrier du 27 septembre 2007 que selon les pratiques en vigueur dans cette société, les salariés-étudiants sont invités à venir retirer leurs vêtements de travail, chaussures de sécurité, gilets de sécurité, gants etc. durant la semaine précédant le début du travail et qu'en outre, si l'étudiant est mineur, il est demandé qu'il soit accompagné d'un de ses parents pour signer le contrat de travail, et que dans le cas de M. A., un responsable de la société était informé du fait qu'il avait décidé de se présenter durant l'après-midi du 3 août 2007 avec son fils Pierre.

L'intimée fait valoir que le déplacement des deux salariés auprès de leur employeur était dicté par la seule volonté de l'employeur, qu'ils avaient l'obligation de s'y soumettre, que le seul fait pour le salarié d'avoir choix du jour précis de sa venue ne vient en aucun cas énerver cet état de faits alors que le salarié s'est soumis aux impératifs de son planning de travail ainsi qu'aux disponibilités de l'employeur en demandant au préalable à un responsable si cette date convenait, qu'il était d'autant plus difficile pour A. de refuser de se présenter avec son fils mineur la semaine précédant le début du contrat de travail qu'il était lui-même salarié de l'entreprise, que le père a présenté son fils au responsable et a été chargé de faire une visite de l'usine à son fils en vue du premier jour de commencement de son travail fixé au lundi suivant, que A. était donc également en mission pour l'employeur alors qu'il avait pour obligation de se présenter avec son fils sur son lieu de travail et inversement.

Il est contesté et il laisse d'être établi que A. s'est présenté l'après-midi du 3 août 2007 avec son fils auprès de l'entreprise Lamesch-Exploitation sur demande expresse de son employeur et qu'il avait été chargé par ce dernier d'instruire son fils avant que celui-ci ne commence son travail d'étudiant le lundi 6 août 2007.

Le trajet professionnel de A. au sens de l'article 92, alinéa 2 du Code des assurances sociales avait pris fin avec son retour à son domicile, et le fait qu'il ait accompagné son fils auprès de son employeur, fût-ce à la demande de ce dernier, n'est pas de nature à créer un lien avec son activité professionnelle, dès lors qu'il l'a fait, ainsi que le relève à juste titre l'Association d'assurance contre les accidents, pendant son temps libre et non rémunéré, alors qu'il avait retrouvé sa pleine indépendance et ne se trouvait plus sous l'autorité, la surveillance et la direction de son employeur.

Le fait que, pour se présenter avec son fils l'après-midi du 3 août 2007, il se soit conformé aux disponibilités de son employeur n'est pas non plus de nature à conférer à son déplacement dans l'entreprise dicté par le seul intérêt du contrat d'étudiant à conclure pour son fils le caractère d'une présence à rattacher à l'exécution de son propre contrat de travail.

Compte tenu de ce qui précède, les développements des premiers juges, que l'intimée fait siens, se rapportant à la présomption suivant laquelle l'accident survenu pendant le parcours pour se rendre au travail et en revenir est présumé être un accident du travail (en l'espèce un accident de trajet professionnel) sont à rejeter comme dénués de pertinence.
Le recours de L. K., veuve A. est dès lors, par réformation, à déclarer non fondé et la décision du comité-directeur du 24 janvier 2008 est à rétablir.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de son président-magistrat et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,
reçoit l'appel,
le déclare fondé,

PAR REFORMATION:

déclare non fondé le recours de L. K.,
rétablit la décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 24 janvier 2008.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 7 décembre 2009 par le Président du siège, Monsieur Georges Santer, en présence de Madame Iris Klaren, secrétaire.
Le Président ff, Le Secrétaire,
signé: Santer signé: Klaren

 

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