Par exploit d'huissier du 21 février 1984, les Hospices Civils de la Ville de Luxembourg ont fait donner assignation à la compagnie d'assurances ZURICH et à l'Association d'Assurance contre les Accidents, Section Industrielle, à comparaître devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, pour l'assignée sub 1) s'entendre condamner à payer à la requérante le montant et les intérêts de 204.788. francs du chef du préjudice subi lors d'un accident que son employée N. a eu le 30 décembre 1982 à Luxembourg-Bonnevoie, l'assignée sub 2) se voir déclarer commun le jugement à intervenir.
Dès l'ingrès d'instance, la partie défenderesse sub 1) a soulevé la fin de non recevoir tirée de l'article 115 du Code des Assurances Sociales, en ce que la dame N. aurait été la prétendue victime d'un accident de travail non connexe mais exécuté sur le même lieu et en même temps que celui effectué par le préposé de la firme V..
La partie demanderesse argue qu'en l'occurrence, on ne peut considérer l'activité de N. au moment du sinistre comme un travail au sens de l'article 115 précité, alors qu'elle n'aurait fait que se rendre au lieu de son emploi.
Cette thèse est cependant contraire au contenu de l'article 92 du même Code disposant: "On entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail. Est considéré comme unfait du travail le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir."
En deuxième lieu, les Hospices Civils, tout en reconnaissant dans une certaine mesure que les activités de N. et du préposé de la firme V. se sont déroulés en même temps et sur le même lieu, font plaider qu'elles n'auraient pas pu constituer un risque unique, nécessaire d'après la jurisprudence pour mettre en oeuvre le mécanisme exonératoire de l'article 115 du Code des Assurances Sociales.
Cette dernière notion (unité de risque) a été introduite par la voie prétorienne par un arrêt de la Cour Supérieure de Justice du 19 mai 1971 dans une affaire Le Foyer/ Fehlen/ De Zorzi/ AAA/ EVI (Pas. T. 22. page 79).
Il ressort de cette décision que par unité de risque, les juges d'appel entendaient une situation telle que le travail non connexe de deux corps de métier devait cependant comporter la possibilité que les deux groupes d'agents puissent subir la même sorte de préjudice dans un accident similaire.
En l'espèce, les conditions de la théorie développée ci-dessus sont données, alors que tant l'ouvrier de V. que l'employé des Hospices Civils étaient exposés au danger de trébucher sur le tuyau étendu sur le trottoir, hypothèse qui pour la partie demanderesse se serait réalisée pour la victime.
Il résulte des développements qui précèdent qu'en l'occurrence les conditions d'application de l'article 115 du Code des Assurances Sociales sont données, de sorte qu'il y a lieu d'accueillir la fin de non-valoir invoquée par la compagnie d'assurances ZURICH.
A l'audience du 5 novembre 1985, l'Association d'Assurance contre les accidents a conclu à la condamnation de la défenderesse ZURICH pour le montant de 150.694.- francs du chef de prestations sociales.
Comme la demande originaire se heurte à la fin de non-valoir contenue dans l'article 115 du Code des Assurances Sociales, la demande incidente est vouée au même sort.
Par ces motifs,
le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, sixième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, le Ministère Public entendu,
déclare la demande introduite par les Hospices Civils de la Ville de Luxembourg ainsi que celle incidente de l'Association d'Assurance contre les Accidents, Section Industrielle, non recevables sur base de l'article 115 du Code des Assurances Sociales;
condamne chacun des demandeurs aux frais de sa propre action.