TAL-25.03.1987

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Recours par épouse contre assurance du tiers et AAA  | Conditions  | Travail connexe  | Travail non connexe exécuté en même temps et sur le même lieu  | Notion  | Définitions

Référence

  • TAL-25.03.1987
  • 1ère section, Civile N. 175/87
  • U198406656

Base légale

  • Art0115-al01-CSS
  • Art1384-al01-CSS
  • Art1382-CCIV
  • Art1384-CCIV
  • Art0115-al02-CSS

Sommaire

La connexité vise le travail exécuté en commun et sous une direction unique par des ouvriers de deux ou plusieurs patrons tous affiliés à la même section de l'assurance accident. L'ouvrier d'un employeur étant occupé à la réparation de la chaussée et l'ouvrier d'un autre employeur réfectionnant le mur de la chaussée n'effectuent pas leur travail en commun.

Il y a travail non connexe lorsque des salariés de l'un des patrons exécutent un travail complètement indépendant de celui des salariés de l'autre. Le mécanisme de l'article 115 reçoit alors application à condition que les deux espèces de travail soient effectuées en même temps et sur le même lieu et qu'elles peuvent être considérées comme ayant créé un risque d'accident unique. Les deux activités, réfection du mur et de la chaussée, non connexes, exécutées en même temps et sur le même lieu, ont mis en contact permanent les ouvriers travaillant pour les différentes entreprises, de sorte qu'elles ont créé un risque d'accident unique.

Les accidents de la circulation qui se produisent sur un chantier, qui est le lieu par excellence, mettant en présence des affiliés à l'assurance accident employés auprès de différentes entreprises, restent soumis à la législation spéciale des accidents du travail.

Corps

Jugement civil No. 175/87 ( I )

Audience publique du mercredi vingt-cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-sept.

LE TRIBUNAL

Le 30 mai 1984, vers 11.40, sur un chantier à Kopstal, rue de Saeul, M, ouvrier de l'entreprise S.de ..., qui était en train de reconstruire le mur de soutènement le long de la rue de Saeul, fut mortellement blessé par une pelle mécanique appartenant à la société à responsabilité limitée E., et conduit par D, conducteur aux services de la société à responsabilité limitée T. qui était chargée de la réfection de la rue de Saeul.

Par exploit d'huissier du 13 août 1985, DS, veuve de M, agissant tant en son nom personnel que comme représentant légal de ses enfants mineurs Michel et Stéphanie, a fait donner assignation à la copagnie d'assurances LA BALOISE, assureur responsabilité civile de la pelle mécanique ainsi que l'Association d'Assurance contre les Accidents, section Industrielle, en abrégé l'Assurance-Accidents et l'Etablissement d'Assurance contre la Vieillesse et l'Invalidité, en abrégé l'E.V.I. à comparaître devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg pour la première s'entendre déclarer responsable de l'accident du 30 mai 1984 principalement sur base de l'article 1384 al. 1er du Code civil et subsidiairement sur base des articles 1382 et 1383 du même code, et s'entendre condamner au paiement de la somme de 4.100.000, francs du chef de dommage matériel et moral subi par la demanderesse et ses enfants et pour les deux organismes de sécurité sociale s'entendre déclarer commun le jugement à intervenir.

La BALOISE soulève l'irrecevabilité de la demande en invoquant l'article 115, al. 1er du Code des Assurances Sociales.

Aux termes dudit texte, les membres de l'Assurance-Accidents, " ..., leurs ayants droit et leurs héritiers, même s'ils n'ont aucun droit à une pension, ne peuvent, en raison de l'accident, agir judiciairement en dommages et intérêts contre l'entrepreneur, ni dans le cas d'un travail connexe ou d'un travail non-connexe exécuté en même temps et sur le même lieu, contre tout autre membre de l'Association d'Assurance contre les Accidents ou contre leurs représentants, employés ou ouvriers, à moins qu'un jugement pénal n'ait déclaré les défendeurs coupables d'avoir intentionnellement provoqué l'accident. Dans ce cas, les assurés et ayants droit ne peuvent agir que pour le montant des dommages qui n'est pas couvert par la présente assurance; toutefois il n'y aura pas lieu à responsabilité des maîtres et commettants et des artisans telle que'elle est prévue par l'article 1384 du Code civil.

Il y a lieu, d'abord, d'examiner s'il s'agit d'un travail connexe.

La connexité vise le travail exécuté en commun et sous une direction unique par des ouvriers de deux ou plusieurs patrons tous affiliés à la même section de l'Assurance-Accidents (Cour, 19 mai 1971, P. 22, 79).

En l'espèce, s'il est vrai que M et D; travaillant auprès de deux patrons différents, étaient tous deux membres de la section industrielle de l'Assurance-Accidents, il n'est en revanche pas prouvé qu'ils travaillaient sous une direction unique. De toute façon, ils n'effectuaient pas leur travail en commun, l'un étant occupé à la réparation de la chaussée et l'autre à la réfection du mur la longeant.

Il n'y a partant pas eu de travail connexe au sens de l'article 115 du C.A.S.

Il s'agit ensuite de voir s'il s'est agi d'un travail non connexe effectué en même temps et sur le même lieu.

Il y a travail non-connexe lorsque des salariés de l'un des patrons exécutent un travail complètement indépendant de celui des salariés de l'autre. Le mécanisme de l'article 115 reçoit alors application à condition que les deux espèces de travail soient effectuées en même temps et sur le même lieu, et si, eu égard aux circonstances de fait, elles peuvent être considérées comme ayant créé un risque d'accident unique (Cour, 19 mai 1971, précité).

Il se dégage des pièces versées, notamment d'un jeu de photographies émanant des services de la Sûreté Publique que les lieux où travaillaient respectivement M et D étaient si proches l'un de l'autre qu'au sens de l'article 115 du C.A.S., il s'agissait du même lieu de travail. L'endroit se présentait en effet tel que les ouvriers travaillant à la réfection du mur devaient constamment emprunter la chaussée en chantier pour s'approvisionner en matériel.

C'est pour les mêmes raisons que ces deux activités, qui mettaient en contact permanent les ouvriers travaillant pour les différentes entreprises, ont créé un risque d'accident unique.

Il suit de ce qui précède qu'en l'espèce, M et D exécutaient en même temps et sur le même lieu un travail non connexe ayant créé un risque d'accident unique, de sorte qu'un des cas d'exclusion du droit de recours au droit commun visés par l'article 115 du C.A.S. est rempli.

La demanderesse, l'EVI et l'Assurance-Accidents font valoir l'exception de l'article 2 de l'article 115, C.A.S. aux termes duquel

"les conducteurs ou propriétaires du véhicule assujetti à l'assurance prescrite par les réglements de la circulation sur toute voie publique, ainsi que leur assureur ou caution, sont responsables, sans les restrictions qui précèdent, toutes les fois qu'il s'agit d'un accident de trajet, ou que le conducteur ou le propriétaire du véhicule n'a pas la qualité d'employeur de la vicitime de l'accident".

La pelle mécanique, immatriculée sous le numéro Y3450 étant apte à circuler sur la voie publique et étant donc assurée obligatoirement, l'accident causé par l'intervention de cet engin tomberait sous les prévisions dudit texte, ce qui mettrait échec à l'exclusion du droit commun de la responsabilité civile édictée par l'alinéa 1er de l'article 115 du C.A.S.

Il se dégage des travaux préparatoires de la loi du 30 mars 1966 ayant introduit au C.A.S. l'alinéa 2 de l'article 115 que la mofidication législative était destinée à soustraire à la législation spéciale de l'article 115 les accidents de la circulation soumis depuis lors au droit commun. Le texte prévoit deux hypothèses: d'une part tous les accidents de trajet sont soumis au droit commun, et d'autre part les accidents de la circulation ne constituant pas d'accident de trajet y sont également soumis lorsque le conducteur ou le propriétaire du véhicule n'est pas l'employeur de la victime de l'accident.

Au contraire, les accidents de la circulation qui se produisent sur un chantier, qui est le lieu par excellence mettant en présence des affiliés à l'Assurance-Accidents employés auprès de différentes entreprises, restent soumis à la législation spéciale des accidents de travail (v. Doc. Annexes, p. 28; avis du comité-directeur de l'assurance-accidents, section dinsutrielle, loc. cit. p.54; avis de la chambre de commerce, loc. cit. p. 111; avis de la chambre des métiers, loc. cit. p.153; avis du Conseil d'Etat, session ordinaire 1960-61, Annexes, p.376; réponse du ministre du budget à la chambre des députés du 7 août 1965, session ordinaire 1964-1965, Annexes p. 540).

En l'espèce, l'accident s'est produit sur le lieu de travail commun de l'auteur et de la victime. L'exclusion de l'alinéa 2 de l'article 115 du C.A.S. ne joue pas alors. Il est dans ce cas indifférent qu'il se soit agi en même temps d'un accident de la circulation.

Par ces motifs,

le tribunal d'arrondissement, 1ère section, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, le Ministère Public étendu;

déclare la demande irrecevable;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l'instance et en ordonne la distraction au profit de Me Gast NEU, avoué concluant qui la demande, affirmant en avoir fait l'avance;

déclare le présent jugement commun à l'E.V.I. et à l'Assurance-Accidents.

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