CSSS-25.02.1987

Thème(s)
Procédure juridictionnelle
Domaine(s)
Instruction
Mot(s) clef(s)
Jonction questions de procédure et de fond  | Appel incident  | Conditions  | Recevabilité  | Parties au litige  | Tiers  | Tierce opposition

Référence

  • CSSS-25.02.1987

Base légale

  • CCASS-09.02.1984
  • Art0152-Loi 29.08.1951Art0283-CSS
  • Art0293-CSS
  • Art0295-CSS
  • Art1036-CPC
  • Art0474-CPC
  • Art0093-CSS
  • Art0085-CSS

Sommaire

  1. Lorsque le Conseil Supérieur des assurances sociales est saisi d'une affaire en état d'être jugée, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne et prompte évacuation des dossiers, de joindre les questions de procédure au fond du litige et de vider le tout par un seul et même jugement.
  2. Les conditions qui doivent être réunies pour qu'un appel incident puisse être formé sont qu'un appel principal ait été formé, que l'intéressé ne peut former appel incident qu'autant qu'il y a intérêt et que l'intéressé n'ait pas acquiescé au jugement depuis l'appel principal.
  3. L'assurance accident est un établissement d'utilité publique ayant une personnalité juridique indépendante et distincte de celle de ses membres. Il s'en suit que son droit d'ester en justice est un droit propre et qu'il plaide devant les juridictions contentieuses exclusivement pour son propre compte sans être le mandataire ou le représentant de ses membres.
    L'opposition d'un tiers lésé et non représenté à la décision intervenue est recevable. En l'occurrence l'employeur éventuel de la victime accidentée et l'assureur ayant un intérêt à la solution du litige qui concerne une question d'affiliation et de responsabilité peuvent valablement saisir le juge par la voie de la tierce opposition.
  4. Si l'article 93 du Code des assurances sociales stipule que sont assurés contre les accidents professionnels, sous condition d'être occupés dans une des entreprises ou d'exercer une des professions ou activités visées à l'article 85, les ouvriers aides compagnons etc et si l'alinéa 2 du même article ajoute que l'assurance opère même si ces personnes sont occupées sans rémunération il est évident, et le texte est clair et précis à ce sujet, qu'il doit s'agir d'aides qui exercent une profession ou une activité, c'est-à-dire qui fournissent un ensemble d'actes coordonnés et de travaux pour un patron et dont une portion de leur activité humaine est employée au service de ce dernier et non par des personnes qui fournissent une prestation unique qui était purement de circonstance à l'occasion d'un fait imprévisible et même ignoré du patron.

Corps

Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 11 décembre 1984, la S.à r.l. V et la S.A. dL. ont relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 20 novembre 1984 dans la cause pendante entre P. et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant en premier ressort, par défaut à l'égard de la partie mise en intervention et contradictoirement à l'égard des autres parties en cause reçoit le recours en la forme; le déclare non fondé.

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 7 novembre 1985, à laquelle monsieur Victor Ziegler de Ziegleck, président ff., fit le rapport oral.

Maître Louis Schiltz, pour les appelantes, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 20 novembre 1984 et à la reconnaissance de la responsabilité de l'Assurance-accidents-industrielle.

Monsieur Jean Zahlen, pour l'intimée, interjeta appel incident et conclut à voir déclarer l'appel irrecevable et à l'annulation de la décision du Conseil arbitral au fond.

Monsieur P., mis en intervention comme tiers intéressé, quoique dûment convoqué, fit défaut.

L'affaire fut fixée au rôle général pour permettre à la partie intimée de verser par écrit une note sur l'appel incident, et pour permettre à la partie appelante de prendre position au sujet de l'appel incident.

Les parties furent reconvoquées pour l'audience publique du 29 janvier 1987, à laquelle monsieur Victor Ziegler de Ziegleck, président ff., fit le rapport oral.

Maître Louis Schiltz, pour les appelantes, conclut à la radiation de certains passages de la note-conclusions de l'Assurance-accidents alors qu'il considère ces passages comme injurieux pour ses parties. Puis il conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident pour défaut d'intérêt. Quant au fond, il conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 20 novembre 1984 et à la reconnaissance de la responsabilité de l'Assurance-accidents-industrielle.

Mademoiselle Mariette Scholtus pour la partie intimée, conclut à la radiation de la jurisprudence citée par erreur dans sa note-conclusions, à voir déclarer l'appel incident recevable et de faire droit aux conclusions de la note du 20 novembre 1985.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été refixé à l'audience du 18 février 1987, l'arrêt qui suit:

Le 25 mars 1982 un accident a eu lieu dans les circonstances suivantes: Un autobus des "V." de Diekirch a fait un transport de ressortissants portugais à Porto Alto près de Lisbonne. Le chauffeur de l'autobus a fait une revision de routine à une station-service en dehors de la ville de Porto Alto et en rentrant son autobus est tombé en panne parce qu'un ballon de la suspension arrière a crevé.

Le frère du chauffeur un nommé P. a prêté main-forte au conducteur. Il s'est mis à plat sous le car pour placer un deuxième cric sous l'axe.

Au moment où l'axe a commencé à bouger, le cric déjà placé sous la carosserie s'est déplacé et est sorti de la place prévue comme support. Ensuite, la traverse a fléchi et la carosserie est tombée et a coincé l'aidant P. sous son poids en le blessant gravement.

La commission des rentes par décision du 26 septembre 1983 a rejeté la responsabilité de l'accident en question au motif qu'il ne s'agit pas du point de vue des dispositions légales d'un accident de travail susceptible de dédommagement du fait que l'accidenté n'a exercé aucune activité professionnelle déclarée au Grand-Duché de Luxembourg et que l'accident lui même ne se situe pas dans le cadre d'une relation de travail liant deux personnes dont l'un est au service de l'autre.

De cette décision ce n'est pas la victime P. qui a exercé un recours mais le propriétaire de l'autobus à savoir la s.à r.l. "V." et l'assurance de cette dernière société "L." qui ont introduit un recours dans les délais légaux devant le Conseil arbitral qui séance tenante a prononcé son jugement en date du 20 novembre 1984, dans lequel il dit que les exposantes "V." et "L." ont un intérêt manifeste à contester la justification de la décision de la commission des rentes parce qu'en cas de confirmation de la décision en question, les deux sociétés dont s'agit ont à supporter les conséquences pécuniaires résultant de l'accident litigieux. En conséquence le Conseil arbitral a donc déclaré le recours des "V." et de la "L." recevable. Au fond il a déclaré ledit recours non justifié parce que la victime a agi en pleine indépendance en apportant à son frère une aide bénévole et gratuite, guidée par un mobile purement privé de sorte que les critères d'une affiliation ne se recontrent pas en l'espèce et que partant la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident en cause n'est pas donné.

Le 11 décembre 1984 la s.à r.l. "V." et "L." ont relevé appel principal dudit jugement prononcé en date du 20 novembre 1984 et notifié aux parties intéressées le 22 novembre 1984.

Le 7 novembre 1985 l'Assurance-accidents section industrielle a relevé de son côté appel incident.

Elle demande en premier lieu la radiation d'une partie de la jurisprudence citée par erreur dans sa propre note-conclusions.

Elle fait valoir ensuite que la société s.à r.l. "V." ne serait pas partie en cause et ne pourrait donc pas avoir un recours à sa disposition. En effet les seuls interlocuteurs de l'organisme assureur en matière de prestations ne pourraient être que les assurés.

En cette matière l'employeur ou le prétendu employeur comme en l'espèce, ferait de droit partie de l'organe de décision alors que toutes les entreprises luxembourgeoises seraient réunies dans une assurance mutuelle contre le risque d'accident professionnel et en sa qualité de membre de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle la s.à r.l. V. dirigeait ensemble avec les autres membres l'assurance-accidents par le biais d'une assemblée générale élue parmi les délégués des différentes organisations patronales, ainsi que d'un comité-directeur composé selon les mêmes principes.

Par ailleurs la Cour de Cassation aurait statué sur un recours de l'assureur du tiers responsable que le recours visé à l'article 152 de la loi du 29 août 1951 (assurance-pension des employés) n'est ouvert qu'à ceux qui ont été soit personnellement soit par représentation parties à la décision formant l'objet du recours. Cet arrêt statuant sur l'allocation d'une prestation sociale pourrait être transposé par analogie à la matière de l'assurance-accidents où la situation serait la même l'article 293 du Code des assurances sociales ayant la même teneur que l'article 152 de la loi du 29 août 1951.

Quant au recours qualifié de tierce opposition l'assurance-accidents soutient que comme la s.à r.l. V. ferait partie de l'organe qui aurait émis la décision formant l'objet du litige elle ne pourrait en aucun cas être tierce par rapport à la décision de la commission des rentes. Par ailleurs la tierce opposition ne pourrait être formée que contre des jugements et non pas contre un acte administratif. Or la décision de la commission des rentes n'aurait nullement le caractère du jugement ou d'acte juridictionnel mais aurait le caractère d'un acte administratif unilatéral de sorte que la tierce opposition ne serait pas possible. Pour le cas où le Conseil supérieur déciderait que la commission des rentes serait une juridiction la tierce opposition formée devant le Conseil arbitral serait encore nulle sinon irrecevable parce qu'elle n'aurait pas été formée devant la juridiction de laquelle la décision est émanée. D'autre part ni la s.à r.l. V., ni L. n'auraient intérêt à agir par une tierce opposition, aucun de leurs droits ne serait lésé et aucun préjudice ne leur aurait été causé.

L'Assurance-accidents demande au Conseil supérieur de surseoir à statuer sur le fond et à prononcer un arrêt séparé sur les questions de procédure.

A titre subsidiaire elle demande en ce qui concerne le fond la confirmation du jugement dont appel.

Maître Louis Schiltz pour la s.à r.l. V. et L. demande par application de l'article 1036 du Code de procédure civile la radiation de certains passages de la note-conclusions de l'Assurance-accidents alors qu'il considère comme injurieux pour ses parties les passages suivants: "alors qu'il s'agit de mettre fin aux tentatives de tierces personnes, généralement les compagnies d'assurance, pour de sombres raisons financières, à s'immiscer directement dans le litige social pour influencer" et "En effet L. - encore cette société - avait essayé d'attaquer une décision de la commission des rentes par l'action oblique."

Les parties de Maître Louis Schiltz s'opposent au prononcé d'un arrêt séparé sur les questions de procédure et demandent la jonction des questions de procédure au fond de l'affaire litigieuse.

Elles font valoir que l'appel incident de l'Assurance-accidents serait irrecevable pour défaut d'intérêt. D'autre part l'intimé - appelant incident aurait obtenu en première instance l'intégralité de ses conclusions et dans cette hypothèse la jurisprudence admettrait l'existence d'actes d'acquiescement antérieurs au jugement.

Sous réserve de la question de la recevabilité de l'appel incident les parties "V." et "L." soutiennent en ordre subsidiaire que la solution du litige concernerait une question d'affiliation de sorte que la s.à r.l. V. aurait intérêt de savoir s'il s'agit en l'occurrence dans le chef de l'accidenté, d'un accident de droit commun ou d'un accident professionnel indemnisable par l'Assurance-accidents.

Si la décision de la commission des rentes avait fait l'objet d'un recours de la part de l'accidenté lui-même la s.à r.l. V. eut rangé dans le cercle des tiers intéressés prévus par l'article 295 du Code des assurances sociales puisqu'il s'agirait en l'espèce d'une question d'affiliation ou de non affiliation de l'accidenté au régime de l'Assurance-accidents, la s.à r.l. V. étant prise comme l'employeur "potentiel" et la requête aurait donc obligatoirement dû lui être communiquée par la voie du greffe. Si dès lors l'employeur aurait vocation de figurer à l'instance aux fins de déclaration de jugement commun, on devrait lui reconnaître également le droit de légitimation active et agressive, que ce fût sous forme de recours ou de tierce opposition et le statut particulier de membre de l'Assurance-accidents ne saurait y faire obstacle. En ordre subsidiaire le recours de la s.à r.l. V. qualifié de tierce opposition devrait se faire comme recours juridictionnel devant les juridictions sociales instituées par la loi.

Comme les décisions relatives à des questions d'affiliation et par voie de conséquence à des questions du caractère professionnel ou non professionnel d'un accident seraient nécessairement soustraites à la compétence des tribunaux de droit commun ces décisions ne pourraient être attaquées par les tiers intéressés que devant les juridictions sociales. Au fond les parties appelantes demandent la réformation du jugement a quo parce qu'elles estiment la motivation du premier juge erronée en droit et en fait.

Elles relèvent à ce sujet que l'article 93 du Code des assurances sociales stipule que sont assurés contre les accidents professionnels, sous condition d'être occupés dans une des entreprises ou d'exercer une des professions ou activités visées à l'article 85, les ouvriers, aides, compagnons, apprentis domestiques etc. L'alinéa 2 du même article ajoute que l'assurance opère même si ces personnes sont occupées sans rémunération. Il résulterait des ces textes et notamment de "simple activité" à l'opposé d'une "occupation permanente" que l'exercice d'une simple activité fût-elle même occasionnelle, tel qu'un coup de main serait couvert. Selon les parties appelantes l'existence d'un lien de dépendance économique invoqué dans la motivation tant de la décision de la commission des rentes que de la décision entreprise, serait en contradiction avec le fait que la couverture opère même dans les cas d'occupation sans rémunération.

En ordre subsidiaire les parties appelantes font plaider qu'un lien de subordination et d'un pouvoir de commandemant de la part du patron à l'égard de l'aide accidenté aurait effectivement existé en l'espèce même si cette aide a été bénévole et gratuite ce qui serait par ailleurs sans pertinence en égard à l'article 93 du Code des assurances sociales qui couvre de simples activités même exercées sans rémunération.

En l'espèce le pouvoir de commandement du patron aurait été exercé par le biais du chauffeur de la s.à r.l. V. lequel devrait être considéré comme fondé de pouvoir et représentant du patron et ce serait par l'intermédiaire dudit chauffeur que se serait exercé le lien de subordination.

Le Conseil supérieur des assurances sociales donne acte à l'Assurance-accidents qu'elle est d'accord à renoncer à la jurisprudence citée par erreur dans sa note.

L'article 1036 du Code de procédure civile prévoit que les tribunaux, suivant la gravité des circonstances, pourront, dans les causes dont il seront saisis, prononcer des injonctions, supprimer des écrits, les déclarer calomnieux et ordonner l'impression et l'affice de leurs jugements. Les parties appelantes demandent la radiation de certains passages de la note-conclusions considérant ceux-ci comme injurieux. Cette note a été rédigée par écrit mais comme elle n'a pas été lue à l'audience publique et n'a partant pu causer aucun préjudice aux parties concernées il n'échet pas dans les circonstances données de faire droit à la demande de radiation émanant de Maître Louis Schiltz.

Comme l'affaire dont le Conseil supérieur est saisi est en état d'être jugée dans tous ses aspects et comme la bonne et prompte évacuation des affaires est exigée dans l'intérêt des justiciables il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'Assurance-accidents tendant au prononcé d'un jugement séparé sur les questions de procédure le fond restant réservé, mais il échet de joindre les questions de procédure au fond de l'affaire et de vider le tout par un seul et même jugement.

Quant au appels

L'appel incident est celui qui est formé par la partie intimée en vue d'une réformation dans son intérêt propre, contre le jugement qui a été déjà attaqué par son adversaire appelant principal. Les conditions qui doivent être réunies pour qu'un appel incident puisse être formé sont qu'un appel principal ait été formé, que l'intimé ne peut former appel incident qu'autant qu'il y a intérêt, que l'intimé n'ait pas acquiescé au jugement depuis l'appel principal.

C'est l'existence seule de l'appel principal et non sa validité qui donne ouverture au droit, pour l'intimé, d'appeler incidemment (cfr. Rousseau et Laisuey sub. verbo Appel No. 533: Garsonnet 2e éd. tome 6 page 106; Rec. Sirey 1908.2.57). L'intérêt de l'Assurance-accidents pour former appel incident consiste dans le fait que le premier juge a dit dans son dispositif que le recours de la s.à r.l. V. et L. est recevable alors que l'Assurance-accidents estime que le recours en question est irrecevable. Or en cas d'irrecevabilité le juge n'est plus saisi du fond de l'affaire et l'Assurance-accidents ne risquerait partant plus de devoir éventuellement supporter les conséquences pécuniaires résultant de l'accident litigieux de sorte que l'intérêt dans le chef de l'Assurance-accidents de relever appel incident est donné en l'espèce.

Si un acquiescement est donné antérieurement à l'appel principal la partie qui a acquiescé n'a donné qu'un acquiescement subordonné à la condition que l'adversaire accepterait la décision. Si donc ce dernier interjette appel, la partie qui a acquiescé est, par la même relevée de son acquiescement et est recevable à former appel incident (cfr. Merlin: Questions de droits sub verbo Appel incident; Chauveau et Carré quest. 1576; Talandier No. 409).

Il s'ensuit qu'un acquiescement anticipé, résultant de ce qu'un jugement a été rendu conformément aux conclusions de l'intimé ne fait pas obstacle à l'appel incident. En l'espèce le fait d'avoir conclu devant le Conseil arbitral sur le fond en demandant la confirmation de la décision de la Commission des rentes ne constitue même pas un acquiescement au jugement du Conseil arbitral alors que lesdites conclusions ont été prises avant le jugement.

Par lesdites conclusions l'Assurance-accidents n'a donc pas pu renoncer par avance à invoquer des moyens de procédure à l'égard d'un jugement non encore prononcé et par ailleurs en vertu d'une jurisprudence constante en la matière par l'appel principal interjeté en l'espèce l'Assurance-accidents aurait été relevée d'un acquiescement de sa part.

En l'espèce les questions soulevées par l'appel incident à savoir les qualités d'agir dans le chef des parties appelantes, la recevabilité desdits appels sont des questions qui ne sont pas de pures formes mais concernent le fond et peuvent donc être soulevées en tout état de cause et même pour la première fois en instance d'appel.

L'Assurance-accidents conteste donc à la s.à r.l. V. la qualité requise pour agir soit directement soit indirectement par tierce opposition dans une instance ayant pour objet la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont P. a été victime le 25 mars 1982; objet que les seuls organismes de la sécurité sociale et l'accidenté lui-même auraient à discuter.

Elle invoque à l'appui de son raisonnement que toutes les entreprises luxembourgeoises y compris la s.à r.l. V. seraient réunies dans une assurance mutuelle contre le risque professionnel et elles seraient toutes membres de l'Assurance-accidents de sorte que la s.à r.l. V. aurait fait partie de l'organe qui aurait pris la décision négative à l'encontre de quelqu'un qui se prétendrait assuré.

S'il est bien vrai que l'Assurance-accidents, en raison de son caractère mutualiste représente à la fois l'ensemble des employeurs et celui des travailleurs, il n'en reste pas moins que l'Assurance-accidents est, aux termes de l'article 283 du Code des assurances sociales, un établissement d'utilité publique ayant une personnalité juridique indépendante et distincte de celle de ses membres d'où il suit que son droit d'ester en justice est un droit propre et qu'il plaide devant les juridictions contentieuses exclusivement pour son propre compte sans être le mandataire ou le représentant de ses membres.

Il en résulte que la s.à r.l. V. comme patron où prétendu employeur n'est pas partie en cause et ne pourra pas en cette qualité former un recours qui n'est ouvert qu'à ceux qui ont été soit personnellement soit par représentation parties à la décision formant l'objet du recours.

A ce sujet l'on ne saurait en aucun cas tirer argument du fait que c'est la s.à r.l. V. qui a rempli la déclaration d'accident formalité purement administrative exigée par la loi et qui engage la procédure dans l'intérêt de l'assuré.

L'Assurance-accidents soutient d'autre part que la tierce opposition serait exclu devant le contentieux social.

La loi restant muette à ce sujet, il importe de résoudre la question d'après les principes de droit généraux. Le code de procédure civile a un caractère supplétif et les articles 474 et suivants relatifs à la tierce opposition doivent trouver à ce titre leur application devant les contentieux de la sécurité sociale, alors que'aucune règle spéciale à cette matière n'en a disposé autrement.

Il s'ensuit que l'opposition d'un tiers lésé et non représenté à la décision intervenue est recevable en principe.

En l'occurrence la s.à r.l. V. en sa qualité d'employeur éventuel de la victime accidentée et L. sont intéressées à la solution du litige qui concerne une question d'affiliation. Elles ont en effet intérêt de savoir s'il s'agit dans le chef de P. d'un accident de droit commun ou d'un accident professionnel indemnisable par l'Assurance- accidents; que si la tierce oppostion est ouverte devant le juge même qui a rendu la décision qui cause griefs il ne faut cependant pas perdre de vue qu'en l'espèce ce sont précisément la s.à r.l. V. et L. qui ont déjà provoqué de leur propre initiative et la décision de la Commission des rentes du 26 septembre 1983 et le jugement du Conseil arbitral du 20 novembre 1984 et qui en leur qualité de tierces intéressées ayant toujours exercé un recours auprès d'une instance supérieure contre les décisions provoquées par elles et quant au fond défavorables pour elles émanant des juridictions d'un degré inférieur ont finalement porté en leur qualité de parties appelantes leur appel devant le Conseil supérieur.

Dans ces conditions ce dernier est dûment saisi de la tierce opposition des parties appelantes et est compétent ratione materiae pour en connaître.

Il résulte des considérations qui précèdent que l'appel incident de l'Assurance-accidents est recevable mais non fondé et que l'appel principal des tierces intéressées V. et L. est recevable et que le Conseil supérieur est aussi compétent pour en connaître.

Quant au fond

Si l'article 93 du Code des assurances sociales stipule que sont assurés contre les accidents professionnels, sous condition d'être occupés dans une des entreprises ou d'exercer une des professions ou activités visées à l'article 85, les ouvriers aides compagnons etc et si l'alinéa 2 du même article ajoute que l'assurance opère même si ces personnes sont occupées sans rémunération il est évident, et le texte est clair et précis à ce sujet, qu'il doit s'agir d'aides qui exercent une profession ou une activité, c'est-à-dire qui fournissent un ensemble d'actes coordonnés et de travaux pour un patron et dont une portion de leur activité humaine est employée au service de ce dernier et non par de personnes qui fournissent une prestation unique qui était purement de circonstance à l'occasion d'un fait imprévisible et même ignoré du patron car le chauffeur de l'autobus n'était pas habilité à engager une aide sans autorisation préalable du patron.

Vouloir interprêter autrement les dispositions combinées des articles 93 et 85 du Code des assurances sociales serait les arracher de leur contexte et les vider de tout sens.

Il s'ensuit que l'accident en question ne rentre pas dans les dispositions combinées des articles 93 et 85 du Code des assurances sociales et que l'argumentation des parties appelantes tombe à faux.

Même si pour l'application desdits articles il est irrelevant que l'aide a été gratuite et que la victime a été frère du chauffeur de l'autobus toujours est-il que ce dernier n'était ni fondé de pouvoir ni mandataire investi de la mission spéciale de faire l'embauchage pour son patron et n'avait partant nullement le droit d'engager de son propre gré, sans autorisation préalable de son patron qui était resté dans l'ignorance la plus complète, une tierce personne pour effectuer un travail pour son patron. Dans les conditions l'aide gratuite fournie par la victime accidentée au chauffeur de l'autobus n'est pas une activité soumise à l'assurance obligatoire contre les accidents professionnels, les critères d'affiliation tels qu'ils se dégagent des textes légaux ne se rencontrent pas en l'espèce et par conséquent c'est à juste titre que le premier juge n'a pas reconnu un caractère professionnel à l'accident dont P. a été victime le 25 mars 1982. Il s'ensuit que l'appel relevé par les s.à r.l. V. et L. est non fondé et que les parties appelantes sont à en débouter.

Par ces motifs,

et ceux non contraires du premier juge,

le Conseil supérieur des assurances sociales,

statuant sur le rapport oral du président-magistrat et les conclusions contradictoires des parties, par défaut à l'égard de P.,

reçoit tant l'appel principal que l'appel incident en la forme,

se déclare compétent pour connaître de ces appels,

déclare et l'appel principal et l'appel incident non fondés et en déboute,

en conséquence confirme le jugement a quo.

 

Dernière mise à jour