Cour de Cassation
9 mai 1974
B. c/ Association d'assurance contre les accidents, section industrielle
(n° 206 du reg.)
LA COUR:
Attendu que par arrêt du 24 mai 1973, infirmatif de la décision du conseil arbitral des assurances sociales du 8 mai 1972, le conseil supérieur des assurances sociales a décidé que les porteurs chargés de la distribution de l'illustré hebdomadaire "Revue" se trouvent vis-à-vis de l'éditeur B., leur employeur, dans un lien de subordination caractérisant le louage de service et a rétabli la décision du comité-directeur de l'association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 16 septembre 1970 ayant informé B., directeur d'imprimerie et éditeur de la "Revue", que les porteurs assurant la distribution de sa publication périodique sont soumis à l'assurance obligatoire contre les accidents professionnels en vertu des articles 85 et 93 du code des assurances sociales et qu'il est redevable du chef de cotisations arriérées pour les exercices 1960 à 1969 de la somme de 133.884. francs;
Attendu que le pourvoi en cassation dirigé par B. contre cet arrêt est recevable comme ayant été introduit dans les forme et délai légaux;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 85 et 93 du code des assurances sociales, d'insuffisance de motifs et de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les porteurs qui sont rémunérés à raison de un franc par numéro distribué se trouvent vis-à-vis de B. dans un lien de subordination les soumettant à l'assurance obligatoire contre les accidents professionnels telle qu'elle est réglée par le livre deux du code des assurances sociales, alors que les faits souverainement constatés par l'arrêt entrepris ne répondent pas, en droit, au concept de subordination sous lequel le conseil supérieur les a classés";
Attendu que le lien de subordination, caractéristique du louage de services, et qui le distingue du contrat d'entreprise, consiste en ce que la personne qui loue ses services est dans l'exécution même de son travail, sous l'autorité, la direction et la surveillance de l'employeur, lesquelles doivent pouvoir s'exercer à tout moment d'une manière effective, mais sans qu'elles doivent être strictes et ininterrompues et ne laisser aucune initiative au locateur de travail, la reconnaissance d'une certaine liberté dans l'exécution du travail ne suffisant pas à exclure l'autorité de l'entreprise et la dépendance juridique du salarié à l'égard de l'employeur dans le cadre d'une entreprise organisée;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt entrepris que les porteurs du périodique "Revue" à distribuer par eux reçoivent un livret, contenant toute une série d'obligations et instructions; qu'ils ne doivent ni céder ni transmettre à des tiers sans l'accord de l'éditeur, ceci même et surtout au cas où une autre personne serait chargée de procéder à l'avenir à la distribution de l'illustré, le transfert dudit livret ne pouvant s'effectuer que par l'éditeur; que le porteur doit en principe faire lui-même la distribution et qu'au cas où il ne pourrait la faire lui-même, il doit en aviser immédiatement l'éditeur et mettre le livret à la disposition de celui-ci; que le porteur ne peut se substituer une autre personne, fût-ce un proche parent; que les porteurs sont obligés de livrer le périodique aux personnes que l'éditeur leur indique au moyen d'un relevé dit "feuille bleue"; que les périodiques leur étant fournis au milieu de chaque semaine, la distribution doit en être faite dans un délai précis, en principe le jeudi et au plus tard jusqu'au vendredi soir; que les porteurs sont obligés d'indiquer à l'éditeur tous les changements d'adresse des abonnés, même si ceux-ci restent dans la même circonscription de distribution; que le livret, dans le but d'amener les porteurs à la stricte observation des différentes dispositions qu'il contient, prévoit des contrôles de régularité à faire par un agent de l'éditeur; que les porteurs n'encaissent pas en leur propre nom les prix des abonnements, mais qu'ils délivrent des quittances établies au nom de l'éditeur, que les porteurs sont rémunérés à raison de un franc par numéro distribué;
Attendu qu'en déduisant de ces constatations de fait d'où résulte l'existence d'ordres précis, d'instructions et de directives strictes et multiples, d'un contôle et d'une rémunération, qu'il existe entre B. et les porteurs de son périodique un lien de subordination caractérisant le louage de services et que ces derniers sont assujettis à la sécurite sociale, le conseil supérieur des assurances sociales a suffisamment motivé sa décision et loin d'avoir violé les dispositions légales visées au moyen, en a fait, au contraire, une juste application;
qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs,
La Cour de Cassation, statuant contradictoirement à l'égard de B. et de l'association d'assurance contre les accidents et par défaut à l'égard de la dame R., partie intervenante, Monsieur le conseiller. rapporteur entendu en son rapport, les parties en leurs développements et Monsieur l'avocat général en ses conclusions conformes,
déclare le recours recevable;
au fond le rejette;
(Prés. M. Kauffman, Pl. de Mes Margue et Reuter)