CCASS-07.06.2012

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Demande de rente  | Délai triennal  | Conditions d'exception  | Appréciation par rapport à la capacité de travail

Référence

  • CCASS-07.06.2012
  • N° 31 /12. du 7.6.2012.
  • Numéro 3012 du registre.
  • D.S.M. c/ AAA
  • U199831241

Base légale

  • Art0149-CSS

Sommaire

Concernant la capacité de travail de la requérante, aucune constatation de fait n'a été opérée par l'arrêt attaqué et que dans ce contexte un constat de « cervico-brachialgies » en l'année 2004 est parfaitement insuffisant s'il n 'est pas parallèlement constaté par l'arrêt attaqué que cet état de santé a, au point de vue de la capacité de travail, eu une répercussion quelconque, il n 'a pas été vérifié et constaté que la capacité de travail de la demanderesse en cassation s'est modifiée par les cervicalgies ressenties en 2004.

En n 'opérant pas ces constatations de fait nécessaires pour statuer sur le droit, l'arrêt attaqué manque de base légale et doit encourir la cassation.

Corps

N° 31 /12. du 7.6.2012.
Numéro 3012 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept juin deux mille douze.

Composition:  
Georges SANTER, président de la Cour,
Edmée CONZEMIUS, conseillère à la Cour de cassation,
Annette GANTREL, première conseillère à la Cour d'appel,
Eliane ZIMMER, première conseillère à la Cour d'appel,
Odette PAULY, conseillère à la Cour d'appel,
Serge WAGNER, avocat général,
Marie-Paule KURT, greffière à la Cour

Entre

D.S.M., employée de l'Etat, née le 15 août 1977, demeurant à L-8034 Strassen, 1 rue Dicks,

demanderesse en cassation,

comparant par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,

et :

l'ASSOCIATION D'ASSURANCE ACCIDENT, établie à L-2976 Luxembourg, 125 route d'Esch, représentée par son Président du Comité-directeur actuellement en fonction,

défenderesse en cassation,

comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.

LA COUR DE CASSATION:

Sur le rapport de la conseillère Edmée CONZEMIUS et les conclusions de l'avocat général Mylène REGENWETTER ;

Vu l'arrêt attaqué rendu le 25 mars 2011 sous le numéro G 2010/0073 du registre par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 31 mai 2011 par D.S.M. à l'ASSOCIATION D'ASSURANCE ACCIDENT, déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 31 mai 2011 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 27 juillet 2011 par l'ASSOCIATION D'ASSURANCE ACCIDENT à D.S.M., déposé le 28 juillet 2011 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Attendu que le pourvoi, formé dans les forme et délai de la loi, est recevable ;

Sur les faits :

Attendu que D.S.M., victime d'un accident de trajet survenu le 21 décembre 1998, s'était vu décliner le 11 janvier 2008 par décision présidentielle de l'ASSOCIATION D'ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS sa demande du 12 novembre 2007 en obtention d'une rente viagère en indemnisation d'une incapacité de travail partielle permanente du chef de cet accident ; que saisi du recours de l'assurée contre la décision confirmative du comité-directeur du 25 septembre 2008, le Conseil arbitral des assurances sociales avait, par jugement du 17 mai 2010, dit que les conditions d'application de la forclusion triennale de l'article 149, alinéas 1er et 2e, du Code des assurances sociales étaient remplies, que l'institution d'une expertise médicale était superflue et que le recours était non fondé ; que suite à l'appel interjeté par D.S.M., le Conseil supérieur de la sécurité sociale confirma, par arrêt du 25 mars 2011, le jugement entrepris ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de motifs, sinon pour insuffisance de motifs valant défaut de motifs, pour défaut de réponse à conclusions constituant une absence de motifs, et pour violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme au voeu de laquelle la motivation suffisante des décisions judiciaires fait partie des critères d'un procès équitable ;

En ce que l'arrêt attaqué, en motivant ses dispositions par les motifs repris à la page 3 de l'arrêt attaqué, motifs censés ci-reproduits à l'appui de la motivation de ce premier moyen de cassation, n'a ni mentionné dans ces motifs ou dans son dispositif ni examiné, ni à fortiori statué sur son bien fondé, le moyen d'appel pertinent de l'appelante D.S.M. formulé dans la requête d'appel de son mandataire ad litem signée le 3 juin 2010 et entrée au secrétariat du Conseil supérieur de la Sécurité sociale en date du 7 juin 2010, moyen d'appel formulé comme suit :

« Par ailleurs, contrairement à ce qui a été affirmé devant les premiers juges par Monsieur Marion Frisch, mandataire de l'Association contre les accidents, l'intervention chirurgicale a été du moins partiellement prise en charge par l'Association d'assurance contre les Accidents. Il faut en conclure que l'Association d'Assurance contre les accidents a reconnu elle-même que l'accident est la cause de la constitution de la protrusion discale » ;

ce moyen d'appel ayant été pour le surplus amplifié à l'audience avec la précision que l'Association d'assurance contre les accidents avait, sous le numéro de l'accident U199831241, pris en charge des frais médicaux et pharmaceutiques, des pièces probantes portant la date de l'accident et le numéro-référence de l'Association d'assurance accident ayant été versées en cause à la juridiction dont émane l'arrêt attaqué lors des plaidoiries.

Grief de l'absence de motifs, respectivement de l'insuffisance de motifs valant absence de motifs

Alors que le moyen en cause est relatif à la question de savoir si l'Association d'assurance contre les accidents avait accepté une prise en charge et donc acquiescé au principe d'une indemnisation de la demanderesse de sorte qu 'elle ne pouvait plus ultérieurement refuser son intervention au prétexte que la demande serait tardive ;

Alors qu 'un tel moyen de droit pertinent pouvant avoir un sort décisif sinon déterminant sur l'issue du litige et présentée par une partie dans son acte introductif d'instance doit être examiné par la juridiction devant statuer sur son bien fondé et qu'il n'appartient par contre pas à une juridiction d'en faire abstraction en refusant ainsi implicitement de l'examiner, sans encourir le vice de défaut de motifs, sinon l'insuffisance de motifs valant défaut de motifs ;

Alors qu'en effet, « si l'arrêt a omis de se prononcer sur une exception ou sur un moyen de défense il est entaché d'un défaut total de motifs » (J. Boré, La cassation en matière civile, éd. 1997 Dalloz, p.460, n°l916) ;

Alors que partant l'arrêt attaqué aurait dû examiner le moyen en cause et qu'en ne le faisant pas, l'arrêt attaqué a violé l'article 89 de la Constitution pour absence de motifs, sinon insuffisance de motifs, équivalent à une absence de motifs, et doit encourir la cassation ;

Grief du défaut de réponse à conclusions

Alors qu'un moyen présenté dans un acte d'appel est au moins équivalent à une demande formulée par voie de conclusions et que l'arrêt attaqué ne pouvait en faire abstraction sans être vicié par le grief du défaut de réponse à conclusions qui équivaut à un défaut de motifs et doit ainsi encourir la cassation ;

Grief de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme

Alors qu 'un défaut de motifs, respectivement une insuffisance de motifs ainsi qu 'un défaut de réponse à conclusions constituent parallèlement une violation des conditions d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de sorte qu'en ne statuant pas sur l'un des moyens d'appel, l'arrêt attaqué a également violé cette disposition et doit être cassé » ;

Mais attendu qu'en retenant la forclusion de la demande en octroi d'une rente d'accident, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a implicitement répondu aux conclusions de la demanderesse en cassation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de motifs, sinon insuffisance de motifs valant défaut de motifs,

En ce que l'arrêt attaqué retient dans ses motifs que dans le souci d'indemniser le plus vite possible les assurés victimes d'un accident du travail et d'éliminer au maximum les problèmes concernant l'imputabilité de certaines conséquences à un accident du travail, le législateur a imposé aux victimes l'obligation de réagir rapidement et de présenter leur réclamation dans un délai de trois ans à dater de l'accident. Dans certaines situations exceptionnelles, qui sont à interpréter limitativement, il est permis aux assurés de faire leurs réclamations après le susdit délai. Tel est le cas s'il est établi que les conséquences d'un accident, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement (cf. Conseil supérieur, 7 décembre 2009, n°2009/0158).

En ce que ainsi l'arrêt attaqué pour interpréter un texte de loi, en l'occurrence, suivant l'arrêt attaqué, « l'article 149 du Code de la sécurité sociale », prend ainsi recours à l'intention du législateur, mais sans motiver par des éléments concrets, notamment par des références aux travaux préparatoires parlementaires avec citation d'extraits desdits travaux pouvant justifier et asseoir l'interprétation ainsi opérée ;

En ce que la seule référence citée dans ce contexte est une référence à un autre arrêt de la même juridiction (« Conseil supérieur, 7 décembre 2009, n°20009/0158 ») et en ce que cet arrêt à texte identique au passage susvisé ne motive pas non plus de quels éléments l'intention du législateur est déduite ;

Alors que si une juridiction, si elle se réfère à l 'intention du législateur pour interpréter un texte légal, doit indiquer de quels actes et manifestations du législateur l'intention du législateur est déduite, sinon les motifs sont incompréhensibles pour le justiciable et ne peuvent être contrôlés par la Cour de cassation ;

alors qu 'ainsi, l'arrêt attaqué aurait dû indiquer les extraits pertinents des travaux préparatoires ou d'autres éléments de manifestation du législateur pour conclure à une l'intention du législateur telle que formulée dans les motifs et qu 'en ne le faisant pas, l'arrêt est vicié par un défaut de motifs ou sinon pour le moins par le grief de l'insuffisance de motifs valant défaut de motifs et doit être encourir la cassation » ;

Mais attendu que le grief du défaut de motifs est un vice de forme ; que la décision est motivée sur le point considéré et satisfait donc à la prescription de l'article 89 de la Constitution ;

D'où il suit que, sur ce point, le moyen n'est pas fondé ;

Attendu que l'insuffisance de motifs donne ouverture au défaut de base légale et ne saurait être invoquée en relation avec l'article 89 de la Constitution ;

Qu'à cet égard, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « du manque de base légale

En ce que l'arrêt attaqué après avoir retenu que « Dans certaines situations exceptionnelles, qui sont à interpréter limitativement, il est permis aux assurés de faire leurs réclamations après le susdit délai. Tel est le cas s'il est établi que les conséquences d'un accident, au point de
vue de la capacité de travail du blessé, n 'ont pu être constatées qu 'ultérieurement »

a cité les faits comme suit :

"D'après le certificat médical unilatéral du docteur Francis DELVAUX du 28 février 2008 la protrusion discale qui est à l'origine de l'intervention chirurgicale subie par l'appelante en 2007 est en relation causale avec l'accident du 21 décembre 1998. Il résulte en outre d'un certificat médical du docteur Victor MOSER, médecin traitant de l'appelante, que cette dernière l'a consulté dès le 30 août 2004 pour d'importantes cervico-brachialgies et que lors de l'examen le docteur MOSER a pu constater la ou les protrusions discales qui ont donné lieu le 18 juin 2007 à une intervention chirurgicale. La partie appelante a dès lors consulté (un médecin) plus de trois ans avant l'introduction de la demande en obtention d'une rente pour des séquelles très douloureuses liées à la colonne vertébrale.

Pour venir à la conclusion que

Il en résulte que le délai triennal de l'article 149, alinéa 2 du Code de la sécurité sociale a été dépassé ».

Alors que la règle de droit énoncée, aux termes mêmes de l'arrêt, demande que les conséquences de l'accident tels que constatés sont à apprécier au point de vue de la capacité de travail du blessé ;

Et alors que concernant la capacité de travail de la requérante D.S.M., aucune constatation de fait n'a été opérée par l'arrêt attaqué et que dans ce contexte un constat de « cervico-brachialgies » en l'année 2004 est parfaitement insuffisant s'il n 'est pas parallèlement constaté par l'arrêt attaqué que cet état de santé a, au point de vue de la capacité de travail, eu une répercussion quelconque,

Alors que notamment il n 'a pas été vérifié et constaté que la capacité de travail de la demanderesse en cassation s'est modifiée par les cervicalgies ressenties en 2004 ;

que l'arrêt attaqué aurait dû constater sur base de faits pertinents que la capacité de travail de la requérante était entravée à partir du 30 août 2004, date apparemment retenue pour faire courir le délai de 3 ans ;

Alors qu'en n 'opérant pas ces constatations de fait nécessaires pour statuer sur le droit, l'arrêt attaqué manque de base légale et doit encourir la cassation. »

Vu l'article 149, alinéa 2, de l'ancien Code des assurances sociales ;

Attendu que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, en se bornant, pour déclarer forclose la requête de la demanderesse en octroi d'une rente d'accident, à retenir la date du 30 août 2004 comme date d'apparition des cervico-brachialgies sans rechercher leur incidence sur la capacité de travail de l'assurée, n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé le texte de loi visé au moyen ;

D'où il suit que l'arrêt encourt la cassation ;

Par ces motifs,

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième moyens,
casse et annule l'arrêt rendu le 25 mars 2011 sous le numéro G 2010/0073 du registre par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s'en sont suivis et remet les parties dans l'état où elles se sont trouvées avant l'arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale autrement composé ;

condamne l'ASSOCIATION D'ASSURANCE ACCIDENT aux dépens de l'instance de cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le Président Georges SANTER, en présence de Monsieur Serge WAGNER, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

 

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