CASS-13.01.2003

Thème(s)
Accident de trajet
Domaine(s)
Trajet résidence travail repas
Mot(s) clef(s)
Demeure ou maison de pension habituelle  | Définitions  | Domicile légal  | Résidence de fait  | Régularité et fréquence des séjours

Référence

  • CASS-13.01.2003
  • Affaire G. c/ AAI
  • No REG: G 76/02
  • U200124669

Base légale

  • Art0092-al02-CSS
  • Art0092-al03-CSS
  • RGD 22.08.1936
  • Art0001-RGD 22.08.1936

Sommaire

Pour l'interprétation des dispositions de l'agd du 22 août 1936 on doit se baser sur une appréciation équitable en fait et conforme à l'esprit général des lois d'assurance sociale, plutôt que sur de strict arguments de texte.

Pour circonscrire l'étendue des termes "demeure ou maison de pension habituelle", il faut se référer à la résidence de fait occupée par l'asuré(e) au moment de l'accident et non à la notion de domicile légal au ses du Code civil.

Le terme "habituelle"implique une certaine durée et a pour corollaire une certaine régularité, respectivement une certaine fréquence des visites.

Le terme "pension" signifie le fait d'être nourri et logé, ou nourri seulement chez quelqu'un.

Corps

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

Conseil Arbitral des Assurances Sociales

Audience publique du 13 janvier 2003

Composition:  
M. Paul Capésius, président du siège,
M. Jean-Jacques Rommes, assesseur-employeur,
M. André Pierrard, assesseur-assuré,
ces deux derniers dûment assermentés;  
M. Christophe Alesch, secrétaire

Entre:

G., née le ..., demeurant à ..., ... ;

demanderesse,

comparant par Maître Nathalie Moschetti, avocat, en remplacement de Maître Yvette Hamilius, avocat-avoué, Luxembourg ;

Et:

l'Association d'Assurance contre les Accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen,

docteur en droit, demeurant à Fentange;

défenderesse,

comparant par Monsieur Claude Rumé, attaché de direction, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite;

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales le 6 février 2002 la partie demanderesse forma recours contre une décision de la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 25 janvier 2002.

Après avoir été fixée au rôle général en date du 4 juin 2002, l'affaire fut réappelée à l'audience du 18 décembre 20Q2, à laquelle la requérante comparut par Maître Nathalie Moschetti, préqualifiée.

La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Claude Rumé, préqualifié.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire.

Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.

La partie demanderesse déposa une note de plaidoiries et maintint les conclusions y contenues.

La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit:

Attendu que la requérante G. fait grief à une décision de la commission des rentes du 25 janvier 2002 d'avoir, par confirmation de la décision présidentielle du 19 novembre 2001, décliné la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents en ce qui concerne un accident de la circulation dont elle fut victime le 9 juillet 2001 ;

Attendu que la requérante a son domicile à ....et que l'accident est survenu sur l'autoroute entre la frontière belge et ..., à un moment où, revenant d'... en Belgique où elle a séjourné le dimanche 8 juillet 2001 au domicile de son ami et concubin, elle voulait se rendre à son travail à .... le lundi matin 9 juillet 2001 ;

Attendu que la prise en charge a été refusée au motif que l'accident n'est pas survenu sur le trajet entre la demeure ou maison de pension habituelle (...) et le lieu de travail ;

Attendu que la requérante entend voir considérer l'accident comme un accident de trajet indemnisable au sens de la loi ;

Attendu que d'après l'article 1er, sub a) de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92 alinéa final du Code des assurances sociales l'assurance contre les accidents est étendue au trajet effectué par l'assuré pour se rendre de sa demeure ou de sa maison de pension habituelle au lieu de son travail ou pour en revenir ;

Attendu que pour l'interprétation des dispositions de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 on doit se baser sur une appréciation équitable en fait et conforme à l'esprit général des lois d'assurance sociale, plutôt que sur de stricts arguments de texte (en ce sens: jugement du Conseil arbitral du 23 août 1949, P. XV p.53, affaire W.) ;

que si le législateur n'a pas entendu couvrir par l'assurance tous les accidents de trajet généralement quelconques, s'il a réservé à un règlement d'administration publique de préciser les conditions auxquelles doivent répondre ces accidents pour être considérés comme des faits du travail, c'était uniquement dans le but de préserver des abus possibles (cf. ibidem) ;

Attendu qu'il résulte de l'analyse des décisions jurisprudentielles rendues en la matière et notamment d'un arrêt du Conseil supérieur des assurances sociales du 27 octobre 1993 (affaire Delahaut, BLQS 1996, p.129) que pour circonscrire l'étendue des termes « demeure ou maison de pension habituelle », il faut se référer à la résidence de fait occupée par l'assuré(e) au moment de l'accident et non à la notion de domicile légal au sens des articles 102 et suivants du Code civil, la résidence étant le lieu où l'assuré(e) fixe au moins temporairement son habitation ;

Attendu que le terme « habituelle » implique une certaine durée (cf. : arrêt du Conseil supérieur des assurances sociales du 17 octobre 1985, affaire Fohl) et a pour corollaire une certaine régularité, respectivement une certaine fréquence des visites (cf. : arrêt du 19 février 1992, affaire Carloni, BLQS 1996, p. 124) ;

que dans l'arrêt précité du 19 février 1992, le Conseil supérieur a retenu que comme « l'assuré se rendait régulièrement, à raison de trois à quatre fois par semaine, après son travail chez ses parents pour y prendre le repas du soir, la maison paternelle présente bien en l'occurrence le caractère d'une maison de pension habituelle. Ce comportement est à considérer de nos jours dans les circonstances de temps et de lieu où il s'est produit, comme une pratique courante et normale. Le terme de pension signifie le fait d'être nourri et logé, ou nourri seulement chez quelqu'un » ;

Attendu qu'il résulte des attestations testimoniales versées par la requérante, et qui sont conformes aux prescriptions de l'article 402 du Nouveau Code de procédure civile que pendant qu'elle était employée à .... elle passait régulièrement, quasiment tous ses week-ends chez son ami et concubin à ... où elle donnait et prenait ses repas les week-ends ainsi qu'un ou deux soirs au cours de la semaine et qu'elle partait d'.... les lundis matins pour rejoindre son lieu de travail à ...;

Attendu qu'en considérant que la requérante entretenait au jour de l'accident une relation stable depuis presque 10 ans avec son ami à .... au cours desquels ils ont vécu régulièrement ensemble et en considérant que des motifs professionnels ont contraint la requérante à passer moins de temps à ... à partir du milieu de l'année 2000, il y a lieu de retenir que le fait que son ami était parti en vacances pendant la semaine du 8 au 15 juillet 2001 n'est pas de nature à enlever le caractère d'habituel à la résidence d'.... où la requérante avait l'habitude de passer les week-ends et n'est pas de nature à conférer à cette résidence un caractère occasionnel d'autant plus qu'il résulte de sa déclaration écrite du 22 octobre 2001 qu'elle avait prévu de séjourner toute cette semaine du 8 juillet 2001 à .... ce qui explique qu'elle se trouvait sur l'autoroute d'... à ... le matin du 9 juillet 2001 pour se rendre au travail ;

Attendu qu'en considérant le caractère stable et de longue durée de la relation de la requérante avec l'ami à .... il y a lieu de retenir que cette adresse à .... est à considérer comme la résidence où l'assurée a eu l'habitude en règle générale de passer ses week-ends, de sorte que cette adresse remplit les critères requis par la loi et que le parcours effectué le lundi 9 juillet 2001 pour se rendre au travail rentre dès lors dans les visées de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92, alinéa final du Code des assurances sociales et qu'il s'agit d'un parcours couvert par l'assurance-accidents obligatoire ;

Par ces motifs,

le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,

réformant, dit que le trajet effectué le matin du 9.juillet 2001 par la requérante est couvert par l'assurance-accidents obligatoire sur base de l'article 1er, litt. a de l'arrêté grand-ducal du 22 août 1936 portant exécution de l'article 92, alinéa final, du Code des assurances sociales concernant les accidents de trajet ;

renvoie le dossier devant l'organe de décision administratif compétent de l'Association d'assurance contre les accidents en prosécution de cause.

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 13 janvier 2003 en la salle d'audience du Conseil arbitral à Luxembourg par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Monsieur Christophe Alesch, secrétaire.

signé: Capésius, Alesch

 

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