CSSS-03.03.2010

Thème(s)
Accident du travail
Domaine(s)
Notion d'accident
Mot(s) clef(s)
Définitions  | Temps de travail effectif  | Pause  | Présomption d'imputabilité  | Hernie discale  | Geste anodin de la vie courante  | Etat pathologique préexistant  | Preuve contraire

Référence

  • CSSS-03.03.2010
  • Aff. AAA c/ T.
  • No. du reg. : G 2008/0176
  • No: 2010/0032
  • U200714774

Base légale

  • Art-0092-CSS

Sommaire

Tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail, sauf à l'organisme de sécurité de sociale de rapporter la preuve que l'atteinte au corps humain est due à une cause étrangère à l'emploi assuré. Constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle. L'accident se caractérise par sa soudaineté qui le distingue de la maladie qui constitue un processus à évolution lente (cf. JCL. Sécurité sociale, accidents du travail, fascicule 310, n°145 et ss.). La jurisprudence ne se réfère plus au caractère violent et extérieur de l'évènement dommageable pour définir l'accident du travail. Le droit allemand, qui exige encore en principe le caractère externe de l'évènement dommageable pour distinguer l'accident de la maladie, admet cependant qu'un mouvement du corps de la victime (körpereigene Bewegung) constitue un évènement externe (Arbeitsunfall und Berufskrankheiten, Mehrtens, Valentin, Schönberger, 7. Ausgabe, Erich Schmidt Verlag, page 66). Il n'est pas requis que le mouvement qui déclenche la lésion soit un mouvement violent, extrême, brusque, imprévu ou imprévisible.

Le caractère professionnel de l'accident suppose qu'il survienne par le fait ou à l'occasion du travail. A cet égard, est présumé imputable au travail, tout accident survenu au temps et au lieu du travail. Cette présomption d'imputabilité trouve son fondement dans le critère d'autorité qui requiert l'exigence d'un contrat de travail, non suspendu. Le temps de travail ne se superpose pas au temps de travail effectif. Il s'agit bien sûr du temps normal de travail, mais aussi des temps précédant ou suivant l'horaire de travail, le temps de pauses et de repas. Pendant la pause de minuit à l'intérieur de l'entreprise, T. était assuré au titre de la législation concernant les accidents du travail. T. bénéficie partant d'une présomption d'imputabilité qui le dispense de rapporter la preuve du lien de causalité entre la lésion et l'activité professionnelle. Il appartient à l'Association d'assurance accident de rapporter la preuve contraire.

L'Association d'assurance accident a rapporté la preuve du contraire en soulevant que le mouvement de redressement du corps consistant à se relever normalement d'une chaise ne peut pas provoquer ou aggraver une triple hernie discale avec douleurs aiguës telles que celles ressenties par T..

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. du reg.: G 2008/0176No.: 2010/0032

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

Audience publique du trois mars deux mille dix

Composition:  
Mme Edmée Conzémius, président de chambre à la Cour d'appel président
M, Marc Kerschen, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Camille Hoffmann, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Camille Hoffmann, 1er conseiller à la Cour d'appel, assesseur-employeur
M. Marcel Kraus, ouvrier de l'Etat, Leudelange, assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

ENTRE

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, établie à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction, appelante,
comparant par Madame Pascale Speltz, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;

ET

T..., né le ..., demeurant à ...

intimé,

assisté de Monsieur Roger Fohl, secrétaire syndical, demeurant à Dudelange, mandataire de l'intimé suivant procuration spéciale sous seing privé en date du 27 janvier 2010.

Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 28 août 2008, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 24 juillet 2008, dans la cause pendante entre elle et T., et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours recevable et fondé, réformant, dit que l'accident dont le requérant a été victime le 12 juin 2007 est à reconnaître comme accident du travail au sens de la loi; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 27 janvier 2010, à laquelle le rapporteur désigné, Monsieur Marc Kerschen, fit l'exposé de l'affaire.

Madame Pascale Speltz, pour l'appelante, maintint les moyens et conclusions de la requête d'appel entrée au siège du Conseil supérieur le 28 août 2008.

Monsieur Roger Fohl, pour l'intimé, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 24 juillet 2008 et ne s'opposa pas à l'institution d'une expertise médicale.

L'affaire fut prise en délibéré et le prononcé fixé à l'audience publique du 10 février 2010.

A cette audience publique le prononcé fut refixé à celle de ce jour, à laquelle le Conseil supérieur rendit l'arrêt qui suit:

Par décision du 20 mars 2008 le comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a refusé de prendre en charge la lésion subie par T. en date du 12 juin 2007 au motif qu'il n'y a aucune relation causale entre la lésion invoquée et le mouvement décrit, que l'incident décrit par le requérant ne peut être qualifié d'accident du travail alors qu'il s'agit d'un geste totalement anodin de la vie courante exercé en l'absence de toute circonstance particulière.

Statuant sur le recours formé par T. contre cette décision, le Conseil arbitral des assurances sociales a, par jugement contradictoire du 24 juillet 2008, dit, par réformation du jugement entrepris, que l'accident dont le requérant a été victime le 12 juin 2007 est à reconnaître comme accident du travail au sens de la loi.

Pour statuer comme ils l'ont fait les juges de première instance ont dit qu'en considérant que le geste de se relever, au cours de la réalisation du contrat de travail peut constituer l'élément extérieur soudain qui a pu produire la lésion, il y a lieu de retenir que la victime bénéficie d'une présomption d'imputabilité qui la dispense de rapporter la preuve du lien de causalité entre la lésion et l'activité professionnelle, que la présomption d'imputabilité est une présomption simple qui peut être renversée par la preuve que la lésion a une origine totalement étrangère au travail, qu'il appartient à l'Association d'assurance contre les accidents de rapporter la preuve contraire en démontrant que la lésion constatée au temps et au lieu de travail a été causée par un accident de droit commun ou que la lésion est due de façon déterminante à une affection antérieure médicalement constatée avant l'incident ou à une pathologie qui s'est cliniquement manifestée avant l'incident, que la décision attaquée n'est pas motivée par la considération que la lésion est due de façon déterminante à une affection antérieure médicalement constatée avant l'incident, que la décision n'est pas non plus motivée par la considération que le geste de se relever au temps et au lieu du travail n'a pas eu d'incidence dans le sens d'une aggravation dans l'évolution d'une pathologie préexistante de sorte qu'il y a lieu de retenir que la cause première et immédiate de la lésion réside dans l'effort effectué pour se relever au temps et au lieu du travail.

L'Association d'assurance contre les accidents a régulièrement relevé appel de ce jugement par requête entrée le 28 août 2008 au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales.

Elle demande au Conseil supérieur des assurances sociales de déclarer, par réformation du jugement entrepris, le recours de T. non fondé et de confirmer la décision du comité-directeur du 20 mars 2008 dans toute sa forme et teneur, sinon subsidiairement et par évocation de nommer un expert avec la mission de déterminer si le mouvement de redressement du corps consistant à se relever normalement d'une chaise après avoir bu une tasse de café peut provoquer ou aggraver une triple hernie discale avec douleurs aiguës telles que celles ressenties par T. ou si cette lésion est exclusivement imputable à un état préexistant au geste incriminé.

L'Association d'assurance contre les accidents reproche aux juges de première instance de ne pas avoir examiné concrètement si dans l'accomplissement par l'assuré du geste litigieux un élément a pu produire la lésion invoquée. Elle estime au contraire que le fait de se lever normalement d'une chaise ne saurait provoquer la triple hernie discale décrite par le médecin traitant de l'assuré de sorte que la présomption d'imputabilité ne peut légalement s'appliquer étant donné l'absence totale d'événement accidentel susceptible d'être à l'origine de la lésion invoquée; qu'à supposer que la présomption de causalité puisse s'appliquer c'est encore à tort que les premiers juges auraient retenu qu'il appartient à l'Association d'assurance contre les accidents de rapporter la preuve contraire en démontrant que la lésion constatée au temps et au lieu de travail a été causée par un accident de droit commun ou que la lésion est due de façon déterminante à une affection antérieure médicalement constatée avant l'incident ou à une pathologie qui s'est cliniquement manifestée avant l'incident; que la présomption de causalité est en effet renversée du moment que l'Association d'assurance contre les accidents prouve que la lésion constatée est due de façon déterminante à une affection antérieure ce qui est le cas en l'espèce; que finalement c'est encore à tort que le Conseil arbitral des assurances sociales a retenu que l'Association d'assurance contre les accidents n'a pas rapporté la preuve que la lésion dorsolombaire litigieuse a une origine totalement étrangère à l'activité professionnelle assurée; que pareille preuve n'a pas à être rapportée; qu'il convient de faire une distinction entre un accident du travail et une maladie professionnelle; qu'à supposer que la présomption de causalité s'applique le Conseil arbitral des assurances sociales aurait dû retenir que l'Association d'assurance contre les accidents doit rapporter la preuve que la lésion invoquée par l'assuré a une origine totalement étrangère à l'incident déclaré; que pareille preuve est rapportée dès lors que les douleurs éprouvées au dos résident exclusivement dans l'état pathologique antérieur de l'assuré.

T. conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Lors de la pause de repos de minuit, le requérant a, après avoir fumé une cigarette et bu une tasse de café, subitement ressenti une douleur vive au bas du dos en voulant se relever de sa position assise.

L'examen de T. a relevé une triple hernie discale.

Aux termes de l'article 92, alinéa 1er du code de la sécurité sociale on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail.

Tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail, sauf à l'organisme de sécurité sociale de rapporter la preuve que l'atteinte au corps humain est due à une cause étrangère à l'emploi assuré. Constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle. L'accident se caractérise par sa soudaineté qui le distingue de la maladie qui constitue un processus à évolution lente (cf. JCL. Sécurité sociale, accidents du travail, fascicule 310, n° 145 et ss.). La jurisprudence ne se réfère plus au caractère violent et extérieur de l'événement dommageable pour définir l'accident du travail. Le droit allemand, qui exige encore en principe le caractère externe de l'événement dommageable pour distinguer l'accident de la maladie, admet cependant qu'un mouvement du corps de la victime (körpereigene Bewegung) constitue un événement externe (Arbeitsunfall und Berufskrankheit, Mehrtens, Valentin, Schonberger, 7. Ausgabe, Erich Schmidt Verlag, page 66). Il n'est pas requis que le mouvement qui déclenche la lésion soit un mouvement violent, extrême, brusque, imprévu ou imprévisible.

Le caractère professionnel de l'accident suppose qu'il survienne par le fait ou à l'occasion du travail. A cet égard, est présumé imputable au travail, tout accident survenu au temps et au lieu du travail. Cette présomption d'imputabilité trouve son fondement dans le critère d'autorité qui requiert l'exigence d'un contrat de travail, non suspendu. Le temps de travail ne se superpose pas au temps de travail effectif, il s'agit bien sûr du temps normal de travail, mais aussi des temps précédant ou suivant l'horaire de travail, les temps de pauses et de repas.

Les juges de première instance ont partant à bon droit dit que pendant la pause de minuit à l'intérieur de l'entreprise T. était assuré au titre de la législation concernant les accidents du travail.

Par application des principes ci-avant dégagés, l'accident subi par T. doit être présumé être un accident du travail.

La victime bénéficie partant d'une présomption d'imputabilité qui la dispense de rapporter la preuve du lien de causalité entre la lésion et l'activité professionnelle. II appartient à l'Association d'assurance contre les accidents de rapporter la preuve contraire.

L'Association d'assurance contre les accidents fait valoir que le mouvement de redressement du corps consistant à se relever normalement d'une chaise ne peut pas provoquer ou aggraver une triple hernie discale avec douleurs aiguës telles que celles ressenties par le requérant le 12 juin 2007.

La cause première et immédiate de la lésion de T. est antérieure au mouvement décrit par lui sans que le Conseil supérieur des assurances sociales soit en mesure de vérifier si cette cause est due à un fait du travail antérieur ou à une activité privée antérieure.

L'Association d'assurance contre les accidents a partant rapporté la preuve que la lésion de T. n'est pas en relation causale avec son activité professionnelle.

Il y a partant lieu de réformer le jugement entrepris et de rétablir la décision du 20 mars 2008 du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents.

Par ces motifs

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,

reçoit l'appel en la forme,

le dit fondé,

REFOMANT

rétablit la décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents du 20 mars 2008.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 3 mars 2010 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.

Le Président, signé: Conzémius
Le Secrétaire, signé: Spagnolo

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