CSSS-17.02.1993

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Activité assurée  | Accident du travail  | Pause  | Chauffeur professionnel  | Période de repos  | Interruption du travail

Référence

  • CSSS-17.02.1993
  • Aff. T. vv P. c/ AAI
  • No REG G 162/92
  • No : 30/93
  • U199117966

Base légale

  • Art0092-al01-CSS
  • Art0092-al02-CSS

Sommaire

Si les périodes de repos coupant la durée du travail font partie du temps de travail, même lorsqu'elles ne sont pas payées, du moment que le travailleur ne s'éloigne pas sensiblement de l'entreprise, tel n'est plus le cas lorsque le repos restitue au travailleur sa pleine indépendance.

L'assuré, chauffeur de poids lourd, qui ayant interrompu son travail en vertu des dispositions réglementaires en matière de repos n'en profite pas pour se reposer, malgré son état de grande fatigue, mais monte dans la voiture d'un tiers pour une course sans relation avec son activité professionnelle, n'est plus sous la direction, la surveillance et l'autorité de son patron.

Corps

Par requête déposée le 24 novembre 1992, T., veuve P., a régulièrement fait relever appel d'un jugement rendu le 15 octobre 1992 par le Conseil arbitral des assurances sociales ayant déclaré non fondé son recours formé le 20 juillet 1992 contre une décision de la commission des rentes de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, prise le 25 mai 1992 qui avait décliné la responsabilité dudit organisme en rapport avec l'accident mortel subi par son époux le 9 juin 1991 et avait ainsi rejeté sa demande tendant à l'obtention de prestations de survie pour elle-même et ses trois enfants mineurs, au motif que le décès ne pouvait être considéré du point de vue des dispositions légales en vigueur comme la suite ni d'un accident de trajet, ni d'un accident du travail, étant donné que le parcours au cours duquel l'accident s'est produit, avait servi uniquement à des fins personnelles.

Il ressort du dossier soumis au Conseil supérieur des assurances sociales, que le dimanche 9 juin 1991, P., chauffeur professionnel au service de l'entreprise "T." établie à Greiveldange, assurait un transport d'Espagne à destination de Francfort. En raison des prescriptions réglementaires en matière de transports routiers concernant le repos des chauffeurs, il s'arrêtait au courant de la matinée à son domicile à Differdange, le départ pour Francfort ne devant se faire qu'à 22 heures. En fin d'après-midi vers 17.30 heures il montait à Schouweiler dans la voiture du dénommé R. qui affirmait par après de s'être offert de le conduire au siège de son employeur pour lui permettre de remettre au gérant de la société les documents de douane. C'est au cours de ce déplacement que l'accident mortel s'est produit à l'intérieur de la localité de Dippach.

L'appelante conclut à voir qualifier l'accident en question d'accident du travail susceptible de dédommagement de la part de l'Association d'assurances contre les accidents, section industrielle, étant donné qu'il s'est produit "lorsque la victime s'est rendue auprès de son patron après avoir quitté le lieu de stationnement habituel du camion et sur le chemin le plus direct menant au siège qui l'employait", la circonstance que P. se trouvait comme passager dans la voiture d'un tiers étant à cet égard sans relevance, au motif que le risque couru par l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, "aurait été le même dans l'hypothèse où P. aurait décidé de se rendre à Greiveldange au volant de sa propre voiture".

L'appelante fait encore grief aux premiers juges d'avoir uniquement pris en considération le rapport administratif établi sur base des déclarations orales de l'employeur de son mari et de ne pas l'avoir admise à prouver sa version des faits, offre de preuve qu'elle réitère en instance d'appel et qui est libellée comme suit:

"Que son employeur exigeait de P. qu'à l'issue de chacun de ses voyages et dès son arrivée au Grand-Duché avec l'unique camion loué par l'entreprise, il se déplace au siège de la société pour remettre au gérant de celle-ci les factures et papiers de douane relatifs aux livraisons terminées ou aux livraisons en cours;
que le jour de l'accident, P. venait d'entrer au Luxembourg avec un chargement d'oignons qui devait transiter par le pays en direction de l'Allemagne;
que ne pouvant partir avant 22.00 heures en raison des presciptions légales afférentes, P., suivant un usage établi et toléré par son patron, avait l'intention de se rendre à Grevenmacher ainsi qu'il le faisait chaque fois lorsque son passage au pays tombait sur un dimanche ou jour férié;
que le gérant de la firme T., le sieur C. est allé lui-même récupérer les documents, qu'il devait recevoir, dans l'épave du véhicule R.."

Selon la définition sommaire de l'article 92 du C.A.S., on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait ou à l'occasion du travail étant entendu que le parcours effectué pour se rendre au travail et en revenir est également considéré comme fait du travail.

Toute lésion survenu soudainement au temps et sur le lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident de travail, sauf si l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, rapporte la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

Il convient de retenir dès à présent que l'accident ne saurait être considéré comme accident de trajet les conditions de l'alinéa 2 de l'article 92 C.A.S. n'étant pas remplies.

En ce qui concerne l'élément "temps" le travailleur est d'abord réputé se trouver à "l'heure du travail" pendant toute la période où son temps est rémunéré.

Le temps du travail s'étend encore au-delà de la période donnant lieu à salaire: ainsi les repos non rémunérés comptant dans le temps du travail, du moment qu'ils sont habituels, tels les pauses pour les repas et les arrêts momentanés conformes aux règlements, aux usages de l'établissement ou aux nécessités.

Si donc les périodes de repos coupant la durée du travail font partie du temps de travail, même lorsqu'elles ne sont pas payées, du moment que le travailleur ne s'éloigne pas sensiblement de l'entreprise, tel n'est plus le cas lorsque le repos restitue au travailleur sa pleine indépendance.

Tel était le cas en l'occurrence. En vertu des dispositions réglementaires en matière de repos des chauffeurs professionnels invoquées par la partie appelante, P. avait interrompu son travail mais aurait dû, logiquement, en profiter pour se reposer, les déclarations consignées au procès-verbal dressé à l'occasion de l'accident faisant état de la grande fatigue empêchant P. de conduire sa voiture personnelle, étant éloquentes à cet égard.

Il s'ensuit que P. n'était plus à ce moment sous la direction, la surveillance et l'autorité de son patron. Le déplacement effectué ainsi qu'il sera développé ci-après n'était pas nécessité par l'exercice de son activité professionnelle de chauffeur de poids lourd de sorte que l'événement fatal n'a pas été causé ou occasionné par un risque inhérent au trajet effectué ou au moyen de transport utilisé mais pendant un trajet dicté par des motifs personnels.

L'offre de preuve est irrecevable les faits offerts en preuve n'étant d'abord pas pertinents, le temps de repos passé à domicile ne saurait être compris, comme temps du travail.

S'y ajoute qu'ils se trouvent en contradiction avec les faits acquis en cause, étant donné que le prétendu "usage établi et toléré" n'était non seulement contesté par l'employeur à l'occasion de l'enquête administrative, mais était, en l'espèce invraisemblable étant donné qu'il est absurde que le patron exige de son chauffeur de faire un aller-retour en voiture privée en traversant tout le pays et ceci pendant son repos réglementaire, alors qu'il aurait pu lui remettre les documents douaniers quelques heures plus tard à l'occasion de son passage pour se rendre à Francfort.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont dit qu'il n'existait pas de relation causale entre l'activité assurée et le parcours effectué qui avait servi uniquement à des fins personnelles.

Le jugement entrepris est dès lors à confirmer.

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