GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG
No. du reg.: G 2003/0195 No.: 2004/0088
CONSEIL SUPERIEUR DES..ASSURANCES SOCIALES
Audience publique du douze mai deux mille quatre
Composition: | |
Mme Edmée Conzémius, 1er conseiller à la Cour d'appel, | président |
M. Marc Kerschen, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
Mme Lotty Prussen, conseiller à la Cour d'appel, | assesseur-magistrat |
M. Paul Emering, directeur adjoint, Junglinster, | assesseur-employeur |
M. Marcel Kraus, ouvrier de l'Etat, Leudelange, | assesseur-salarié |
M. Francesco Spagnolo, | secrétaire |
ENTRE:
l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur , Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Luxembourg,
appelante,
comparant par Madame Linda Schumacher, attaché de direction, demeurant à Luxembourg;
ET:
L., veuve T., née le ..., demeurant à ...,
intimée ,
comparant par Maître Claudie Henckes-Pisana, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.
Par requête déposée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 19 décembre 2003, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales le 4 novembre 2003, dans la cause pendante entre elle et L., veuve T., et dont le dispositif est conçu. comme suit: Par ces motifs, Le Conseil arbitral des assurances sociales, statuant contradictoirement et en premier ressort; quant à la forme, déclare le recours recevable; avant tout autre progrès en cause, décide de nommer le Professeur A. Leehnardt, médecin-spécialiste en cardiologie au Centre Hospitalo-Universitaire de Lariboisière à Paris, avec mission:
a) d'examiner le dossier médico-administratif concernant feu Monsieur T., victime d'un infarctus du myocarde létal du 17 mai 1999,
b) d'examiner en particulier les circonstances de survenue de sa crise d'angor,
c) d'émettre un avis motivé, détaillé et circonstancié sur les questions suivantes:
c.1. eu égard aux antécédents cardiologiques et cardiochirurgicaux du décédé, l'infarctus du myocarde létal a-t-il été causé exclusivement par les contraintes du milieu du travail tout en différenciant entre contrainte physique et contrainte psychique?
c.2. la personnalité psychologique particulière du décédé, telle qu'elle ressort des témoignages, a-t-elle contribué à la genèse de cet infarctus?
c.3. quel est, selon les acquis actuels de la science médicale, la probabilité que cette personnalité aurait à elle seule suffi pour provoquer l'infarctus létal, hormis tout effort ou stress physique?
c.4. quel est le degré de capacité physique maximal auquel l'organisme humain peut encore faire face après un passé cardiologique et cardiochirurgical tel que l'a présenté le défunt; le décédé a-t-il été médicalement apte à satisfaire aux exigences physiques de son activité professionnelle? ,
d) de remettre son rapport au Conseil arbitral des assurances sociales pour le 10 février 2004 au plus tard, met l'affaire au rôle général.
Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 28 avril 2004, à laquelle le rapporteur désigné, Madame Lotty Prussen, fit l'exposé de l'affaire.
Madame Linda Schumacher, pour l'appelante, conclut à la recevabilité de l'appel.
Maître Claudie Henckes-Pisana, pour l'intimée, conclut à l'irrecevabilité de l'appel pour avoir été interjeté prématurément.
Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:
Par une décision présidentielle du 1er juillet 2002, l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle (AAI), a refusé la prise en charge, en tant qu'accident du travail, du décès de T. survenu, par suite d'un infarctus du myocarde, à son domicile le 17 mai 1999 après son travail, au motif que l'infarctus est survenu au domicile de l'assuré.
Le décès ne serait partant pas survenu ni par le fait du travail ni à l'occasion du travail ni sur le parcours effectué par l'assuré pour se rendre au travail ou en revenir et, en application de l'article 92, alinéa 1 et 2 du code des assurances sociales, il ne pourrait être mis en relation avec l'activité professionnelle du de cujus.
Par décision du 28 mars 2003, la commission des rentes de l'AAI a confirmé cette décision et, par jugement du 4 novembre 2003, le Conseil arbitral des assurances sociales a déclaré le recours de la veuve de T., L., dirigé contre la décision de la commission des rentes, recevable et il a, avant tout autre progrès en cause, nommé expert le professeur A LEEHNARDT, médecin-spécialiste en cardiologie au Centre Hospitalo-Universitaire de Lariboisière à Paris avec la mission:
« a) d'examiner le dossier médico-administratif concernant feu Monsieur T.; victime d'un infarctus du myocarde létal du 17 mai 1999,
b) d'examiner en particulier les circonstances de survenue de sa crise d'angor,
c) d'émettre un avis motivé, détaillé et circonstancié sur les questions suivantes:
c.1. eu égard aux antécédents cardiologiques et cardiochirurgicaux du décédé, l'infarctus du myocarde létal a-t-il été causé exclusivement par les contraintes du milieu du travail tout en différenciant entre contrainte physique et contrainte psychique ? ,
c.2. la personnalité psychologique particulière du décédé, telle qu'elle ressort des témoignages, a-t-elle contribué à la genèse de cet infarctus ? l
c.3. quel est, selon les acquis actuels de la science médicale, la probabilité que cette personnalité aurait à elle seule suffi pour provoquer l'infarctus létal, hormis tout effort ou stress physique ?
c.4. quel est le degré de capacité physique maximale auquel l'organisme humain peut encore faire face après un passé cardiologique et cardiochirurgical tel que l'a présenté le défunt, le décédé a-t-il été médicalement apte à satisfaire aux exigences physiques de son activité professionnelle ? ».
Par requête déposée au greffe du Conseil supérieur des assurances sociales le 19 décembre 2003, l'AAI a relevé appel de ce jugement et elle demande, à titre principal, à voir:
« constater que le décès du sieur T. est survenu après le travail et au domicile privé de celui-ci et qu'il n'y a par conséquent pas accident de travail;
à titre subsidiaire, et uniquement pour le cas où le Conseil supérieur devrait estimer que le fait accidentel à prendre en considération n'est pas le décès, mais la cause du décès, constater que celle-ci n'est pas établie;
constater encore que le moment pendant lequel cette cause est survenue n'est pas non plus déterminé;
constater finalement que la partie intimée ne rapporte pas la preuve d'une quelconque atteinte au corps de T. provenant d'une action soudaine et violente d'une force extérieure en relation avec l'activité professionnelle, mais qu'au contraire des antécédents cardiologiques et cardio-chirurgicaux sont établis,
dire que c'est à tort que le Conseil arbitral a admis l'applicabilité de la présomption d'imputabilité et qu'il a ordonné une expertise;
partant, réformer le jugement du 4 novembre 2003 et rétablir la décision de la commission des rentes du 28 mars 2003 ».
En ordre tout à fait subsidiaire, l'AAI conteste la mission de l'expert telle qu'ordonnée par le Conseil arbitral et se réserve le droit de formuler une autre mission. -
A l'appui de son appel, l'AAI fait plaider que, bien que le jugement entrepris n'ait ordonné qu'une expertise, il serait susceptible d'être entrepris par la voie de l'appel, dès lors qu'en ordonnant une expertise, le Conseil arbitral aurait retenu d'ores et déjà la possibilité d'un lien de causalité entre le décès de l'assuré et son travail et pris un motif décisif.
Ainsi, il aurait tranché dans sa motivation une question de principe en matière d'accident de travail, en l'occurrence celle de la présomption d'imputabilité en faveur de l'assuré et, en tant que telle, la motivation constituerait le support du dispositif.
Aux termes des articles 355,579 et 580 du nouveau code de procédure civile, applicables aux appels des jugements du Conseil arbitral des assurances sociales, l'appel contre les jugements avant dire droit est irrecevable. Cette irrecevabilité a été prévue par le législateur dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et elle est à soulever d'office par le juge, l'appelant ne pouvant se prétendre lésé par le jugement qu'il entreprend que si la lésion résulte du dispositif de cette décision.
Un jugement qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une expertise constitue un jugement avant dire droit non susceptible d'appel et il n'y a pas lieu d'examiner si les motifs de ce jugement ont un caractère décisoire.
En l'espèce, l'appel de l'AAI est partant prématuré et il est à rejeter comme étant irrecevable.
Par ces motifs,
le Conseil supérieur des assurances sociales,
statuant sur le rapport oral de l'assesseur-magistrat délégué et contradictoirement entre parties,
déclare l'appel dirigé par l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, contre le jugement du 4 novembre 2003 irrecevable.
La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 12 mai 2004 par Madame le Président Edmée Conzémius, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.
Le Président, Le Secrétaire,
signé: Conzémius signé: Spagnolo