GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
No. du reg.: G 2011/0156 No.:2012/0105
CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE
Audience publique du vingt et un mai deux mille douze
Composition: | |
M. Marc Kerschen, président de chambre à la Cour d'appel | président ff. |
Mme Odette Pauly, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Pierre Calmes, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Aly Schumacher, viticulteur, Wormeldange, | assesseur-employeur |
M. Nico Walentiny, préretraité, Mensdorf, | assesseur-salarié |
M. Francesco Spagnolo, | secrétaire |
ENTRE:
l'Association d'assurance accident, établie à Luxembourg,
représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,
appelante,
comparant par Madame Danielle Hoscheid, employée non statutaire de la carrière S, demeurant à Luxembourg;
ET:
M., né le..., demeurant à...,
intimé,
assisté de Maître Rachel Jazbinsek, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de Maître Albert Rodesch, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale le 23 décembre 2011, l'Association d'assurance accident a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral de la sécurité sociale le 18 novembre 2011, dans la cause pendante entre elle et M., et dont le dispositif est conçu comme suit:
Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, réformant, dit que le malaise cardiaque grave dont l'assuré a été victime le 2 décembre 2010 est à reconnaître comme étant en relation avec un accident du travail indemnisable au titre de la législation sur les accidents professionnelles conformément à l'article 90, (devenu 91), sous 4) du Code de la sécurité sociale; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent à l'Association d'assurance accident pour détermination des prestations.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 7 mai 2012, à laquelle le rapporteur désigné, Madame Odette Pauly, fit l'exposé de l'affaire.
Madame Danielle Hoscheid, pour l'appelante, conclut en ordre principal à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 18 novembre 2011; en ordre subsidiaire, elle conclut à la nomination d'un expert.
Maître Rachel Jazbinsck, pour l'intimé, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 18 novembre 2011 et ne s'opposa pas l'institution d'une expertise médicale.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
Le 2 décembre 2010 de 19.30 à 21.30 heures, M. a participé aux activités sportives organisées mensuellement par les sapeurs-pompiers volontaires de la commune de Mondercange. A la fin de ces activités, il a séjourné avec d'autres participants dans les locaux des sapeurs-pompiers étant donné qu'il était en service de permanence ce jour-là. Rentré chez lui, l'assuré s'est évanoui dans la cave de l'immeuble, où son père l'a trouvé et a appelé les secours.
Le médecin traitant indique comme diagnostic « torsade de pointe à couplage court avec arrêt cardio-respiratoire », respectivement une embolie pulmonaire gauche.
Par décision présidentielle du 31 janvier 2011, la prise en charge par l'Association d'assurance accident (ci-après AAA) est refusée au motif qu'aucun accident ou événement dommageable, ni aucune lésion en rapport avec un accident du travail ne sont établis, de sorte que l'embolie pulmonaire n'est pas la suite d'un accident du travail.
M. forme opposition et par décision du 19 mai 2011 le comité-directeur de l'AAA confirme la décision présidentielle de refus.
Le 20 juin 2011. M. présente une requête devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale formant recours contre la susdite décision.
Par jugement du 18 novembre 2011, le Conseil arbitral de la sécurité sociale réforme la décision de refus et dit que le malaise cardiaque grave, dont l'assuré a été victime le 2 décembre 2010, est à reconnaître comme étant en relation avec un accident du travail indemnisable au titre de la législation sur les accidents professionnelles conformément à l'article 90 (devenu 91). sous 4) du code de la sécurité sociale.
Par requête entrée le 23 décembre 2011 au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale, l'AAA interjette régulièrement appel contre le jugement rendu le 18 novembre 2011 et demande à titre principal à voir réformer le jugement entrepris et à voir dire que le malaise de l'intimé ne constitue pas un accident du travail et n'est partant pas indemnisable par l'AAA; à titre subsidiaire l'appelante demande la nomination d'un expert avec mission de se prononcer sur la cause du malaise cardiaque.
L'appelante ne met pas en doute que l'assuré a participé aux activités sportives organisées par les sapeurs-pompiers volontaires et qu'il était en service de permanence ce soir, mais elle soutient que le malaise cardiaque n'est pas survenu ni pendant une intervention, ni pendant l'entraînement, ni dans la maison des pompiers et que partant la présomption de l'article 92 du code de la sécurité sociale ne joue pas et qu'il appartient à l'assuré de rapporter positivement la preuve que le malaise trouve son origine dans l'exécution d'une mission assurée. L'appelante fait valoir que cette preuve n'est pas rapportée par l'intimé.
L'AAA se réfère à l'avis du médecin-conseil de l'Administration du contrôle médical de la sécurité sociale du 6 mai 2011 qui dit qu'étant donné que l'arrêt cardio-respiratoire est apparemment survenu au domicile de l'assuré et qu'une torsade de pointe à couplage court est un trouble paroxystique (à survenance brusque, imprévisible et non nécessairement lié à un effort physique préalable) du rythme ventriculaire du cœur entraînant un arrêt cardiorespiratoire, une relation directe avec les efforts de l'activité physique faite quelques heures avant l'incident est pour le moins improbable.
La partie intimée demande la confirmation de la décision entreprise; elle relève que l'accident a eu lieu directement après l'activité assurée et que partant l'AAA est mal venue de dire que le lien causal entre l'accident et l'activité ne serait pas établi. En ordre subsidiaire, la partie intimée offre d'établir ce lien par expertise médicale.
L'article 92 du code de la sécurité sociale dit qu'on entend par accident du travail celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail.
L'article 90 du même code rend applicables les dispositions: 4) aux personnes participant aux actions de secours et de sauvetage apportées à la personne ou aux biens d'un tiers en péril, aux exercices théoriques et pratiques se rapportant directement à ces actions, pour autant que ces activités se situent dans le cadre d'une association ou d'un corps poursuivant habituellement et bénévolement de tels objectifs... .
En l'occurrence, le malaise s'est produit à un moment où l'assuré ne s'est pas trouvé dans le cadre d'une activité couverte par l'assurance accident. Le malaise n'est plus relié par un critère spatio-temporel à l'activité retenue à l'article 90 du code de la sécurité sociale.
Lorsqu'il est rentré au domicile, M. n'a plus participé à une action de secours ou de sauvetage, ni à un exercice théorique ou pratique se rapportant directement à ces actions. La victime n'a pas subi de lésion au temps et au lieu de ces activités, de sorte que le doute relatif à l'origine de son malaise et la présomption de relation causale entre le malaise et son activité ne peuvent lui profiter.
L'assuré ne profitant pas de la présomption qui dans ces circonstances aurait établi que le malaise est imputable à l'action de secours ou de sauvetage, il lui appartient d'établir que l'accident subi est survenu par le fait de l'action de secours ou de sauvetage ou de l'exercice théorique ou pratique s'y rapportant directement.
En ordre subsidiaire, la partie intimée offre d'établir le lien entre son malaise cardiaque et l'activité assurée.
Il y a lieu de faire droit à cette demande.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur de la sécurité sociale,
statuant contradictoirement, sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué, avant tout autre progrès en cause,
nomme expert le docteur Louis BOISANTE, médecin spécialiste en cardiologie-angiologie. demeurant à Esch-sur-Alzette,
avec la mission de se prononcer sur le lien entre le malaise cardiaque subi par M. le 2 décembre 2010 et l'activité assurée à laquelle il a participé ce même jour,
invite l'expert à dresser de ses investigations un rapport écrit, détaillé et motivé à déposer au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale à Luxembourg dans les meilleurs délais,
fixe l'affaire au rôle général.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 21 mai 2012 par le Président du siège, Monsieur Marc Kerschen. en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président ff., signé: Kerschen
Le Secrétaire, signé: Spagnolo