CASS-03.07.2009

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Accident du travail
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Pendant pause de travail de courte durée  | Lien de subordination  | Preuve conditions de temps et de lieu  | Temps de travail effectif

Référence

  • CASS-03.07.2009
  • Aff. R. c/ A.A.I.
  • No du reg.: G 105/09
  • U200900511

Base légale

  • Art0092-al01-CSS

Sommaire

Le fait de faire une pause de travail de courte durée, que ce soit pour fumer une cigarette ou que ce soit pour toute autre cause, est à considérer comme une nécessité impérieuse de la vie quotidienne et qu'il ne rompt pas le lien de subordination liant l'assuré à son employeur, dès lors que comme en l'espèce, la requérante, obligée de sortir pour fumer une cigarette, a fait sa pause dans la cour intérieure du bâtiment de son lieu de travail dont elle ne s'est pas éloignée, restant ainsi à la disposition et sous la direction de son employeur, peu importe qu'il ait tacitement ou expressément autorisé pareille pause.

En l'espèce, la requérante ne s'est pas sensiblement éloignée de son entreprise, elle ne s'est pas rendue indépendante pour vaquer à des occupations strictement personnelles sans rapport avec l'activité professionnelle assurée, et elle n'a fait qu'user d'un temps de repos, fut-il rémunéré ou non, lequel fait partie intégrante du temps de travail.

L'incident est à considérer comme survenu au temps du travail.

Corps

Reg. N° G 105/09

Conseil Arbitral des Assurances Sociales

Audience publique du trois juillet deux mille neuf

Composition:  
M. Frank Schaffner, président du siège,
M. Patrick Walter, assesseur-employeur,
Mme Sylvie Theisen, assesseur-assurée,
ces deux derniers dûment assermentés,  
Mme Véronique Szymanski, secrétaire,

Entre:

R., née le ..., demeurant à ...,;
demanderesse, comparant par Maître Delphine Rossi, avocat, en remplacement de Maître Stéphane Lacroix, avocat­avoué, Luxembourg;

Et:

l'Association d'Assurance contre les Accidents, section industrielle, dont le siège est à Luxembourg, représentée par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul Hansen, docteur en droit, demeurant à Fentange;
défenderesse,
comparant par Monsieur Gilbert Fritsch, inspecteur principal 1er en rang, Luxembourg, mandataire suivant procuration écrite;

Par requête déposée au siège du Conseil arbitral des assurances sociales en date du 1er avril 2009, la partie requérante forma recours contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents, section industrielle, du 19 mars 2009.

Par lettres recommandées à la poste en date du 20 mai 2009, les parties furent convoquées pour l'audience du 10 juin 2009, à laquelle la requérante comparut par Maître Delphine Rossi, préqualifiée. La partie défenderesse comparut par son mandataire Monsieur Gilbert Fritsch, préqualifié.

Le président du siège ouvrit les débats par un exposé de l'affaire. Ensuite, les parties présentèrent leurs observations.

La partie requérante conclut à la réformation de la décision attaquée.

La partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Après prise en délibéré de l'affaire, le Conseil arbitral des assurances sociales rendit à l'audience publique de ce jour, à laquelle le prononcé avait été fixé, le jugement qui suit:

Vu le recours introduit le 1er avril 2009 auprès du Conseil arbitral des assurances sociales par la requérante, Madame R., dirigé contre une décision du comité-directeur de l'Association d'assurance contre les accidents prise en séance du 19 mars 2009, lequel a par confirmation de la décision présidentielle du 22 janvier 2009 décliné la déclaration d'accident professionnel présentée le 16 janvier 2009 au motif que l'accident du 9 janvier 2009 n'était pas survenu par le fait ou à l'occasion du travail en ce que la lésion déclarée était exclusivement à mettre en relation avec une activité purement privée sans rapport avec l'activité professionnelle assurée;

Attendu que le recours est recevable pour avoir été introduit dans la forme et le délai de la loi ;

Attendu que la partie requérante conclut à voir reconnaître l'incident déclaré comme accident professionnel au sens de la loi par réformation de la décision attaquée aux moyens plus amplement exposés à la requête introductive d'instance, tout en donnant à considérer que l'incident et la lésion étaient survenus pendant une pause autorisée pour fumer une cigarette sur le lieu et au temps du travail et que pendant cette pause de courte durée, la requérante restait sous l'autorité et le contrôle de son employeur, que l'activité professionnelle assurée n'avait pas été interrompue anormalement et volontairement pour des besoins strictement personnels, que les enseignements à retenir de la décision de justice invoquée à l'appui du recours étaient transposables mutatis mutandis à la présente affaire à l'opposé des décisions de justice dont se prévaut la partie défenderesse en rapport avec des incidents survenus en raison d'un éloignement du lieu de travail motivé par une visite médicale,

que la partie requérante se réserve le droit de verser une copie du contrat de travail en cours de délibéré;

Attendu que la partie défenderesse conclut à la confirmation de la décision dont recours notamment aux moyens qui ont servi à son fondement, tout en donnant à considérer que la cause de l'accident, soit le fait de faire une pause pour fumer une cigarette, était étranger à l'emploi assuré pour être exclusivement en rapport avec une activité privée peu importe l'autorisation tacite ou expresse de l'employeur en ce sens, que l'accident ne s'était pas produit par le fait du travail, que la requérante n'avait pas agi sur ordre de son employeur, que les enseignements résultant de la décision judiciaire versée en cause à l'appui du recours n'étaient pas susceptibles d'être transposés à la présente affaire au vu de la différence des faits et des circonstances et qu'à l'opposé, il y avait lieu de faire application de la jurisprudence réfutant la qualification d'accident professionnel au sens de la loi aux incidents qui se sont produits aux assurés qui pour des motifs de consultation médicale strictement privés avaient subi un accident tantôt après avoir quitté leur poste de travail, tantôt sur le chemin pour se rendre au travail ou pour en revenir,

que la partie défenderesse déclare ne pas s'opposer au versement en cours de délibéré d'une copie du contrat de travail ;

Attendu que quant aux faits, il résulte des éléments du dossier et des déclarations à l'audience que la requérante, employée de bureau dans un service clientèle d'une compagnie d'assurance, a subi un accident le 9 janvier 2009 par chute d'un morceau de glace du toit d'un immeuble sur sa tête, alors qu'elle faisait une courte pause dans la cour intérieure du bâtiment abritant son bureau pour fumer une cigarette en compagnie d'une collègue de travail,

qu 'en raison de cet accident, elle a subi une contusion à la tête laquelle a motivé une visite médicale le jour même de l'incident au service de consultation hospitalière auquel elle a été conduite en ambulance, et qu'elle s'est fait prescrire un arrêt de travail,

que toutefois, elle s'est vue décliner la déclaration d'accident professionnel présentée le 16 janvier 2009 par décision présidentielle du 22 janvier 2009 confirmée par la décision dont recours pour les motifs plus amplement détaillés à ladite décision ;

Attendu que quant à la reconnaissance de l 'incident déclaré comme accident professionnel au sens de la loi, question qui fait l'unique objet de la présente affaire, l'article 92, alinéa 1er du Code des assurances sociales dispose comme suit :

« 1) On entend par accident professionnel celui qui est survenu à un assuré par le fait du travail ou à l'occasion de son travail. »,
qu'en principe, et dès lors que l'assuré qui poursuit la reconnaissance d'un accident comme accident professionnel au sens de la loi a démontré la matérialité de l'incident déclaré ainsi qu'une atteinte à l'organisme, il bénéficie d'une double présomption, une présomption simple de causalité suivant laquelle doit être réputé comme survenu par le fait ou à l'occasion du travail tout accident survenu à l'heure et au lieu de travail, et une présomption simple d'imputabilité suivant laquelle l'ensemble du dommage subi par la victime est réputé être la conséquence exclusive de l'accident (en ce sens, Conseil supérieur des assurances sociales 30 juin 2003, Schmitt c/ AAI, no. reg. GE 2003/0050), sauf à l'Association d'assurance contre les accidents de rapporter la preuve contraire,

qu'en l'espèce, ni la matérialité de l'incident déclaré comme accident professionnel, ni la lésion consécutive à la chute d'un bloc de glace sur la tête de la requérante, ni encore la relation causale entre cette atteinte et l'incident en cause ne sont contestées ou contestables, de sorte que la question litigieuse se résume à celle de savoir si l'incident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail, que ce soit par le fait qu'il soit survenu sur le lieu et au temps du travail ou qu'il soit survenu dans des circonstances autres permettant à suffisance de droit de le considérer comme survenu par le fait ou à l'occasion du travail,

qu'en présence des circonstances de l'affaire et des éléments de conviction probants acquis en cause, le Conseil arbitral des assurances sociales retient que l'accident n'est pas survenu pendant une interruption anormale et volontaire de l'activité professionnelle assurée,

qu'en effet, le fait de faire une pause de travail de courte durée, que ce soit pour fumer une cigarette ou que ce soit pour toute autre cause, est à considérer comme une nécessité impérieuse de la vie quotidienne et qu'il ne rompt pas le lien de subordination liant l'assuré à son employeur, dès lors que comme en l'espèce, la requérante, obligée de sortir pour fumer une cigarette, a fait sa pause dans la cour intérieure du bâtiment de son lieu de travail dont elle ne s'est pas éloignée, restant ainsi à la disposition et sous la direction de son employeur, peu importe qu'il ait tacitement ou expressément autorisé pareille pause,

qu'en l'espèce, la requérante ne s'est pas sensiblement éloignée de son entreprise, qu'elle ne s'est pas rendue indépendante pour vaquer à des occupations strictement personnelles sans rapport avec l'activité professionnelle assurée, et qu'elle n'a fait qu'user d'un temps de repos, fut-il rémunéré ou non, lequel fait partie intégrante du temps de travail (en ce sens, Conseil supérieur des assurances sociales 17 février 1993, affaire Torres Ferreira veuve Pinto Da Conceicao c/ AAI, no. reg G 162/92) ,

que l'incident est à considérer comme survenu au temps du travail,
que la requérante ayant effectué sa pause dans la cour intérieure du bâtiment abritant l'entreprise de son employeur sans éloignement sensible et avec l'intention de réintégrer ses bureaux après sa pause, il y a également lieu de retenir que l'accident s'est produit sur le lieu du travail,
qu'en conséquence, il convient de dire que l'accident s'est produit par le fait ou à l'occasion du travail, alors qu'à supposer qu'il ne soit pas survenu sur le lieu du travail proprement dit, quod non, la seule circonstance que la requérante ne s'était pas soustraite au pouvoir de direction et de contrôle de son employeur amène à la même conclusion que l'accident s'est produit par le fait du travail alors que le lien de subordination n'a pas été interrompu,
qu'a contrario, il n'est rapporté aucune preuve susceptible de renverser la présomption de causalité, et qu'il n'est notamment pas établi qu'en effectuant la pause en question, la requérante aurait bravé une interdiction ou violé une quelconque règle se rapportant à l'exécution de son travail, voire qu'elle se serait soustraite à l'autorité et au pouvoir hiérarchique de son employeur,

que pour ces seuls motifs, il y a lieu de dire que les conditions de fait et de droit nécessaires et suffisants pour la qualification d'accident professionnel de l'incident en cause sont données en ce qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail, et que les autres moyens ou arguments sont à rejeter comme surabondants ou non pertinents,

Par ces motifs,

le Conseil arbitral des assurances sociales, statuant contradictoirement et en premier ressort, quant à la forme, déclare le recours recevable

quant au fond, déclare le recours fondé et y fait droit : dit que l'incident du 9 janvier 2009 mérite la qualification d'accident professionnel au sens de l 'article 92, alinéa 1er du Code des assurances sociales en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008.

La lecture du présent jugement a été faite à l'audience publique du 3 juillet 2009 en la salle d'audience du Conseil arbitral des assurances sociales à Luxembourg, par Monsieur le président du siège Frank.

Schaffner, en présence de Madame Véronique SZYMANSKI, secrétaire.

signé: Schaffner, Szymanski

 

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