GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
Conseil Arbitral de la Sécurité Sociale
Audience publique du neuf février deux mille quinze
Composition: |
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M. Paul Capésius, | président du siège |
Mme Myriam Siebenaler, | assesseur-employeur |
M. Nicolas Kieffer, | assesseur-assuré |
ces deux derniers dûment assermentés | |
Mme Carole Dorotea-Jemming, | secrétaire |
Entre:
P., né le ***, demeurant à ***;
demandeur,
comparant par Maître Fabienne Mondot, avocat à la Cour, Luxembourg ;
Et:
l’Association d’assurance accident, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Claude Seywert, demeurant à Luxembourg ;
défenderesse,
comparant par Monsieur R., inspecteur principal Ier en rang, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite ;
Par requête déposée au siège du Conseil arbitral de la sécurité sociale le 30 avril 2013, la partie demanderesse forma recours contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 21 mars 2013.
Après avoir été mise au rôle général en date du 3 décembre 2013, l’affaire fut refixée pour l’audience publique du 9 décembre 2014, à laquelle le requérant comparut par Maître Fabienne Mondot, préqualifiée.
La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur R., préqualifié.
Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l’affaire.
Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.
La partie demanderesse conclut principalement à la réformation de la décision attaquée et subsidiairement à l’audition d’un témoin.
La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.
Sur ce le Conseil arbitral prit l’affaire en délibéré et fixa le prononcé du jugement au 6 janvier 2015.
A l’audience publique du 6 janvier 2015 le Conseil arbitral décida de reporter le prononcé du jugement au lundi 9 février 2015 à 9 :00 heures suite à l’attestation patronale du 19 décembre 2014 versée par la partie demanderesse.
Après prise en délibéré de l’affaire, le Conseil arbitral de la sécurité sociale rendit à l’audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été reporté, le jugement qui suit :
Vu le recours formé par l’assuré P. contre une décision du comité-directeur de l’Association d’assurance accident du 21 mars 2013 ayant, par confirmation de la décision présidentielle du 11 janvier 2013, refusé la prise en charge d’une maladie portant comme diagnostic « périarthrite scapulo-humérale de l’épaule gauche (PSH) » déclarée au titre d’une maladie professionnelle faisant l’objet d’une déclaration médicale du 21 juin 2012 ;
Attendu que le recours est recevable pour avoir été présenté dans les formes et délai prévus par la loi ;
Attendu que la prise en charge de la maladie déclarée au titre du numéro 2101 du tableau des maladies professionnelles a été refusée au motif que malgré que le médecin-conseil du Contrôle médicale de la sécurité sociale a retenu le caractère professionnel de cette maladie, les conditions légales nécessaires à l’indemnisation ne sont pas remplies alors que la maladie n’aurait pas nécessité l’abandon définitif de l’activité professionnelle en relation avec l’origine, l’aggravation ou la réapparition de la maladie, tel que stipulé au tableau sous le numéro 2101 ;
Attendu que les éléments de fait à la base de la décision du comité-directeur ont été précisés comme suit :
« L’assuré est employé depuis le 3 février 2003 auprès de l’entreprise S*** établie à S*** en tant qu’ouvrier. D’après la déclaration patronale, l’assuré exerce les fonctions de menuisier, charpentier, couvreur et chef d’équipe. Son travail l’expose à des vibrations, à des gestes répétitifs et à des grands efforts physiques. Selon le patron l’assuré monte et descend avec des charges sur des échelles, escaliers et versants de toiture.
Dans un avis pris sur base d’un examen médical de l’assuré, l’Administration du Contrôle médical de la sécurité sociale a estimé que la cause déterminante de la maladie se trouve dans l’activité professionnelle. Toutefois la condition légale de l’abandon définitif de l’activité professionnelle à l’origine de la maladie n’est actuellement pas remplie.
L’assuré fait valoir qu’en tant que contremaître il peut organiser son travail autrement alors que tous les travaux en relation avec les épaules sont octroyés aux ouvriers afin qu’il ne force plus ses épaules.
Suivant les indications figurant au fichier au Centre commun de la sécurité sociale M. P. continue à travailler auprès de l’entreprise S*** établie à S***. Il ne résulte d’aucun élément du dossier que les conditions de travail décrites sur la déclaration patronale du 14 septembre 2012 aient changées entretemps. En effet l’employeur a bien indiqué, entre autres, que dans sa fonction de chef d’équipe l’assuré est exposé au port de charges lourdes. La simple possibilité théorique de déléguer certains travaux ne constitue pas un abandon définitif des activités à l’origine de la maladie. » ;
Attendu que l’article 94 du Code de la sécurité sociale dispose comme suit :
« Est considéré comme maladie professionnelle, celle ayant sa cause déterminante dans l’activité assurée.
Une maladie est présumée d’origine professionnelle, lorsqu’elle figure au tableau des maladies professionnelles et est contractée par suite d’une exposition au travail à un risque spécifique.
Peut être reconnue comme maladie professionnelle une maladie non désignée dans le tableau, si l’assuré rapporte la preuve de son origine professionnelle. » ;
que le règlement d’administration publique auquel il est renvoyé par la disposition de l’article 95 du Code est l’arrêté grand-ducal du 30 juillet 1928 concernant l’extension de l’assurance obligatoire contre les accidents aux maladies professionnelles tel que modifié, lequel dispose en son article 1er comme suit :
« Les effets de l’assurance obligatoire contre les accidents sont appliqués aux maladies ayant leur cause déterminante dans une occupation professionnelle assurée au Grand-Duché de Luxembourg et figurant au tableau formant annexe au présent arrêté » ;
que le tableau formant annexe audit arrêté est le tableau des maladies tel qu’arrêté par règlement grand-ducal du 27 mars 1986 tel que modifié par la suite, lequel définit la maladie professionnelle 2101 comme suit :
« Maladies des gaines synoviales ou du tissus péritendineux ainsi que des insertions tendineuses ou musculaires ayant nécessité l’abandon de toutes activités qui ont été ou qui peuvent être en relation causale avec l’origine, l’aggravation ou la réapparition de la maladie. »
Attendu que la condition mise par la loi à l’indemnisation d’une maladie prévue sous le numéro 2101 du tableau, à savoir la condition de l’abandon des activités en relation causale avec l’origine de la maladie, se fonde d’une part sur des exigences médicales alors qu’il est acquis en médecine du travail que le non abandon des activités en question peut entraîner pour l’assuré des conséquences très graves pour son état de santé étant donné que le traitement de la maladie doit consister non seulement dans la prescription de repos articulaire mais surtout dans la prévention de la récidive et que sans cette éviction des facteurs de risque, la récidive est certaine et la pathologie se chronicise ;
que d’autre part l’intention du législateur a été d’éviter des récidives et la création, par suite de la continuation des activités en relation avec l’origine de la maladie, d’un risque nouveau qu’on ne saurait imputer à l’Assurance-accidents ;
Attendu qu’il résulte de la déclaration patronale du 28 août 2012 que le requérant, en sa qualité de menuisier, charpentier et couvreur, est exposé à des vibrations, à des gestes répétitifs et à des grands efforts physiques et que lors de son travail il monte et descend avec des charges sur des échelles, escaliers et versants de toiture ;
Attendu que le requérant n’est pas en mesure d’apporter une preuve documentant, pour la période de la déclaration médicale de la maladie professionnelle respectivement de la décision de rejet de la prise en charge, un changement de son travail auprès du même employeur avec arrêt définitif, effectif et complet des activités professionnelles exercées par l’assuré l’exposant au risque professionnel et à mettre en rapport avec la maladie comme étant à l’origine de cette maladie ou documentant un changement d’employeur avec reprise d’un travail auprès d’un autre employeur auprès duquel il n’exerce plus les fonctions de menuisier, charpentier et couvreur l’exposant au même risque professionnelle ;
Attendu que l’offre de preuve par témoins concernant la cessation des activités exposant au risque professionnel, formulée par la partie demanderesse à l’audience du 9 décembre 2014, est à rejeter comme étant contredite par les éléments acquis en cause et notamment par la description précisée par l’employeur dans la déclaration patronale du 14 septembre 2012 concernant les gestes, postures et conditions de travail et concernant l’exposition au risque nocif durant l’activité professionnelle ;
Attendu que la décision de refus de la prise en charge de la maladie au niveau de l’épaule gauche est dès lors à confirmer au motif que pour la période de la déclaration médicale du 21 juin 2012, respectivement de la décision de rejet entreprise la condition légale nécessaire à la prise en charge au titre du numéro 2101 du tableau ne se trouve pas remplie, l’assuré ayant continué à cette époque à exécuter les mêmes tâches que celles qui étaient à l’origine de la maladie ;
Attendu qu’il résulte de l’attestation patronale du 19 décembre 2014 que le requérant a travaillé au sein de l’entreprise comme charpentier-couvreur jusqu’en octobre 2013, qu’au vu des problèmes de santé du requérant l’employeur a accepté un reclassement interne à partir d’octobre 2013, que sa tâche actuelle se rapproche du métier de conducteur de chantier et que son rôle consiste en la visite des chantiers notamment pour prise de mesures et qu’il s’agit d’un travail adapté à l’état de santé ;
Attendu que l’objet du présent litige concerne la question de savoir si à l’époque de la déclaration médicale, respectivement de la décision de rejet de la prise en charge, les conditions légales nécessaires à l’indemnisation sont remplies, de sorte qu’il y a lieu de retenir que si le requérant a actuellement cessé de façon définitive, complète et effective les activités ou travaux à l’origine de la maladie le requérant pourra invoquer cette cessation des activités l’exposant au risque professionnel à l’appui d’une nouvelle demande à présenter auprès de l’Association d’assurance accident et tendant à voir constater que les conditions de la prise en charge sont remplies au titre du numéro 2101 du tableau, afin de permettre aux instances administratives compétentes d’y statuer ;
Par ces motifs,
le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort,
déclare irrecevable l’offre de preuve par témoins formulée par la partie demanderesse,
déclare le recours non fondé et confirme la décision entreprise.
La lecture du présent jugement a été faite à l’audience publique du 9 février 2015 en la salle d’audience du Conseil arbitral de la sécurité sociale à Luxembourg, par Monsieur le président du siège Paul Capésius, en présence de Madame Carole Dorotea-Jemming, secrétaire.