CSSS-22.01.1997

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Notion d'accident
Mot(s) clef(s)
AVC sur le trajet professionnel  | Présomption d'imputabilité  | Cause étrangère aux risques du trajet professionnel  | Pathologie inhérente à l'organisme humain

Référence

  • CSSS-22.01.1997
  • Aff. P. c/ AAI
  • No du reg.: GE 26/94
  • U199302839

Base légale

  • Art0092-CSS

Sommaire

Selon l'article 92 du code des assurances sociales, on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du-travail et toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail est présumée résultant d'un accident du travail, sauf à la sécurité sociale de rapporter la preuve que l'atteinte est due à une cause étrangère à l'emploi assuré. Le même principe est applicable en matière d'accident de trajet, l'accident de trajet étant soumis au même régime d'indemnisation que les accidents du travail proprement dits.

Pour faire échec à la présomption d'imputabilité il appartient à l'AAI de démontrer que le travail n'a joué aucun rôle dans l'accident du travail survenu au temps et au lieu lieu de son activité, respectivement que le préjudice serait identiquement survenu si la victime n'avait point été au lieu et au temps du travail, ou ne se serait pas trouvée sur le trajet de son travail.

 

L'AAI a rapporté la preuve que l'accident a été provoqué uniquement par un état morbide préxistant si la déclaration renseigne comme diagnostic du médecin traitant que l'accident de circulation est survenu suite à un accident vasculaire cérébral et si la déposition d'un autre médecin précise que l'accident a été provoqué par une maladie préexistante réduisant la réactivité.

 

Corps

 

No du reg.: GE 26/94

AUDIENCE PUBLIQUE DU
CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

du vingt-deux janvier 1900 quatre-vingt-dix-sept à LUXEMBOURG

 

Composition:  
Mme. Edmée Conzémius, conseiller à la Cour d'appel, président
M. Fernand Bosseler, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Alphonse Kugeler, chef de serv. fin. Arbed, Kehlen, assesseur-employeur
M. Gilbert Kugener, employé privé, Niederfeulen, assesseur-salarié
M. Richard Trausch, secrétaire

ENTRE:

P., né le ..., demeurant à ...,

appelant,

assisté de maître Sylvie Kreischer, avocat, Luxembourg, en remplacement de maître Gaston Vogel, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;

ET:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
intimée,
comparant par monsieur Georges Kohn, attaché de direction ler en rang

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 11 octobre 1994, P. a relevé opposition d'un arrêt rendu par le Conseil supérieur des assurances sociales le 5 octobre 1994 dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil supérieur des assurances sociales, statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et par défaut faute de comparaître à l'égard de l'appelant, reçoit l'appel en la forme, au fond, le dit non justifié, rejette l'offre de preuve de l'appelant, confirme là décision entreprise en toutes ses forme et teneur.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 15 mars 1995, du 3 juillet 1996, puis pour celle du 8 janvier 1997, à laquelle madame le président fit le rapport oral.

Maître Sylvie Kreischer, pour l'appelant, conclut à la reconnaissance de la responsabilité de l'Assurance-accidents-industrielle, sinon à l'institution d'une expertise médicale.

Monsieur Georges Kohn, pour l'intimée, se rapporta à prudence de justice quant à la recevabilité de l'opposition. Quant au fond de l'affaire, il conclut à la confirmation de l'arrêt du Conseil supérieur du 5 octobre 1994.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par requête déposée le 11 octobre 1994 P. a régulièrement relevé opposition contre un arrêt rendu par défaut à son encontre le 5 octobre 1994 par le Conseil supérieur des assurances sociales, arrêt qui a rejeté son appel dirigé contre un jugement du 3 février 1994 du Conseil arbitral ayant dit non fondé son recours dirigé contre une décision de la commission des rentes du 20 septembre 1993 déclinant la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, suite à un accident de l'assuré du 5 février 1993.

Selon l'opposant, l'accident dont s'agit serait, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, à qualifier d'accident de travail dès lors qu'il ne serait pas exclusivement imputable à une cause pathologique inhérente à l'organisme humain et étrangère aux risques du trajet professionnel. Il conteste toute défaillance organique momentanée antérieure au sinistre et offre subsidiairement en preuve par expertise médicale que les lésions sont dues à l'accident et nullement à une défaillance organique.

Par des conclusions orales complémentaires, il a dénié à l'Association d'assurance contre les accidents le droit de revenir sur sa reconnaissance antérieure de l'accident comme accident de travail et de reconsidérer sa décision.

Il est un fait que l'Association d'assurance contre les accidents avait dans un premier temps reconnu sa responsabilité par écrit du 1 er avril 1993 et admis par lettre des 11 mai 1993 et 22 juin 1993 une prorogation de l'incapacité de travail totale d'abord jusqu'au 20 juin 1993 et ensuite jusqu'au 21 août 1993 pour décliner sa responsabilité par communication du 19 juillet 1993 laquelle fut confirmée par décision du 20 septembre 1993 au motif que "l'événement incriminé a eu une origine totalement étrangère au trajet effectué par la victime;à savoir une défaillance momentanée de l'organisme de l'assuré".

Or les informations préénumerées ne sont pas des dispositions formelles liant l'AAI.

En effet, d'une part, il se dégage de la combinaison des articles 127, 138 et 149 du code des assurances sociales pris ensemble avec l'article 14 alinéa ler de l'arrêté grand-ducal du 11 juin 1926 concernant le règlement général d'exécution sur l'assurance accident et l'article 15 de l'arrêté grand-ducal du 4 avril 1927 portant approbation des statuts de l'association d'assurance contre les accidents, section industrielle, que la détermination des indemnités revenant aux victimes d'accidents ou à leurs ayant droit est à faire par l'organe paritaire qu'est la commission des rentes. C'est de même cette commission qui est appelée à se prononcer sur la question de la reconnaissance d'un accident, prémisse nécessaire à tout octroi d'une indemnité, et ce sont uniquement les décisions de cette commission, à l'exclusion des décisions administratives officieuses et présidentielles, qui sont susceptibles d'un recours devant les juridictions de la sécurité sociale.

D'autre part, aux termes de l'arrêté grand-ducal du 11 juin 1926, encore d'application au moment de la saisine de l'AAI et de ses décisions préalables, si la détermination du montant de l'indemnité devait avoir eu lieu d'office dès que les faits permettant de constater l'existence et la valeur du droit à l'indemnité étaient établis (art. 15), l'article 20 permettait une nouvelle détermination si les conditions qui avaient motivé la détermination de l'indemnité avaient subi une modification essentielle.

Il s'y ajoute encore que la reconnaissance de responsabilité du ler avril 1993 était faite sous la réserve expresse suivante (cf verso de la lettre du ler avril 1993 in fine) :"S'il appert ultérieurement qu'en un point essentiel, les indications de la déclaration d'accident n'ont pas été conformes à la réalité, l'AAI est en droit de décliner sa responsabilité et de réclamer le remboursement des prestations effectuées". L'assuré était donc informé de la précarité de la décision.

En l'occurrence, la reconnaissance de l'AAI était intervenue sur base de la déclaration patronale, parvenue à l'Office des Assurances sociales le 25 février 1993, et précisant que le sieur P. serait sur le trajet du travail, pour des raisons indéterminées, entré en collision avec un véhicule en stationnement. Cette décision officieuse a été reconsidérée après réception du procès-verbal dressé en cause et des constatations médicales détaillées des docteurs Kratzenberg et Weydert qui ont imputé la cause de l'accident à une défaillance momentanée de l'organisme de l'assuré.

Il se dégage des développements qui précèdent que l'AAI était en droit de revenir sur sa décision.

Selon l'article 92 du code des assurances sociales, on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du-travail et toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail est présumée résultant d'un accident du travail, sauf à la sécurité sociale de rapporter la preuve que l'atteinte est due à une cause étrangère à l'emploi assuré (Cass. 22-4-1993, Kisch c/AAI). Le même principe est applicable en matière d'accident de trajet, l'accident de trajet étant soumis au même régime d'indemnisation que les accidents du travail proprement dits.

Pour faire échec à la présomption d'imputabilité il appartient à la défenderesse sur opposition de démontrer que le travail n'a joué aucun rôle dans l'accident du salarié survenu au temps et au lieu de son activité respectivement que le préjudice serait identiquement survenu si la victime n'avait point été au lieu et au temps du travail, ou ne se serait pas trouvée sur le trajet de son travail.

La déclaration patronale renseigne comme diagnostic du médecin traitant, le docteur Kratzenberg, neurologue, ce qui suit: accident de la circulation suite à un accident vasculaire cérébral. La déposition du médecin traitant, dans le procès-verbal est plus précise : Mein Patient P. erlitt durch den Unfall eine leichte Platzwunde am Kopf. Der Unfall selbst wurde durch eine Krankheit hervogerufen, welche P. bereits vor dem Unfall hatte und welche die Reaktionsfähigkeit desselben einschänkte.

Un certificat médical du docteur Weydert du 4 mai 1993 atteste à l'assuré social une perte partielle du champ visuel et une diminution de l'acuité visuelle des deux yeux suite à l'accident vasculaire cérébral qu'il a subi le 5 février 1993.

La tomodensitométrie crânienne a révélé un large foyer de ramollissement hémisphérique gauche récent.

Tous ces éléments ont permis au médecin traitànt de conclure à une hémiplégie droite avec aphasie par infarctus cérébral gauche, infarctus dû à une maladie dont l'opposant souffrait déjà avant l'accident et qui réduisait sa réactivité.

L'accident subi le 5 février 1993 par P. est donc exclusivement imputable à une cause pathologique inhérente à l'organisme humain et est étrangère aux risques du trajet professionnel.

L'AAI ayant rapporté la preuve que l'accident a été provoqué uniquement par un état morbide préexistant, abstraction faite de toute cause en rapport avec le travail et le trajet de l'assuré, le caractère professionnel de l'accident survenu est à écarter.

L'offre de preuve par expertise est à rejeter pour défaut de pertinence, comme étant d'ores et déjà contredite par les faits contraires établis en cause et préexaminés.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral de son président et contradictoirement à l'égard des parties en cause,

reçoit l'opposition en la forme,

dit que l'Association d'assurance contre les accidents était en droit de revenir sur sa décision du ler avril 1993,

dit l'offre de preuve par expertise irrecevable, dit l'opposition non fondée et en déboute, partant confirme le jugement entrepris du 3 février 1994.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 22 janvier 1997 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Richard Trausch, secrétaire.

Le Président, Le Secrétaire,
signé Conzémius signé: Trausch

 

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