No du reg. : GE 1999/0002
No 86/2000
AUDIENCE PUBLIQUE DU CONSEIL SUPERIEUR DES ASSURANCES SOCIALES
Du vingt-huit juin deux mille à Luxembourg
Composition: |
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M. Georges Santer ,1er conseiller à la Cour d'appel, | président ff |
M.Julien Lucas , 1er conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme. Eliane Eicher , conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. André Herber , agent C.F.L., Béreldange, |
assesseur- employeur |
M.Pierre Conradt , agent C.F.L. Hesperange, | assesseur - salarié |
M. Richard Trausch | secrétaire |
Entre:
l' Association d' assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg, .appelante, .comparant par monsieur Louis Emringer, conseiller de direction adjoint, demeurant à Luxembourg;
ET:
1.) B., né le ..., demeurant à ..., intimé, assisté de maître Max Gremling, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg,
2) Entraide médicale des C.F.L., L-1616 Luxembourg, 9, place de la Gare, intimée, comparant par maître Guy Thomas, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 6 janvier 1999, l'Association d'assurance contre les accidents , section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assuran es sociales le 17 novembre 1998 dans la cause pendante entre elle et
1) B. et
2) l'Entraide médicale des chemins de fer luxembourgeois, et dont le dispositif est conçu comme suit: Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, vidant le jugement du 19 janvier 1998; dit le recours de B.fondé; partant, réforme, dit que la demande en obtention d'une rente du chef de l'accident professionnel du 6 juille 1965 introduite le 7 novembre 1989 n'est pas forclose; renvoit le requérant B. devant l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, pour obtention d'une décision quant à l'allocation d'une rente du chef de l'accident du travail précité; déclare le présent jugement commun à l'Entraide médicale des chemins de fer luxembourgeois. Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 14 juin 2000, à laquelle le rapporteur désigné, monsieur Julien Lucas, fit l'exposé de l'affaire. Monsieur Louis Emringer, pour l'appelante, conclut à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 17 novembre 1998 et au rétablissement de la décision de la commission des rentes du 23 décembre 1991. Maître Max Gremling, pour l'intimé, conclut en ordre principal à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 17 novembre 1998; en ordre subsidiaire, il conclut à l'institution d'une nouvelle expertise médicale; en ordre plus subsidiaire, il formula une offre de preuve pour établir la relation causale en question ainsi que les suites directes de l'accident de 1965. Maître Guy Thomas, pour l'Entraide médicale des Chemins de fer luxembourgeois, se rallia aux conclusions de maître Max Gremling et conclut également à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 17 novembre 1998. Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit :
Par requête du 6 janvier 1999, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a régulièrement relevé appel d'un jugement contradictoirement rendu le 17 novembre 1998 par le Conseil arbitral des assuranc sociales, décidant, par réformation de la décision de la commission des rentes du 23 décembre 1991, que la demande du requérant B.du 7 novembre 1989 en obtention d'une rente du chef de l'accident de travail du 6 juillet 1965 n' est pas forclose.
L'appelante demande acte en premier lieu qu' il renonce à ses moyens concernant l'intervention volontaire de l'Entraide médicale des chemins de fer. Elle expose ensuite à l'appui de son recours que la juridiction inférieure n'a pas tiré toutes les conclusions de l'expertise judiciaire Braun, l'homme de l'art commis ayant clairement retenu qu'une relation causale entre l'accident de travail de 1965 et la pseudarthrose malléolaire diagnostiquée en 1989 ne pouvait être confirmée avec certitude.
Elle insiste d'autre part sur le fait que la première juridiction aurait fait une scission entre le kyste synovial et la pseudarthrose, alors que suivant l'expert commis, les deux problèmes étaient à associer. Elle fait valoir en dernier lieu que l'intimé B. ne se trouvait à aucun moment dans l'impossibilité physique de faire constater dans le délai légal les suites de son accident de travail et de formuler sa demande;
Elle conclut à la réformation du jugement entrepris et au rétablissement de la décision de la commission des rentes du 23 décembre 1991 B. insiste sur le fait que la pseudarthrose à son pied droit ne fut découverte qu'en 1989 par le docteur Schuman, qui fut le premier à effectuer des radiographies. Renvoyant aux conclusions du docteur Nizzard et insistant sur le fait qu'en dehors de son accident de 1965, il n'y a pas eu le moindre incident qui pourrait être à l'origine d'une fracture au pied droit, il conclut à l'existence d'une relation causale évidente entre l'accident de 1965 et la pseudarthrose dont il fut opéré en 1989. Il ajoute dans ce contexte que le médecin de contrôle aurait accepté cette relation causale, qui n'aurait par ailleurs pas été contestée par l'appelante en première instance. Il formule en ordre subsidiaire une offre de preuve pour établir la relation causale en question ainsi que les suites directes de l'accident de 1965. L'Entraide médicale des chemins de fer renvoie au tableau des maladies de l'intimé et invoque une présomption d'imputabilité de la pseudarthrose à l'accident de 1965.
Elle conclut, tout comme l'intimé, à la confirmation du jugement entrepris. Dans le souci d'indemniser le plus vite possible les assurés victimes d'un accident de travail et d'éliminer au maximum les problèmes concernant l'imputabilité de certaines conséquences à un accident de travail, le législateur a imposé aux victimes l'obligation de réagir rapidement et de présenter leur réclamation dans un délai de trois ans à dater de l'accident. Dans certaines situations exceptionnelles, qui sont à interpréter restrictivement, il est permis aux assurés de faire leurs réclamations après le susdit délai. Tel est le cas s'il est établi que les conséquences d'un accident de travail, au point de vue de la capacité de travail du blessé, n'ont pu être constatées qu'ultérieurement. Cela présuppose que les conséquences invoquées par une victime à l'appui d'une demande en obtention d'indemnités proviennent directement d'un accident de travail. La preuve de cette relation entre l'accident et de ses suites incombe à l'assuré. Le médecin-inspecteur du Contrôle médical ne s'est pas prononcé à ce sujet pour la simple raison que cela ne rentrait pas dans sa mission, qui est déterminée à l'article 341 du Code des assurances sociales. Même si le médecin en question avait émis son opinion au sujet d'une relation causale entre l'accident de 1965 et la pseudarthrose de l'intimé, sa décision ne se serait pas imposée à la commission des rentes et n'aurait pas eu d'incidence sur la recevabilité ou.le bien-fondé d'un litige devant les juridictions sociales. Le Conseil supérieur ne voit d'autre part pas en quoi la juridiction inférieure aurait implicitement admis une relation causale entre l'accident de 1965 et les suites diagnostiquées en 1989 dans son jugement du 19 janvier 1998. La décision en question est totalement muette à ce sujet. Il s'ensuit que les arguments de l'intimé B. d'après lesquels la relation causale en question serait d'ores et déjà établie laissent d'être fondés. Il est un fait que la mission confiée par décision du 19 janvier 1998 à l' expert Braun ne concernait pas la relation causale entre la pseudarthrose et l'accident de travail de 1965, contestée par l'appelante. L'homme de l'art en question s'est néanmoins prononcé sur ce point à plusieurs reprises. Il retient notamment qu'en l'absence de preuve, on ne peut affirmer qu'il y a eu une fracture malléolaire en 1965. Il s'étonne d'autre part que l'accident de 1965 n'a pas causé d'arrêt de travail, ce qui est à son avis peu probable après une fracture malléolaire. Il en conclut qu'une causalité entre l'accident de 1965 et la pseudarthrose ne saurait être confirmée avec certitude. La déclaration du docteur Nizzard, qui parle d'une origine posttraumatique de l'intervention réalisée par lui n'est pas concluante dans la mesure où il n'indique pas de date du traumatisme intervenu; d'après l'expert Braun, toute distorsion de la cheville survenue entre les années 1965 et 1980 aurait pu provoquer la même évolution. L'offre de preuve formulée par l'intimé n'est pas pertinente alors que l'expertise faite par le docteur Braun a clairement démontré qu'il n'est plus possible de rattacher des conséquences déterminées à un accident qui s'est produit il y a 35 ans.
A cela s'ajoute que B. avait amplement le temps de se procurer un certificat du docteur Schuman. Il suit des développements qui précèdent que l'intimé n'a pas rapporté la preuve que la pseudartrose découverte en 1989, est à rattacher à l'accident du travail du 6 juillet 1965. La condition essentielle de la première exception prévue par la loi pur pouvoir présenter une réclamation en dehors du délai de trois ans n'est donc pas remplie. Quant à l'impossibilité ayant empêché l'assuré de formuler sa demande, il s'agit d'une impossibilité physique résultant d'une maladie grave ou d'un accident mettant l'intéressé hors d'état de pourvoir à ses intérêts, Pareille impossibilité n'est pas invoquée par l'intéressé de sorte que les conditions de la deuxième exception ne sont pas données non plus. Force est dès lors de constater que la réclamation de B.est tardive pour se trouver en dehors du délai de trois ans.
Le jugement entrepris est donc à réformer .
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales, statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et les conclusions contradictoires des parties à l'audience,
reçoit l'appel en la forme,
le dit fondé,
réformant, dit forclose la demande de B. du 7 novembre 1989 en obtention d'une rente du chef de l'accident de travail du 6 juillet 1965,
déclare l'arrêt commun à l'Entraide médicale des chemins de fer luxembourgeois.
La lecture du présent arrêt a été faite à l' audience publique du 28 juin 2000 par le Président du siège, Monsieur Georges Santer, en présence de Monsieur Richard Trausch, secrétaire.
Le président ff, signé : Santer
Le Secrétaire, signé Trausch