CSSS-05.03.2012

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Accident du travail
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Définitions  | AVC au lieu du travail  | Décès  | Présomption d'imputabilité  | Facteurs de risques personnels préexistants  | Preuve contraire

Référence

  • CSSS-05.03.2012
  • Aff. AAA c/ W.,vve R.
  • No. du reg. : G 2010/0091
  • No: 2012/0049
  • U200735208

Base légale

  • Art0092-CSS

Sommaire

R. est décédé sur son lieu de travail dans la salle de repos des chauffeurs, après être rentré avec son bus au siège de l'entreprise. Le décès de R. est partant survenu sur le lieu du travail et pendant le temps du travail de celui-ci, donc à l'occasion du travail.

Tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail, sauf à l'organisme de sécurité sociale de rapporter la preuve que l'atteinte au corps humain est due à une cause étrangère à l'emploi assuré. Il n'appartient pas à l'intimée de rapporter positivement la preuve que l'activité professionnelle de l'assuré était à l'origine de son décès mais à l'Association d'assurance accident de rapporter la preuve que le décès de celui-ci à une origine totalement étrangère au travail.

Même à supposer que R. ait souffert de sérieux facteurs de risque pour faire un infarctus du myocarde, il n'en est pas pour autant établi, eu égard au stress auquel il était exposé et compte tenu du mauvais climat de travail, que son décès est dû à une cause totalement étrangère au travail.

Corps

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

No.: 2012/0049            No. du reg.: G 2010/0091
CONSEIL SUPERIEUR DE LA SECURITE SOCIALE
Audience publique du cinq mars deux mille douze

 

Composition:  
M. Marc Kerschen, 1er conseiller à la Cour d'appel, président ff.
Mme Odette Pauly, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Pierre Calmes, conseiller à la Cour d'appel, assesseur-magistrat
M. Marc Kieffer, conseiller juridique, Wintrange, assesseur-employeur
Mme Corinne Ludes, déléguée permanente, Dudelange. assesseur-salarié
M. Francesco Spagnolo, secrétaire

ENTRE:

l'Association d'assurance accident, établie à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction,
appelante,
comparant par Monsieur Romain Rech, inspecteur principal 1er en rang, demeurant à Luxembourg;

ET:

W., née le ..., demeurant à ..., veuve de R., né le ... et décédé le 3...,

intimée,

comparant par Maître Sam Tanson, avocat-avoué, demeurant à Luxembourg.

Par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales (actuellement Conseil supérieur de la sécurité sociale) le 8 juillet 2010, l'Association d'assurance accident a relevé appel d'un jugement rendu par le Conseil arbitral des assurances sociales (actuellement Conseil arbitral de la sécurité sociale) le 31 mai 2010, dans la cause pendante entre elle et W., et dont le dispositif est conçu comme suit:

Par ces motifs, le Conseil arbitral, statuant contradictoirement et en premier ressort, réformant, dit que le décès de R. est la suite d'un accident du travail subi par le défunt le 3 décembre 2007 et donnant lieu à indemnisation au titre de la législation concernant les accidents du travail; renvoie l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour fixation des prestations revenant à la dame W., veuve R..

Les parties furent convoquées pour l'audience publique du 25 mars 2011, puis pour celle du 13 février 2012, à laquelle Monsieur Marc Kerschen, président ff., fit le rapport oral.

Monsieur Romain Rech, pour l'appelante, conclut en ordre principal à la réformation du jugement du Conseil arbitral du 31 mai 2010; en ordre subsidiaire, il conclut à l'institution d'une expertise.

Maître Sam Tanson, pour l'intimée, conclut à la confirmation du jugement du Conseil arbitral du 31 mai 2010 et au rejet de la demande en institution d'une expertise.

Après prise en délibéré de l'affaire le Conseil supérieur rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, l'arrêt qui suit:

Par décision du 12 novembre 2009 le comité-directeur de l'Association d'assurance accident a, par confirmation d'une décision présidentielle du 10 juin 2008, décliné toute relation causale entre le décès de R., époux de W., décès survenu le 3 décembre 2007, et l'activité professionnelle assurée, et refusé de reconnaître comme accident du travail l'événement dont fut victime R...

Par jugement du 31 mai 2010 le Conseil arbitral des assurances sociales a dit que le décès de R. est la suite d'un accident du travail subi par le défunt le 3 décembre 2007 et donnant lieu à indemnisation au titre de la législation concernant les accidents du travail et a renvoyé l'affaire devant l'organe de décision compétent de l'Association d'assurance contre les accidents pour fixation des prestations revenant à W., veuve R..

Pour statuer comme ils l'ont fait les juges de première instance ont dit que les principes juridiques régissant la matière tels que ces principes se dégagent de l'article 92 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence, présument que tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est un accident du travail, sauf à l'Association d'assurance de rapporter la preuve que l'atteinte est due à une cause étrangère à l'emploi assuré, que le malaise cardiaque témoignant en faveur de la survenue d'un infarctus du myocarde manifestement à l'origine du décès de R. est survenu sur le lieu et pendant le temps de travail de celui-ci, donc à l'occasion du travail et que malgré les efforts de réanimation sur place le décès a dû être constaté quelques instants après la survenue du malaise cardiaque, qu'en cas de doute, c'est-à-dire s'il n'est pas établi de façon certaine que le travail n'a concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice ou à son aggravation soudaine, la présomption demeure et avec elle la qualification d'accident du travail, qu'en considérant que l'arrêt cardiaque respectivement l'infarctus du myocarde à l'origine du décès est survenu pendant l'exercice de l'occupation professionnelle assurée et en considérant que les conditions de stress au travail sont de nature à constituer l'événement agissant de manière soudaine et imprévisible, il y a lieu de retenir que la victime bénéficie d'une présomption d'imputabilité qui dispense la partie demanderesse de rapporter la preuve du lien de causalité entre le décès et l'activité professionnelle, qu'il appartient dès lors à l'Association d'assurance accident de rapporter la preuve contraire en démontrant par exemple que la lésion constatée au temps et au lieu de travail est due de façon déterminante à une affection antérieure médicalement constatée avant l'incident ou à une pathologie qui s'est cliniquement manifestée avant l'incident, que la décision attaquée n'est pas motivée par la considération que la lésion survenue à l'occasion du travail et au cours de l'exercice du travail est due de façon déterminante à une affection ou pathologie cardiaque antérieure médicalement constatée avant l'incident, que même s'il n'y pas d'éléments permettant d'admettre la réalité immédiatement avant le décès, d'un effort physique particulier ayant pu provoquer le décès, il échet cependant de retenir qu'il subsiste un doute sur l'origine du décès, c'est-à-dire qu'il n'est pas établi de façon certaine que le travail n'a concouru en aucune façon à la réalisation du préjudice ou à son aggravation soudaine de sorte que la présomption d'imputabilité doit demeurer et, avec elle, la qualification d'accident du travail de sorte que l'Association d'assurance accident ne s'est pas déchargée de la présomption de responsabilité pesant sur elle et est restée en défaut de rapporter la preuve que le décès est dû à une cause totalement étrangère au travail.

L'Association d'assurance accident a régulièrement relevé appel de ce jugement par requête entrée au secrétariat du Conseil supérieur des assurances sociales le 8 juillet 2010. Elle demande au Conseil supérieur de constater qu'aucun accident du travail ou événement dommageable n'est établi et que le Conseil arbitral a violé les règles relatives à la preuve, de dire qu'à défaut d'accident ou événement dommageable, la présomption d'imputabilité ne s'applique pas et qu'il appartient à l'intimée d'établir la relation causale entre le décès et l'activité professionnelle assurée, de constater qu'il n'est pas non plus établi que le décès est la suite d'un accident du travail et de rétablir en conséquence la décision du comité-directeur prise en sa séance du 12 novembre 2009. L'Association d'assurance accident offre subsidiairement de prouver par expertise que le décès de R. n'est pas en relation causale avec son activité professionnelle.

L'Association d'assurance accident reproche aux juges de première instance d'avoir à tort fait bénéficier W. de la présomption d'imputabilité sans avoir précisé la réalité d'un fait spécial, distinct du travail normal, qui a pu provoquer le décès; qu'en dehors de l'allégation de l'intimée, aucune pièce au dossier ne prouverait un quelconque stress ou mauvais climat au travail; qu'en vertu des règles relatives à la charge de la preuve, l'incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent, contrairement à ce qui est retenu par les juges de première instance, nécessairement être retenus au détriment de celui qui avait la charge de cette preuve; qu'il résulterait au contraire des certificats médicaux des docteurs SCHALBAR et FRIEDERICI que R. présentait de très sérieux facteurs de risque pour faire un infarctus bien avant le jour de son décès et que ceux-ci étaient sans relation avec son activité professionnelle.

L'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Suivant déclaration faite par l'employeur, la N.S. R.A. à l'Association d'assurance contre les accidents, R. est décédé le 3 décembre 2007 vers 15h30 dans la salle de repos des chauffeurs de l'entreprise suite à une crise cardiaque.
Aux termes de l'article 92, alinéa premier du code de la sécurité sociale on entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail.
Tout accident qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail est présumé être un accident du travail, sauf à l'organisme de sécurité sociale de rapporter la preuve que l'atteinte au corps humain est due à une cause étrangère à l'emploi assuré.

Il est constant en cause que R. est décédé sur son lieu de travail dans la salle de repos des chauffeurs, après être rentré avec son bus au siège de l'entreprise. Le décès de R. est partant survenu sur son lieu de travail et pendant le temps de travail de celui-ci, donc à l'occasion du travail. Il est dès lors, par application des principes ci-avant dégagés, présumé être un accident du travail.

Il n'appartient dès lors pas à l'intimée de prouver que l'activité professionnelle de R. était à l'origine de son décès mais à l'Association d'assurance accident de rapporter la preuve que le décès de celui-ci à une origine totalement étrangère au travail (cf. Cass. no. 16/93, 22 avril 1993, no. 1035 du registre).

L'Association d'assurance accident fait valoir à ce sujet qu'il résulte d'une part d'un certificat du docteur René SCHALRAR du 19 février 2009 que l'intimée a fait établir suite à l'intervention du médiateur Marc FISCIIBACH auquel elle s'était adressée et qui lui avait conseillé de demander au médecin traitant de feu son mari s'il était en mesure d'établir un rapport médical détaillé attestant un lien de causalité entre l'infarctus du myocarde de son mari et son activité professionnelle de chauffeur que R. souffrait d'une hypertension artérielle labile ainsi que d'un lymphome hodgkinien du pli inguinal, comprimant la veine iliaque avec thrombose complète de celle-ci et qu'il ne se rendait pas aux contrôles médicaux et d'autre part des certificats médicaux du docteur Robert FRIEDERICI, cardiologue, que R. souffrait d'une artérite des membres inférieurs et qu'une dilatation avec stenting était même prévue de sorte qu'il est établi que R. présentait de très sérieux facteurs de risque pour faire un infarctus bien avant le jour de son décès et que ceux-ci étaient sans relation avec son activité professionnelle.

La partie appelante offre de prouver par expertise que le décès de R. n'est pas en relation causale avec son activité professionnelle.

L'Association d'assurance accident est malvenue de soutenir sur base des certificats médicaux des docteurs SCHALBAR et FRIRDERICI que R. présentait de très sérieux risques pour faire un infarctus du myocarde.
En effet si le docteur René SCHALBAR atteste que R. souffrait d'une hypertension artérielle labile, il résulte cependant du rapport médical du docteur Robert FRIEDERICI cardiologue, qui a examiné R. en date du 8 février 2007, soit dix mois avant son décès, qu'il n'avait pas d'antécédents cardiologiques, que l'examen cardiologique était normal, qu'il y avait absence d'élément en faveur d'une nécrose inférieure et qu'aucun traitement n'était nécessaire.

Il ressort d'autre part du certificat du docteur René SCHALBAR que R. se plaignait de conditions stressantes sur son lieu de travail et d'un mauvais climat de travail, une entrevue en présence d'un membre de son organisation syndicale n'ayant pas contribué à améliorer ses conditions de travail. Les dires de R. qui n'avait aucune raison de mentir à son médecin traitant sur ses conditions de travail se trouvent corroborés par le courrier lui adressé par son employeur en date du 18 juin 2003, courrier duquel il résulte que le climat de travail n'était pas des meilleurs.

Il s'ensuit que, même à supposer que R. ait souffert de sérieux facteurs de risque pour faire un infarctus du myocarde, il n'en est pas pour autant établi, eu égard au stress auquel il était exposé et compte tenu du mauvais climat de travail, que son décès est dû à une cause totalement étrangère au travail, (cf. JCL Sécurité sociale, Accidents du travail, fasc. 310, nos 107, 108, 119; CSAS, n° 147/93 du 27 octobre 1993 Kisch c/AAA; CSAS n° 92/93 du 26 mai 1993 Corthouts c/AAA).

L'offre de preuve de l'Association d'assurance accident est partant à rejeter comme n'étant ni pertinente ni concluante.

La partie appelante est dans les conditions données restée en défaut de rapporter la preuve que la mort de R. à son lieu de travail soit due à une cause totalement étrangère au travail.

Le jugement dont appel est partant à confirmer.

Par ces motifs,

le Conseil supérieur de la sécurité sociale,
statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président-magistrat,

reçoit l'appel en la forme.

rejette la demande en institution d'une expertise,

dit l'appel non fondé,

partant confirme le jugement entrepris.

La lecture du présent arrêt a été faite à l'audience publique du 5 mars 2012 par le Président du siège, Monsieur Marc Kerschen, en présence de Monsieur Francesco Spagnolo, secrétaire.

Le Président ff, signé: Kerschen
Le Secrétaire, signé: Spagnolo

 

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