GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
No reg GE 2000/0109+GE 2000/0110
AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
du treize novembre deux mille à LUXEMBOURG
Composition: | |
M. Georges Santer, 1er conseiller à la Cour d'appel, | président ff, |
M. Julien Lucas, 1er conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme. Eliane Eicher, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Raymond Niesen, commerçant, Frisange, | assesseur-employeur |
M. Marc Wirtz, maître-opticien, Roodt-sur-Syre, | assesseur-salarié |
M. Francesco Spagnolo, | secrétaire |
ENTRE
I) Affaire GE 2000/0109 ENTRE :
S., né le ..., demeurant à ...,
appelant,
comparant par maître Benoît Entringer, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de maître Fernand Entringer, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;
ET
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
intimée,
comparant par monsieur Louis Emringer, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg;
En présence de:
A. E., établie et ayant son siège social à...,
tierce intéressée,
comparant par maître Guy Loesch, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg, assisté de maître Charles Turk, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
II) Affaire GE 2000/0110
ENTRE
A.E. établie et ayant son siège social à...,
appelante,
comparant par maître Guy Loesch, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg, assisté de maître Charles Turk, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg;
ET
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
intimée,
comparant par monsieur Louis Emringer; conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg;
En présence de:
S., né le ..., demeurant à...,
tiers intéressé,
comparant par maître Benoît Entringer, avocat-avoué, Luxembourg, en remplacement de maître Fernand Entringer, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 21 août 2000, S. a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 30 juin 2000 dans la cause pendante entre lui et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, reçoit le recours en la forme,
reçoit l'intervention volontaire de la société anonyme A.E. en la forme, les joint, déclare le recours non fondé.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 22 août 2000, la société anonyme A.E. a relevé appel du même jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 30 juin 2000 dans la cause pendante entre elle et l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 22 janvier 2001 à laquelle le rapporteur désigné, monsieur Julien Lucas, fit l'exposé de l'affaire.
Maître Benoît Entringer, pour l'appelant, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 30 juin 2000 et à la prise en charge par l'Assurance-accidents-industrielle de l'accident du 14 octobre 1996 au titre d'une affiliation soit en tant que salarié, soit en tant qu'indépendant.
Maître Guy Loesch, pour la société anonyme A.E. versa une note de plaidoiries et conclut à la prise en charge par l'Assurance accident industrielle de l'accident du 14 octobre 1996 au titre de l'affiliation de monsieur S. en tant qu'indépendant.
Monsieur Louis Emringer, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 30 juin 2000.
Maître Charles Turk se rallia aux conclusions de maître Guy Loesch.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
Par requête du 21 août 2000, S. a régulièrement fait relever appel d'un jugement contradictoirement rendu le 30 juin 2000 par le Conseil arbitral des assurances sociales, notifié le 12 juillet 2000, qui a rejeté son recours dirigé contre une décision de la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 17 mai 1999.
Par requête du lendemain, la société anonyme A.E. a attaqué à son tour le jugement en question. Cet appel, étant fait dans les forme et délai de la loi, est recevable aussi.
Il échet de joindre les deux recours et d'y statuer par un seul arrêt.
S. expose qu'il était salarié de l'entreprise A.E.. Il s'y rendait chaque jour et travaillait en moyenne entre cinq à six heures. D'après lui, il existait un véritable lien de subordination entre lui et son employeur. Il ajoute qu'il dépendait économiquement de l'entreprise A.E.. Il déclare que les diverses activités qu'il effectuait pour cette dernière tombent sous le champ d'application de l'article 92 du Code des assurances sociales, raison pour laquelle l'intimée devrait prendre en charge l'accident du 14 octobre 1996.
L'appelant fait valoir en ordre subsidiaire qu'un contrat d'entreprise le liait à la société A.E.. En tant qu'indépendant travaillant pour son propre compte, il était assuré, conformément aux dispositions de l'article 85 du Code des assurances sociales. Comme l'accident litigieux s'est produit à son lieu de travail, il tombe sous le champ d'application de l'article 92 précité.
Il reproche à la première juridiction d'avoir ajouté une condition non prévue par la loi, à savoir celle que le travail effectué par un affilié indépendant au cours duquel un accident s'est produit rentre dans les activités autorisées par le Ministère des classes moyennes.
Il conclut à la réformation du jugement entrepris.
La société A.E. conteste l'existence d'un lien de subordination entre S. et elle.
Elle reproche à la première juridiction d'avoir outrepassé le contrat judiciaire en décidant que l'accident du 14 octobre 1996 ne rentrait pas dans le cadre de l'activité pour laquelle l'appelant était affilié alors que le motif donné par l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, de son refus d'une prise en charge était tout autre.
Elle expose en second lieu que S. était assuré au moment de l'accident en tant qu'indépendant et comme l'accident rentre dans la catégorie des travaux qu'il effectuait normalement pour le compte de la société A.E., l'assurance accidents devrait le prendre en charge.
Elle conclut à son tour à la réformation du jugement attaqué.
L'intimée insiste sur le fait qu'au jour de l'accident, aucun responsable de l'entrepriseA.E. n'a donné des instructions à S. de monter sur le toit ni de s'aventurer sur le toit de l'immeuble voisin. Elle expose en outre que l'intéressé n'était pas affilié par la prédite entreprise et conteste qu'il travaillait cinq à six heures par jour pour le compte de celle-ci.
Elle fait valoir dans un autre ordre d'idées qu'il n'existe aucun lien entre les travaux habituels que S.effectuait pour l'entrepriseA.E. et le ramonage d'une cheminée. Elle ajoute dans ce contexte que l'intéressé n'était pas assuré pour pareille tâche. Elle déclare finalement que l'offre de preuve faite par la partie A.E. est contredite par l'exposé fait par cette dernière dans son acte d'intervention volontaire.
ll conclut à la confirmation du premier jugement.
Le second mandataire de la partie A.E. fait valoir que les règles de l'article 92 du Code des assurances sociales ne valent pas lorsque l'affilié est indépendant et non salarié. Il ajoute que la principale activité de S., à savoir celle de transporteur, n'exclut pas la fourniture d'autres prestations.
Il conclut à la réformation du jugement attaqué.
L'article 85 du Code des assurances sociales en vigueur au jour de l'accident de S. dispose que sont soumises à l'assurance obligatoire contre les accidents professionnels toutes les entreprises industrielles, commerciales, agricoles et forestières, ainsi que celles du métier. Il est acquis en cause que la victime, qui exploitait pour son propre compte une entreprise de transports de marchandises et un dépôt de bières, était assuré de ce chef auprès de la partie intimée; il n'était pas assuré par l'entreprise A.E. pour la simple raison qu'il ne faisait pas partie de son personnel. Il ressort en effet des éléments du dossier et notamment des renseignements fournis par l'appelante A.E. dans sa requête en intervention volontaire que S. a toujours insisté sur son statut d'indépendant et qu'il effectuait pour elle certaines tâches ponctuelles pour lesquelles il établissait une facture à la fin du mois. Il en ressort qu'il n'existait à aucun moment un lien de subordination entre les deux parties appelantes de sorte que S. ne figurait pas parmi les catégories de personnes énumérées à l'article 85 précité qui étaient soumises à l'assurance obligatoire.
Le premier moyen avancé par S. laisse donc d'être fondé.
Aux termes du libellé de l'article 85 du Code des assurances sociales, l'objet de l'assurance se limite aux suites résultant des accidents professionnels. La définition de ces accidents est donnée à l'article 92 du même code. Il faut donc nécessairement s'y reporter. Le législateur entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail.
Aux termes de la disposition légale en question, S. était assuré contre toute lésion survenue soudainement au temps et sur le lieu de travail. Comme il était commerçant indépendant et avait de ce fait un champ d'activité plus étendu qu'un salarié, la notion de « fait du travail » revêt une importance particulière. Pour être indemnisable, il faut que la lésion se soit produite dans le cadre des activités habituelles de l'assuré; en d'autres termes, l'accident doit avoir un lien si faible soit-il avec le travail de l'assuré.
Cette condition prévue par la loi ( et non ajoutée par la première juridiction) n'est pas remplie en l'espèce.
Il vient d'être exposé ci-dessus que la victime S. avait une autorisation de faire des transports de marchandises. Il ressort des pièces versées que les prestations effectuées par la victime pour le compte de la société M. consistaient à une exception près uniquement en des transports de charbon et d'huile. Une seule facture établie par S. fait état d'un travail à forfait d'un coût de 500 francs, sans que la nature de cette prestation ne soit précisée.
S. n'a pas prouvé qu'il effectuait en dehors des transports des tâches ponctuelles pour le compte de l'appelante M.. L'offre de preuve de celle-ci est à rejeter pour ne pas être concluante, étant d'ores et déjà contredite par ses propres pièces. Il ressort d'autre part de la requête en intervention volontaire de la partie M. que le jour de l'accident, S. n'avait aucune tâche à accomplir; il se trouvait simplement sur les lieux dans l'attente de se voir confirmer éventuellement une tâche ponctuelle par un des responsables de l'entreprise. A aucun moment, il n'a été invité à accompagner l'ouvrier S. sur le toit de l'entreprise et de l'aider dans le ramonage de la cheminée. Même si tel avait été le cas, S. n'aurait certainement pas reçu l'ordre d'aller inspecter la toiture de l'immeuble voisin, où les employés de l'entreprise M. n'avaient pas le droit de mettre les pieds.
Or, il est un fait que la victime est montée sans instruction sur le toit de la société A.E. s'est ensuite aventurée sur le toit de l'immeuble voisin et est tombée à travers une mince plaque en plastique.
Cette aventure est d'autant plus incompréhensible qu'un ouvrier au service de l'appelante venait d'être chargé de ramoner la cheminée et était déjà monté sur le toit. L'appelante n'a cessé d'insister sur le fait que cette tâche n'est pas dangereuse en soi et ne requiert que la main d'un seul homme. L'ouvrier en question n'avait donc besoin d'aucune aide.
Il ressort des renseignements qui précèdent que la chute de S. à travers le revêtement d'un toit n'a aucun lien avec les tâches rémunérées qu'il effectuait d'ordinaire pour le compte de la société M., à savoir des transports de diverses marchandises. C'est dès lors à raison et par des motifs que le Conseil supérieur adopte que la première juridiction a refusé le caractère d'accident de travail indemnisable à la lésion survenue le 14 octobre 1996.
Les deux appels sont dès lors à rejeter.
Par ces motifs
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,
reçoit les appels en la forme,
les dit non fondés,
confirme le jugement du 30 juin 2000.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 5 février 2001 par le Président du siège, Monsieur Georges Santer, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.