CASS-18.11.2009

Thème(s)
Accident du travail
Domaine(s)
Notion d'accident
Mot(s) clef(s)
Preuve (oui)  | Matérialité d'une atteinte à l'organisme  | Matérialité du fait incriminé  | Déclaration tardive à l'employeur  | Sanction

Référence

  • CASS-18.11.2009
  • Aff. W. c/ A.A.I.
  • No du reg.: G 83/08
  • U200730883

Base légale

  • Art0092-al01-CSS

Sommaire

 

Un assuré désireux de faire reconnaître à son profit un incident comme accident professionnel supporte avant tout une double charge de la preuve, celle de la matérialité d'une atteinte à l'organisme laquelle ne fait pas l'objet de contestations en l'espèce et celle de la matérialité du fait incriminé comme accident professionnel,

En dépit du fait que ces dispositions enferment les démarches déclaratives dans des délais courts, le règlement en question ne prévoit pas de forclusion ou d'autre sanction en cas de dépassement de ces délais ou en présence de délais considérés comme trop importants, de sorte que ces règles ne constituent pas des règles de forclusion ou d'irrecevabilité des déclarations d'accidents professionnels, mais des règles de preuve qui souffrent la preuve contraire, et suivant lesquelles la matérialité d'un accident professionnel qui n'est pas déclaré dans les délais visés, c'est-à-dire qui n'est pas déclaré tempore non suspecto, peut être remise en question du simple fait du délai qui s'est écoulé depuis sa prétendue survenue et le moment auquel il a été déclaré par la victime à l'employeur, voire par l'employeur à l'Association d'assurance contre les accidents, sauf à la victime de rapporter d'autres preuves de sa matérialité,

La requérante ne démontre pas que le retard de déclaration à l'employeur était dû à une cause extérieure ou un cas de force majeure, la simple ignorance des suites médicales imputées à l'incident déclaré ne la dispensant pas d'en informer l'employeur immédiatement.

 

Corps

Conseil Arbitral des Assurances Sociales

Reg. N° G 83/08

Audience publique du dix-huit novembre deux mille neuf

 

Composition:  
M. Frank Schaffner, président du siège,
Mme Myriam Sibenaler, assesseur-employeur,
M.Jean Reusch, assesseur-assuré,
ces deux derniers dûment assermentés;  
M. Jean-Paul Sinner, secrétaire,

 

Entre:

W., née le ..., demeurant à ...;

demanderesse,

comparant en personne ;

Et:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange;
défenderesse,
comparant par Monsieur Marion Frisch, inspecteur principal, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite;

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales le 14 avril 2008, la requérante forma recours contre une décision du comité-directeur de l'Association d 'assurance contre les accidents, section industrielle, du 20 mars 2008.

Après avoir été fixée au rôle général en date du 19 septembre 2008, l'affaire fut refixée pour l'audience du 23 octobre 2009 à laquelle la requérante comparut en personne.

La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Marion Frisch, préqualifié. Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire.

Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.

La demanderesse maintint ses conclusions introductives d'instance.

La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral des assurances sociales rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit:

Vu le recours introduit le 14 avril 2008 auprès du Conseil arbitral des assurances sociales par la requérante, Madame W., dirigé contre une décision du comité-directeur de l 'Association d'assurance contre les accidents prise en séance du 20 mars 2008, lequel a par confirmation de la décision présidentielle du 14 janvier 2008 décliné la déclaration d'accident professionnel présentée le 6 novembre 2007 au titre d'un incident déclaré comme survenu le 18 juin 2007 au motif qu'en raison du retard de déclaration de l'incident en cause à l'employeur, la matérialité d'un accident sur le lieu et au temps du travail n'avait pas été établie à suffisance et que la relation causale entre la lésion invoquée et le prétendu accident n'était pas établie ;

Attendu que le recours est recevable pour avoir été présenté dans la forme et le délai de la loi ;

Attendu que la requérante maintient ses conclusions introductives d'instance tendant à la reconnaissance de l'incident comme accident professionnel au sens de la loi notamment sur fondement de son récit, tout en donnant à considérer que la dame F. citée comme ayant été la personne à laquelle l'incident avait été déclaré n'a pas voulu rédiger d'attestation;

Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision entreprise notamment pour les motifs qui lui ont servi de fondement et au moyen que la requérante n'a pas versé de pièces ou d'attestations susceptibles d'en remettre en cause le bien-fondé ;

Attendu que quant aux faits et circonstances de l'affaire, il résulte des éléments du dossier déposé par la partie défenderesse que la requérante, aide-senior auprès d'un réseau d'aide, a présenté le 6 novembre 2007 une déclaration d'accident professionnel au titre d'un incident déclaré comme survenu le 18 juin 2007 et ayant provoqué une douleur à l'épaule droite suite à une tentative pour rattraper une patiente âgée sur le point de tomber,

que la requérante consulte une première fois le docteur MOLLING le 13 juillet 2007 en raison de la persistance voire de l'aggravation de douleurs à l'épaule droite et qu'elle se soumet à un examen arthrographique sous imagerie par résonance magnétique de l'épaule douloureuse en date du 31 août 2007 lequel révèle une rupture transfixante partielle du muscle sus-scapulaire,

que suivant la déclaration d'accident, l'employeur se fait déclarer l'incident le 12 octobre 2007,

que sur le moment même, la requérante n'a pas arrêté le travail, mais qu'elle a déclaré une incapacité transitoire totale du 13 au 19 juillet 2007 sans préjudice des autres interruptions de travail plus amplement citées au relevé des incapacités transitoires totales annexé au dossier,

que dans son opposition introduite le 6 février 2008, la requérante fait valoir qu'elle avait averti de l'incident la dame F. de la maison pour personnes âgées St. Louis à Mondorf et qu'à l'audience, elle explique le retard de sa déclaration et de ses démarches par l'ignorance sur le moment même de la survenue de l'incident des suites médicales de l'affaire,

que quant à la reconnaissance de l'incident déclaré comme accident de travail au sens de la loi, l'article 92, alinéa 1er du Code des assurances sociales dispose comme suit:

"1) On entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail.",

qu'un assuré désireux de faire reconnaître à son profit un incident comme accident professionnel supporte avant tout une double charge de la preuve, celle de la matérialité d'une atteinte à l'organisme laquelle ne fait pas l'objet de contestations en l'espèce et celle de la matérialité du fait incriminé comme accident professionnel,

que quant au moment auquel l'incident a été déclaré par la requérante à son employeur, à son préposé ou à un responsable, l'article 1er du règlement grand-ducal du 24 novembre 2005 déterminant la procédure de déclaration des accidents et d'attribution des prestations de l'assurance accident dispose ce qui suit:

«Sauf en cas de force majeure, tout assuré, victime d'un accident du travail ou de trajet, doit en aviser immédiatement son employeur ou le représentant de celui-ci. »,

que l'article 2, premier alinéa du même règlement dispose ce qui suit:

"L'employeur ou son représentant doit déclarer dans la huitaine tout accident du travail à l'Association d'assurance contre les accidents en fournissant toutes les indications demandées sur le formulaire prescrit. Il fait parvenir une copie de la déclaration à l'assuré soit d'office, soit à la demande de celui-ci"

qu'en dépit du fait que ces dispositions enferment les démarches déclaratives dans des délais courts, le règlement en question ne prévoit pas de forclusion ou d'autre sanction en cas de dépassement de ces délais ou en présence de délais considérés comme trop importants, de sorte que ces règles ne constituent pas des règles de forclusion ou d'irrecevabilité des déclarations d'accidents professionnels, mais des règles de preuve qui souffrent la preuve contraire, et suivant lesquelles la matérialité d'un accident professionnel qui n'est pas déclaré dans les délais visés, c'est-à-dire qui n'est pas déclaré tempore non suspecto, peut être remise en question du simple fait du délai qui s'est écoulé depuis sa prétendue survenue et le moment auquel il a été déclaré par la victime à l'employeur, voire par l'employeur à l'Association d'assurance contre les accidents, sauf à la victime de rapporter d'autres preuves de sa matérialité,

que la requérante ne démontre pas que le retard de déclaration à l'employeur était dû à une cause extérieure ou de force majeure, la simple ignorance des suites médicales imputées à l'incident déclaré ne la dispensant pas d'en informer l'employeur immédiatement,

qu'à défaut de témoin oculaire susceptible de confirmer la matérialité du fait incriminé et son déroulement, d'attestations testimoniales revêtant les formes et les garanties d'authenticité ou de crédibilité requises ou encore d'offre de preuves pertinentes susceptibles d'étayer les déclarations de la requérante ou d'inciter au recours à une mesure d'instruction complémentaire, le recours est à déclarer non fondé alors que les seules déclarations de la requérante quant à la survenue d'un incident sur le lieu et au temps du travail susceptible de causer la lésion déclarée ne peuvent être retenues comme probantes ou pertinentes en raison du fait que le droit luxembourgeois n'admet pas qu'une partie puisse être entendue dans sa propre cause (en ce sens, Conseil supérieur des assurances sociales 29 novembre 2004, affaire BECKER c/ AAI, no. reg. G 2004/0060).

Par ces motifs,

le Conseil arbitral des assurances sociales, statuant contradictoirement et en premier ressort, quant à la forme, déclare le recours recevable,

quant au fond, déclare le recours non fondé et en déboute.

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 18 novembre 2009 en la salle d'audience du Conseil arbitral des assurances sociales à Luxembourg, par Monsieur le président du siège Frank Schaffner, en présence de Monsieur Jean-Paul Sinner, secrétaire.

signé: Schaffner, Sinner

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