CSSS-15.01.2003

Thème(s)
Accident du travail
Domaine(s)
Rupture du lien de connexité avec le travail
Mot(s) clef(s)
Après fête d'entreprise  | Chute dans l'escalier  | Etat d'ivresse  | Faute intentionnelle  | Cause de l'accident inconnue  | Doute

Référence

  • CSSS-15.01.2003
  • Aff. AAI c/ W., veuve K.
  • No. du reg.: a 2002/0102
  • No.: 2003/0011
  • U200033911

Base légale

  • Art0092-al01-CSS
  • Art0114-al01-CSS

Sommaire

Selon l'article 92 du code des assurances sociales, on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du travail et toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail, sauf si l'Association d'assurance rapporte la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail. En cas de doute, c.-à-d. s'il n'est pas établi de façon certaine que le travail n'a concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice ou à son aggravation soudaine, la présomption d'imputabilité demeure et, avec elle, la qualification d'accident du travail. L'état d'ébriété n'exclut pas par lui-même l'application de la loi à moins que cet état puisse être considéré comme constituant une faute intentionnelle au sens de l'article 114 du code des assurances sociales. La faute intentionnelle est, selon la jurisprudence, une faute grave caractérisée par un acte volontaire accompli avec l'intention de nuire. Il ne suffit pas de démontrer que l'auteur de l'accident a délibérément voulu et accompli l'acte qui a causé l'accident, il faut encore prouver qu'il en a voulu les conséquences dommageables.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No. du reg.: a 2002/0102 No.: 2003/0011

CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES

Audience publique du quinze janvier deux mille trois

Composition:  
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, président
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Camille Hoffmann, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
Mme Diane Fior, gérante, Frisange, assesseur-employeur
M. Fernand Hansen, typographe e.r., Ettelbrück, assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

ENTRE:

l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,

appelante,

comparant par Monsieur Claude Rume, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;

ET:

W, veuve K., née le ..., demeurant à ...,

intimée,

comparant par Maître Ferdinand Burg, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de Maître Gaston Vogel, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 21 juin 2002, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 27 mai 2002 dans la cause pendante entre elle et a, veuve K., et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours recevable et fondé, réformant, dit que l'accident dont K. a été victime le 22 décembre 2000 est à reconnaître comme accident du travail au sens de la loi ;
renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour détermination des prestations.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 18 décembre 2002, à laquelle Madame le président fit le rapport oral.

Monsieur Claude Rume, pour l'appelante, conclut au rétablissement de la décision de la commission des rentes du 10 décembre 2001.

Maître Ferdinand Burg, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 27 mai 2002.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit :

Par requête déposée au greffe du Conseil supérieur des assurances sociales en date du 21 juin 2002, l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, section industrielle, a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 27 mai 2002 par le Conseil arbitral entre elle-même et la dame W., veuve K., jugement qui, par réformation d'une décision de la commission des rentes du 10 décembre 2001, a retenu que l'accident du 22 décembre 2000 dont K. était devenu la victime et des suites duquel il est décédé, était à qualifier d'accident de travail au sens de l'article 92 du code des assurances sociales.

Estimant que l'accident dont s'agit n'était pas dû au travail respectivement à la configuration des lieux, mais à un taux d'alcoolémie prononcé de 2,2 g/l, l'appelante demande le rétablissement de la décision de la commission des rentes du 10 décembre 2001 qui avait refusé la prise en charge.

L'intimée conclut à la confirmation de la décision entreprise.

La déclaration patronale du 28 décembre 2000 décrit le déroulement de l'accident qui se serait produit le 22 décembre 2000 à 23,15 heures, comme suit: Lors d'une festivité officielle pour le personnel à l'occasion des fêtes de fin d'année, organisée par la firme, un accident s'est produit comme suit: Monsieur K. a .fait une chute dans l'escalier à l'extérieur du bâtiment en voulant rejoindre sa voiture sur le parking. Le blessé a été transféré par ambulance au Centre Hospitalier à Luxembourg.

K. est décédé des suites de son accident en date du 26 décembre 2000.

Il ressort du dossier que les festivités ont commencé vers 16H30. Selon enquête effectuée par la Police (No 2001/956/17/JP du 08/01/01) un collègue de travail, V., aurait quitté les lieux vers 23 heures pour rentrer chez lui. Constatant que sa voiture était bloquée par celle de K., il serait allé chercher ce dernier.

K., qui était lui aussi sur le point de partir, serait sorti avec lui et aurait contourné par la gauche une camionnette qui était stationnée sur la plate-forme de sortie et aurait probablement trébuché sur un muret de 25 cm qui séparait la plate-forme d'un escalier menant au sous-sol et serait tombé par-dessus le muret à une profondeur de 2,20 m.

Selon les agents verbalisant l'éclairage extérieur n'aurait pas été mis en marche et aucune lampe n'aurait été fixée sur le muret.

L'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, section industrielle, fait valoir que malgré la faible luminosité de l'endroit et l'absence d'un garde-fou l'accident aurait été parfaitement évitable pour tout homme moyennement en possession de ses moyens.

La preuve en serait qu'au moins un des employés aurait fait l'aller-retour sans problème.

L'accident serait dû exclusivement au taux d'alcoolémie de 2,2 g/l que l'analyse du sang effectuée au Centre Hospitalier de Luxembourg le 23 décembre vers 0,50 heures aurait révélé.

Le fait de participer à une fête d'entreprise ne saurait servir d'excuse pour justifier une consommation d'alcool dépassant de loin la limite du tolérable.

Il est à remarquer que l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, section industrielle, ne conteste pas l'applicabilité en principe de l'article 92 du code des assurances sociales, mais estime s'être exonérée par la faute lourde de l'assuré social.

Selon l'article 92 du code des assurances sociales, on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion du travail et toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail, sauf si l'Association d'assurance rapporte la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

Tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est partant présumé être un accident du travail.

Il n'est pas établi de façon certaine que le travail n'a concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice ou à son aggravation soudaine, la présomption d'imputabilité demeure et, avec elle, la qualification accident du travail.

Il est établi en l'occurrence que l'assuré social est tombé par-dessus le muret de séparation et est tombé dans la cage d'escalier. La question qui se pose est donc celle de savoir si la configuration des lieux n'a concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice et si l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, s'est déchargée de la présomption de responsabilité par la faute intentionnelle de la victime conformément à l'article 114 du code des assurances sociales.

La question se réduit donc à savoir si l'ouvrier a été blessé exclusivement en raison de son ivresse ou si la configuration des lieux (absence de garde-fou, éclairage insuffisant) a contribué à la réalisation de l'accident.

Il est soutenu que K. était familier des lieux dès lors qu'il était au service d'Ameco depuis 1974. Il se dégage néanmoins des photographies versées au dossier que les lieux ont été nouvellement aménagés de sorte qu'aucun argument ne saurait être déduit de la date d'engagement de l'ouvrier.

Il est un fait que plusieurs salariés avaient déjà quitté la fête sans problème aucun. Le témoin V. a fait le trajet à trois reprises sans trébucher. Toutefois le chemin emprunté par ces salariés -à gauche ou à droite de la camionnette en stationnement -n'est pas précisé. Il est d'autre part établi que la rampe d'accès n'était pas éclairée.

D'un autre côté si l'on tient compte du fait que la résorption de l'alcool dans le sang est de 0,15 g par heure, l'alcoolémie de K. a dû être encore plus élevée lors de sa chute.

L'état d'ébriété n'exclut pas par lui-même l'application de la loi à moins que cet état puisse être considéré comme constituant une faute intentionnelle au sens de l'article 114 du code des assurances sociales.

Le code des assurances sociales ne définit pas la notion de faute intentionnelle.

La faute intentionnelle est, selon la jurisprudence, une faute grave caractérisée par un acte volontaire accompli avec l'intention de nuire. Il ne suffit pas de démontrer que l'auteur de l'accident a délibérément voulu et accompli l'acte qui a causé l'accident, il faut encore prouver qu'il en a voulu les conséquences dommageables.(Juriscl. Droit. Soc. Fasc. 790 no 33).

En l'occurrence, l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, section industrielle, n'a établi ni que la configuration des lieux n'a pas contribué à l'accident, ni que l'accident est dû à une faute intentionnelle dans le chef de l'assuré social. La cause exacte de la chute reste inconnue. On doit néanmoins admettre que la présence d'un garde-fou et un éclairage suffisant auraient été de nature à éviter l'accident. En cas de doute, c'est-à-dire s'il n'est pas établi de façon certaine que le travail n'ait concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice ou à son aggravation soudaine, la présomption d'imputabilité demeure et, avec elle, la qualification d'accident de travail.

L'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS ne s'est partant pas déchargée de la présomption de responsabilité pesant sur elle et la décision entreprise est à confirmer en conséquence.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral de son président et contradictoirement entre parties,

reçoit l'appel en la forme,

le dit non fondé,

partant confirme la décision entreprise.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 15 janvier 2003 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.

Le Président,
signé: Conzémius

Le Secrétaire,
signé: Spagnolo

 

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