No du reg.: G 119/96
No: 53/98
GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL SUPERIEUR
DES ASSURANCES SOCIALES
du quatre mars 1900 quatre-vingt-dix-huit
Composition: |
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Mme. Edmée Conzémius, 1r conseiller à la Cour d'appel, | président |
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel | assesseur-magistrat |
M. Camille Hoffmann, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Alphonse Kugeler, chef de serv. fisc. Arbed, Kehlen, | assesseur-employeur |
M. Adolphe Faber, ouvrier d'Etat, Diekirch, | assesseur-salarié |
M. Richard Trausch, | secrétaire |
ENTRE:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par lé président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg, appelante, comparant par monsieur Georges Kohn, attaché de direction ler en rang, demeurant à Luxembourg;
ET:
S., veuve J., demeurant à ..., intimée, comparant par maître Alain Gross, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 3 septembre 1996, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 25 juillet 1996 dans la cause pendante entre elle et S., veuve J., et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, déclare le recours fondé; réformant, dit que la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents, est à reconnaître en ce qui concerne la maladie déclarée au titre de maladie professionnelle; renvoie le dossier auprès de l'Association d'assurance pour détermination des prestations.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 11 février 1998, à laquelle madame le président fit le rapport oral.
Monsieur Georges Kohn, pour l'appelante, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 25 juillet 1996 et au rétablissement de la décision de la commission des rentes du 23 mars 1992.
Maître Alain Gross, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 25 juillet 1996.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
Par requête déposée le 3 septembre 1996, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu contradictoirement le 25 juillet 1996 entre elle-même et la dame Marie-Andrée S., veuve Jean-Pierre J., dans le cadre d'une instance en reconnaissance d'une maladie professionnelle des suites de laquelle J. serait décédé.
L'appelante conclut principalement à l'annulation du jugement entrepris, subsidiairement à sa réformation, l'affection déclarée (myélome multiple) ne figurant pas au tableau des maladies professionnelles et sa cause déterminante n'étant pas d'origine professionnelle. Selon l'appelante, il aurait appartenu aux premiers juges de renvoyer le dossier devant le comité-directeur et de surseoir à statuer en attendant une décision administrative dès lors que des maladies non désignées pourront être admises par le comitédirecteur.
Les premiers juges avaient sur base du rapport du docteur Nicolas RUME, nommé expert en cause, retenu la responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents.
Le rapport d'expertise extrêmement fouillé retient dans sa partie descriptive du lieu de travail une exposition massive à l'asbeste blanche lorsque J. travaillait en qualité d'agent d'entretien des hauts-fourneaux, poste qu'il détenait pendant 23 ans. Cette exposition à de très fortes concentrations d'asbeste est estimée de 4-6 heures par travailleur par mois pour le temps où le travailleur s'occupait de l'ignifugage des joints d'étanchéité. A cela s'ajoute que l'atelier même, lieu de travail permanent, était empoussiéré lourdement sans jamais être décontaminé.
De l'avis du Conseil supérieur des assurances sociales, il existait dans le chef de J. une exposition manifeste à un risque professionnel.
Dans sa déclaration de maladie professionnelle, le médecin traitant a posé le diagnostic de myélome multiple avec présence d'une volumineuse masse pleurale latérale gauche, affection qui serait due à une exposition massive et durable à de l'asbeste.
L'instruction des cas de maladie professionnelle est, selon l'article 5 de l'arrêté grand-ducal du 30 juillet 1928 concernant l'extension de l'assurance obligatoire contre les accidents aux maladies professionnelles, basée sur la déclaration du médecin traitant. L'Association d'assurance contre les accidents s'est bornée, en l'espèce, à instruire l'affaire par rapport au myélome multiple pour refuser sa responsabilité notamment eu égard au fait que l'affection déclarée ne figure pas au tableau des maladies professionnelles, mais n'a pas examiné la requête par rapport à l'affection de la plèvre et de l'asbestose.
Or, tant l'asbestose que l'affection de la plèvre par la poussière d'amiante figurent au tableau des maladies professionnelles.
Une asbestose, qui est une maladie pulmonaire chronique due à l'inhalation intense et prolongée de fibres d'amiante, n'a pas été diagnostiquée et n'est, contrairement aux affirmations du mandataire de l'intimée, pas en cause.
Le myélome multiple consiste en une prolifération maligne des plasmocytes dans la moelle osseuse tandis que le cancer de la plèvre se caractérise par la prolifération de cellules tumorales dans le tissu pleural.
Selon l'expert, le myélome est une variante très rares des cancers dus à l'asbeste et il est de même très rare de trouver une masse pleurale aussi volumineuse que celle décrite chez J..
Comme à la suite de la biopsie de la masse tumorale la présence de corps asbestosiques n'a pas été recherchée, un lien causal entre le myélome multiple et la profession ne peut, d'après l'expert, pas être établi avec certitude. L'expert, en raison de la forme atypique de la maladie, plaide néanmoins pour une cause extérieure et conclut, pour ce qui est de la masse tumorale de la plèvre, dont l'origine reste inconnue, également pour une cause extérieure.
L'affection de la plèvre par la poussière d'amiante figure sous le code 4103 du tableau des maladies professionnelles.
Sur base du rapport d'expertise, le Conseil supérieur des assurances sociales estime que l'affection décrite de la plèvre a sa cause déterminante dans l'occupation professionnelle qu'exerçait J. pendant 23 ans.
La responsabilité de l'Association d'assurance contre les accidents se trouve donc engagée de ce chef.
Il en est de même, et pour les mêmes motifs, du myélome multiple.
Contrairement à l'avis de l'appelante il n'y a pas lieu à renvoi devant l'institution de sécurité sociale, dès lors que, d'une part, la commission des rentes, qui par délégation du comité-directeur, avait le pouvoir discrétionnaire de reconnaître la maladie s'est déjà prononcée sur la question en refusant la prise en charge, et que, d'autre part, l'affection de la plèvre est d'ores et déjà reconnue comme maladie professionnelle.
La décision des premiers juges est, en conséquence, à confirmer.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de son président et contradictoirement entre parties,
reçoit l'appel en la forme,
le dit toutefois non fondé et en déboute.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 4 mars 1998 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Richard Trausch, secrétaire.
Le Président, signé: Conzémius; Le Secrétaire, signé: Trausch